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Un scandale au GIEC ? C’est « Sauvons le climat » qui l’affirme…

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Article mis à jour le 21/07/2014

Peu connue du grand public, Sauvons le climat est une association qui considère que « la /consommation sans frein des énergies fossiles provoque, via les gaz à effet de serre, un réchauffement climatique dont les conséquences s’annoncent redoutables. » (1). Comme son nom l’indique, faisant écho aux si nombreux sauveurs de la planète, elle a fait sienne la mission de préserver le climat et l ’ « avenir des générations futures ». Elle se distingue toutefois des organisations environnementalistes technophobes et nucléophobes , et défend fermement l’énergie nucléaire, dont le poids en France fait du celle-ci un des pays développés les moins émetteurs de CO2.

Jusqu’à présent, SLC n’avait à notre connaissance jamais exprimé la moindre divergence ni la moindre réserve sur les rapports du GIEC et son traitement du réchauffement climatique. Les « climatosceptiques » sont traités très rudement , et le site de l’association laisse passer des commentaires d’une extrême violence où l’on propose d’envoyer Courtillot et Allègre à Cayenne. Rien de très étonnant lorsqu’on sait que le prestigieux conseil scientifique de SLC comporte parmi ses membres Michel Petit, membre de l’académie des Sciences et ancien expert français du GIEC. De ce fait, les erreurs ou (supposées) manipulations des climatosceptiques sont vigoureusement dénoncées, tandis que l’affaire de la fonte des glaciers de l’Himalaya d’ici 2035 (2) sont analysées avec une candeur certaine par le même Michel Petit (3), dont les propos en public sont parfois surprenants. Ainsi, selon lui, l’optimum climatique médiéval n’aurait existé qu’en France (4)!

Le communiqué du 15 juin 2014 est d’autant plus surprenant (5). Qui a rédigé le rapport du groupe 3 du GIEC se demande l’association ? Diable ! Se pourrait-il donc qu’il s’agisse d’autres chose que d’un groupe d’experts chargés de faire le point sur l’état de la connaissance en matière de stratégies permettant de « limiter le changement climatique » ? La neutralité et l’intégrité du GIEC, jusqu’à présent, n’avait jusqu’à présent jamais été mises en doute par SLC, y compris lors du rapport spécial de 2011, où un scénario délirant (6) laissait entrevoir la possibilité de produire 77% de l’énergie primaire mondiale d’ici 2050 à partir d'énergies renouvelables(7).. Qui avait rédigé ce rapport ?, aurait également pu demander SLC à l’époque. Parmi les auteurs, Sven Teske de Greenpeace, co-inventeur de ce scénario avec Christine Lins de l’EREC, syndicat professionnel de l’énergie renouvelable(8).

Mais cette fois-ci, le GIEC est allé trop loin, et SLC s’insurge contre « la tonalité anti-nucléaire » du résumé pour les décideurs. S’exprimant dans une tonalité très chevènementiste (ou dupont-aignantiste), l’association s’est donc penchée sur la nationalité des auteurs du rapport :

« Il y a 3 co-présidents dans le GR3, un Cubain, un Allemand (Ottmar Edenhofer), un malien. Parmi les 6 vice-présidents il y a un Britannique, un Italien mais aucun Français.

Le rapport du GRIII contient évidemment la liste des auteurs. On peut alors juger du « rapport des forces ». Et la surprise est amère. Pour les 16 chapitres du rapport on compte 8 auteurs travaillant dans des institutions ou universités françaises à comparer à 73 auteurs allemands ! Si on limite le décompte aux auteurs principaux on trouve 5 français travaillant dans des institutions ou universités françaises à comparer à 27 allemands. La contribution allemande n’est dépassée que par celle des USA avec 49 auteurs. Le Royaume Uni en compte 14, les Pays Bas et l’Italie 9 chacun.

Certains chapitres sont particulièrement importants.

Le chapitre 6 traite de l’évaluation des trajectoires de transformation (Assesment of Transformation Pathways). Pour 1 français (Jean Charles Hourcade), on compte 13 allemands.

Le chapitre 7 traite des systèmes énergétiques : aucun français (où est passé EDF ?) , 8 allemands.

Le chapitre 16 traite des questions de coûts d’investissement et de finances : aucun français, 3 allemands.

L’annexe 3 traite des coûts spécifiques des technologies et des performances : pas de français, 5 allemands.

Parmi les rédacteurs du résumé pour décideurs (SPM) on compte un français travaillant pour l’OCDE et un autre travaillant à l’université de Princeton, pour 16 allemands. Aucun français travaillant dans une institution française.

Pour le Groupe I les auteurs français du résumé pour décideurs étaient au nombre de 4 pour 6 allemands. »

En somme, si on comprend bien, trop d’allemands, et pas assez de français, aux yeux de SLC ! En principe, la composition d’une équipe d’experts ne devrait être jugée qu’au regard de la compétence de ceux-ci et de leur complémentarité, et non pas en fonction de leur nationalité. Doit-on comprendre que le fait d’être allemand altère l’objectivité de l’expertise ? Que le point de vue d’un expert allemand diffère par nature de celui d’un expert français, et que ceux-ci sont là pour défendrre les options stratégiques de leurs états respectifs ? Ce serait l’aveu qu’on n’est plus dans la science ! C’est bien l’opinion de SLC, qui considère par conséquent qu’on doit passer respecter un équilibre des représentations nationales pour que des points de vue inconciliables puissent s’exprimer de façon équilibré :

« Il existe actuellement des différences de stratégies importantes entre pays, selon qu’ils envisagent ou non de sortir du nucléaire en recourant plus longtemps à l’usage de combustibles fossiles pour la production d’électricité. Les deux stratégies sont illustrées par celles de la France et de l’Allemagne. On pouvait donc espérer que les deux choix possibles seraient exprimés de façon équitable au sein du GRIII. (..) »

La « sous-représentation » française dans le GR3 est-elle le résultat d’un « complot allemand » ou de l’incurie du ministère de l’écologie française ? Le communiqué de SLC vire au chauvinisme douteux et belliqueux : «La faible représentation de la France dans le Groupe III était-elle délibérée ? Ou bien résulte-t-elle d’un dysfonctionnement du Ministère de l’Écologie (en 2008-2009) chargé de fournir une liste d’auteurs possibles au GIEC ? Quoiqu’il en soit, cette faiblesse de la contribution française est un scandale et exige que la lumière soit faite pour comprendre comment elle a pu être possible ».

Le mot est lâché : un scandale, le premier que SLC entrevoit au GIEC. Sur certains points, l’association a raison : la tonalité du résumé est bien anti-nucléaire, et on peut se demander avec elle :

« Comment peut-on dénoncer les risques des mines d’uranium et ne pas dire un mot sur ceux des mines de charbon ?

Comment parler de risques opérationnels du nucléaire sans dire un mot de ceux des industries du gaz, des barrages hydroélectriques, de l’exploitation de la biomasse etc.

Pourquoi taire que jamais un programme militaire n’a été la conséquence d’un programme civil préexistant.

Les déchets nucléaires sont contrôlés et confinés contrairement aux gaz, poussières et déchets solides produits par la combustion du charbon, du pétrole et du gaz. »

Mais d’autre part, si on peut concevoir que les points de vue adoptés correspondent effectivement aux choix énergétiques (catastrophiques (9)) de l’Allemagne, on devrait se contenter de pointer les faiblesses et la partialité du rapport du GR3 du GIEC, et surtout ne pas lui opposer un rééquilibrage diplomatique, plus de français pour contrebalancer l’influence germanique.

La réaction de SLC est un bel aveu , et une concession involontaire aux critiques du GIEC: contrairement à l’image que certains veulent en donner, le GIEC n’est pas un organisme neutre, qui se borne à faire le point sur l’état des connaissances en matière de climat, mais il est au carrefour de la science et de la politique qui font rarement bon ménage . Comme l’explique Michel Petit , « une première version est soumise à la revue par des experts du domaine abordé, désignés par les états-membres et par les organisations non gouvernementales (ONG) concernées par le changement climatique, qui ont un statut d’observateur. Certaines de ces ONG sont d’obédience écologiste, d’autres représentent les vues des pétroliers et des autres lobbies de producteurs d’énergie. Toutes les sensibilités sont donc présentes et, de plus, la liste des experts n’est pas fermée : toute remarque scientifique est prise en compte, quel qu’en soit l’auteur ». (10). Toutes les sensibilités, comme si la vérité scientifique était une question de « sensibilité » ! Tout cela ressemble, à s'y méprendre, à un plaidoyer en faveur de la "science citoyennne"...

SLC semble donc avoir enfin compris où peut mener la prise en compte de ces « sensibilités » : des lobbies économiques, politiques et/ou idéologiques qui se livrent à des jeux d’influence. La tonalité anti-nucléaire du rapport du GR3 en est une illustration. L’affaire des glaciers de l’Himalaya en est une autre (11).

Mais réclamer une représentation équitable (avec en toile de fond, une germanophobie à peine dissimulée), de tous les sensibilités apparaît bien naïf. Comment un consensus scientifique digne de ce nom pourrait-il émerger d’un équilibre d’influence entre ceux qui ont intérêt à exagérer les conséquences éventuelles du changement climatique, et ceux qui ont intérêt à les minimiser ? Quoi qu’il en soit, SLC s’est enfin rendu compte que cet organisme hybride qu’est le GIEC pouvait produire des rapports, et des résumés pour décideurs (12) altérés par de mauvaises influences. Il y a un début à tout…

Anton Suwalki

Notes :

(1)http://www.sauvonsleclimat.org/qui-sommes-nous/390-ce-que-nous-voulons.html

(2) Cette affirmation figurait dans le 4ème rapport du GIEC : les glaciers devraient avoir perdu 80% de leur surface d’ici à 2035. La source « scientifique » de cette grosse bourde n’était autre que le WWF.

(3) http://www.sauvonsleclimat.org/documentsslchtml/etudeshtml/groupe-intergouvernemental-sur-le-climat/35-fparticles/117-groupe-intergouvernemental-sur-le-climat.html

(4) http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/Europe-1-Midi/Sons/Europe-1-midi-Marielle-Fournier-09-08-12-1199365/

En réalité il existe plusieurs dizaines d’études peer-reviewed consacrées à l’optimum médiéval, tendant à accréditer l’idée d’un phénomène global. En tout cas, Michel Petit est à notre connaissance le seul à affirmer que cela n’a concerné que la France.

(5) http://sauvonsleclimat.typepad.fr/le_blog_de_lassociation_s/2014/06/qui-a-r%C3%A9dig%C3%A9-le-rapport-du-groupe-3-du-giec-.html

(6) parmi 164. Soulignons que tester 164 scénarios, quel que soit le domaine, ne fait pas vraiment très sérieux…

(7) http://srren.ipcc-wg3.de/report/IPCC_SRREN_Ch10.pdf.

(8) http://www.erec.org/newssingleview/browse/9/article/test-2.html?tx_ttnews[backPid]=297&cHash=d400d0f6ffd3d953906bad4776e3259f

(9) http://www.lepoint.fr/economie/allemagne-berlin-paie-tres-cher-l-abandon-du-nucleaire-21-05-2013-1670631_28.php

(10) http://www.clubdesargonautes.org/faq/giec.php

(11) On peut très bien imaginer que l’ « erreur » ait échappé à la vigilance collective des relecteurs du rapport du GIEC,révélant une simple défaillance du preocessus de relecture. Par contre, il est difficile de croire, à l’instar de Stéphane Foucart du Monde, que l’erreur, surtout quand on en connait la source, se soit glissée toute seule dans le rapport du GIEC, sans que quiconque ait eu la volonté de tromper.

En accès libre, l’article de Foucart sur ce sujet :

http://www.internationalnews.fr/article-les-experts-du-climat-epingles-sur-les-glaciers-de-l-himalaya-43309904.html

(12) Tout porte à penser que ces résumés, dont le contenu est négocié mot par mot, sont encore plus sous influence que les rapports eux-mêmes.


Gilles-Éric Séralini et Cie : ne jamais céder, ne rien concéder, si besoin mentir

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Un article de Wackes Seppi

Dernier épisode avant le suivant : il publie, on le dépublie, il republie

Résumé des épisodes précédents

Une mémorable controverse

Le 19 septembre 2012, à 15 heures françaises, la revue Food & Chemical Toxicology met en ligne un article, « Long term toxicity of a Roundup herbicide and a Roundup-tolerant genetically modified maize », signé Gilles-Eric Séralini, Émilie Clair, Robin Mesnage, Steeve Gress, Nicolas Defarge, Manuela Malatesta, Didier Hennequin et Joël Spiroux de Vendômois [1].

Cette mise en ligne a coïncidé avec une extraordinaire campagne de communication dont le but n'était pas de promouvoir le travail scientifique, mais de mettre en accusation les plantes génétiquement modifiées et les herbicides à base de glyphosate, ainsi que les procédures – prétendument laxistes – conduisant à leur autorisation pour la culture et l'alimentation ou pour leur utilisation.

Parallèlement, et quasi immédiatement, s'est produit une non moins extraordinaire levée de boucliers de la part essentiellement de la communauté scientifique majoritaire – celle qui s'oriente sur la rigueur et le rationalisme – et d'une partie des médias – notamment de ceux qui ont été choqués par les termes d'un embargo léonin (il avait empêché les médias qui y ont souscrit de recueillir l'avis d'autres scientifiques sur la valeur de l'« étude », les obligeant à ne diffuser dans un premier temps que la parole de l'évangile séralinien).

Sur le plan scientifique, il était immédiatement apparu que, pour reprendre le mot de M. Gérard Pascal, du 20 septembre 2012 : « Cela ne vaut pas un clou »[2]. Pour MM. Henry I. Miller et Bruce Chassy, « Scientists Smell A Rat In Fraudulent Genetic Engineering Study » (littéralement : les/des scientifiques trouvent des choses louches dans une étude frauduleuse de génie génétique) [3]. Feu Alain de Weck, immunologue et allergologue réputé, a été plus spécifique sur son blog, maintenant effacé, hébergé par Le Monde [4].

Les autorités d'évaluation et de régulation sont aussi saisies ; en France par des ministres paniqués, ravis de l'aubaine, ou soucieux de leur popularité. Une douzaine répondront ; toutes concluent que l'« étude » n'apportent pas d'éléments nouveaux susceptibles de remettre en cause les évaluations précédentes et les autorisations relatives à l'OGM et l'herbicide. D'autres encore se manifestent, telles les six académies scientifiques françaises, dans une déclaration et un communiqué communs inédits dans les annales.

L'éditeur de F&CT, M. A. Wallace Hayes, a donc, fort normalement, été assailli. Il s'est alors livré à un véritable combat d'arrière-garde. C'est qu'il n'était pas mêlé à une simple erreur éditoriale, mais à un dysfonctionnement impardonnable du processus de peer review (revue par les pairs) et, de plus, à une vaste opération politique. Cela lui avait été signifié sans ambiguïté, par exemple par Dale Sanders et al. : « Nous sommes préoccupés par le fait qu'une procédure scientifique habituellement robuste a été utilisée pour diffuser un agenda plutôt que des faits – dans le cadre d'une campagne contre la technologie GM » [5].

Dans un premier temps, c'est le déni [6]. Une douzaine de lettres ou articles critiques sont cependant publiés, certains individuels, d'autres collectifs, une de la Société Européenne de Pathologie Toxicologique (European Society of Toxicologic Pathology – ESTP) et une au nom de la Société Française de Pathologie Toxicologique (SFPT) [7]. Il n'y a qu'une lettre de soutien, de M. Jack A. Heinemann, Université de Canterbury, Nouvelle-Zélande – un anti-OGM notoire.

L'affaire est néanmoins réexaminée. L'équipe Séralini est priée, le 15 mars 2013 de fournir les données brutes, ce qu'elle fait [8]. Il aura fallu six mois ! À ce moment-là, les carottes étaient déjà cuites... Mais F&CT entame une nouvelle procédure d'évaluation comme si l'édition scientifique vivait dans une tour d'ivoire.

Neuf mois après, M. Hayes propose à M. Séralini de retirer son article [9]. Essuyant un refus, il retire (dépublie) l'article et le remplace par une « explication » sur le site web [1]. Procédé extravagant : l'article de base est supprimé (en fait, il reste accessible moyennant certaines contorsions), mais les articles dérivés sont maintenus...

Les explications de M. Hayes sont toutefois confuses et peu convaincantes. « Sans équivoque, le Rédacteur-en-chef n'a trouvé aucune preuve de fraude ou de présentation intentionnellement erronée des données. » Mais « [e]n définitive, les résultats présentés (quoique n'étant pas incorrects) ne sont pas concluants, et, par conséquent, n'atteignent pas le niveau requis pour une publication dans Food and Chemical Toxicology ». Pourtant, il écrit dans la foulée que « [l]e processus de revue par les pairs n'est pas parfait mais il fonctionne » (l'original utilise la forme emphatique : « does work »).

Conséquence : il reçoit une bordée de deux scientifiques qui protestent contre la dépublication [7] ! Il produit une réponse postée sur le site de l'éditeur, Elsevier, le 10 décembre 2013 [10] et sur celui de F&CT le 6 janvier 2014 [11] (un tel délai fait singulièrement désordre...). Il reçoit du reste aussi des lettres de soutien de non-scientifiques, et en publie deux – transformant ainsi F&CT en champ de bataille pour un affrontement idéologique. Sa réponse – à des questions selon le titre ! – ajoute encore à la confusion. Mais il lâche le morceau : « En conclusion, F&CT a retiré cet article parce qu'une investigation minutieuse a révélé que ses méthodes étaient scientifiquement déficientes » (« flawed »).

F&CT aura donc mis quatorze mois pour parvenir à une conclusion que des instances d'évaluations telles que l'ANSES et le HCB avaient tirée en moins d'un mois. Et l'équipe de M. Séralini – réduite pour l'occasion à quatre membres – a eu beau jeu d'exploiter les approximations, confusions, et erreurs de M. Hayes dans leur réponse à la dépublication [12].

Mais surtout, grâce à M. Hayes, elle aura trouvé un bel argument de campagne. « Il n'y a pas eu fraude » devient par un habile glissement, souvent suggéré : « Notre étude est valable ».

Et M. Goodman devint éditeur associé...

Cette longue histoire est aussi affligée d'un incident : l'arrivée, au sein de l'équipe rédactionnelle de F&CT en tant qu'éditeur associé, semble-t-il en février 2013, de M. Richard E. Goodman, professeur d'allergologie de l'Université du Nebraska.

Il se trouve que, de 1997 à 2004, M. Goodman avait travaillé pour Monsanto. Cerise sur le gateau, M. Goodman « œuvre aussi à l’ILSI (International Life Science Institute), un lobby financé par les industriels de la chimie et de l’alimentation (dont Bayer CropScience, BASF et Monsanto) ». Cette allégation a été complaisamment relayée en novembre 2013 par la revue Science & Avenir dont il sera aussi question ci-après, sous la signature de Mme Rachel Mulot [13].

Il « œuvre pour » ? Pour autant que nous l'ayons pu déterminer, il n'a été qu'un orateur à des événements organisés par l'ILSI. Mais cela suffit aux ayatollahs de l'anti-OGMisme pour le cataloguer parmi les ennemis du peuple... Et emmancher la théorie de la conspiration du grand méchant Monsanto et de l'industrie en général.

La republication : un événement exceptionnel dans le monde scientifique

Un tabloïd pour science de pacotille

Ni l'égo démesuré de M. Séralini, ni la stratégie politique de combat contre les OGM et les pesticides ne pouvaient se satisfaire du retrait de l'article de F&CT. M. Séralini a donc republié son étude dans un journal du groupe Springer, Environmental Sciences Europe, sous un titre explicite qui sonne comme un cri de victoire sur Satan et ses sbires : « Republished study: long-term toxicity of a Roundup herbicide and a Roundup-tolerant genetically modified maize » [14].

L'égo s'est satisfait d'une revue de série Z. Pour la stratégie politique, la réputation du journal n'a guère d'importance ; pourvu qu'on puisse en citer un à l'appui de la désinformation ou de la manipulation...

Cette revue est en open access (accès libre), un système généralement fondé sur le financement de la publication par l'auteur. Elle n'a pas de facteur d'impact, bien qu'elle soit promise à un bel avenir à coup d'autocitations de son éditeur-en-chef, M. Henner Hollert, Université d'Aix-la-Chapelle ; on se permettra de l'égratigner ici : Sticky Journals l'a félicité pour ses qualités de pollueur de la science environnementale en novembre 2011, ce qui semble assez prémonitoire [15].

M. Marcel Kuntz a procédé à une petite analyse des articles publiés par cette revue sur les OGM. Conclusion :

« En résumé : il s’agit d’un journal qui n’a pas d’influence sur l’avancée des sciences, qui publie quelques textes non-militants qui servent de faire valoir à la majorité d'articles de "science" parallèle. L’intérêt principal de ce journal est d’être un Who’s Who des organisations de la "science" parallèle anti-OGM en Europe » [16].

Un étrange avant-propos – noyé dans le texte !

La republication est assortie d'une sorte d'avant-propos – noyé dans le texte ! – de M. Winfried Schröder, éditeur de la série thématique « Implications for GMO-cultivation and monitoring » :

« Les sciences naturelles et sociales empiriques produisent du savoir (en allemand : Wissenschaften schaffen Wissen) qui devrait décrire et expliquer les phénomènes passés et présents et estimer leur développement à venir. On utilise à cette fin des méthodes quantitatives. Le progrès en science exige des débats contradictoires pour arriver aux meilleurs méthodes en tant que bases pour des résultats objectifs, fiables et valides s'approchant de ce qui pourrait être la réalité. Une telle compétition méthodologique constitue l'énergie nécessaire au progrès scientifique. Dans ce sens, l'ESEU ambitionne de permettre des discussions rationnelles traitant de l'article de G.-E. Séralini et al. (Food Chem. Toxicol. 2012, 50:4221–4231) en le republiant. En faisant cela, toute forme d'évaluation du contenu de l'article ne devrait pas être connotée [mot à mot]. Le seul but est de permettre la transparence scientifique et, sur cette base, une discussion qui ne cache pas mais vise à canaliser les controverses méthodologiques. »

Bien malin celui qui arrivera à tirer la substantifique moelle de ce paragraphe ! Il semble que ce soit une mise en garde du lecteur contre toute tentative d'interpréter, dans un sens ou un autre, la position de l'éditeur sur la valeur de l'article. Ce serait : nous publions pour permettre un débat (qui a déjà eu lieu ad nauseam...). Cela pourrait aussi être de manière lapidaire : nous publions parce que c'est un pote et qu'il a payé les £730/$1220/€880 requis...

En tout cas, inviter le lecteur à ne pas spéculer sur le positionnement de l'éditeur, n'est-ce pas révéler ce positionnement ?

Une conclusion s'impose toutefois : en publiant une version révisée de l'article, ESEU s'est apposé le sceau de l'indignité scientifique et a définitivement fait son coming out en tant que membre du réseau de propagation de la « science » politisée.

Des remaniements et des compléments

Nous ne nous attarderons pas sur la publication elle-même. Des scientifiques se sont exprimés. C'est essentiellement, et forcément, du déjà-vu. Mais c'est aussi regrettable car la désinformation séralinienne a eu droit à un nouveau tour de piste.

L'article n'est révisé que sur le plan des arguments – et des arguties. La substance reste inchangée. Comment pourrait-il en être autrement avec des auteurs qui ont toujours été droits dans leurs bottes face aux critiques et qui sont capables de nier l'évidence avec la dernière énergie ? Il y a certes des informations nouvelles, mais ce sont des données qui avaient fait l'objet d'une rétention en 2012.

Les malfaçons de l'expérience sont de toute manière telles que la nouvelle publication, avec ses ajouts, ne peut pas remédier aux défauts.

La campagne médiatique avait été axée sur les tumeurs (et les immondes photos... reprises dans le nouvel article... toujours sans témoin). L'article d'origine s'ouvrait en conséquence sur le chapitre des tumeurs – oui, en conséquence : l'article avait manifestement été conçu comme support de campagne, tout comme l'expérience elle-même. Une des critiques avait été que le protocole était inadéquat pour une étude de cancérologie ; l'équipe avait répondu que ce n'était pas une étude de cancérologie... dans la nouvelle publication, cet aspect est traité en deuxième partie. Comme si cela pouvait mettre fin à la critique !

On notera aussi pour l'amusement que les colonnes des graphiques sur la mortalité et les tumeurs ont été inversés...

Une déclaration d'absence de conflits d'intérêts et des remerciements « améliorés »

Pitoyable ! Elle était courte ; elle gonfle (aux deux sens du terme) :

« Le(s) auteur(s) [sic]déclare(nt) qu'il(s) n'a (n'ont) pas de conflits d'intérêts, et que, contrairement aux évaluations réglementaires pour les OGM et les pesticides, ils sont indépendants des compagnies développant ces produits ».

Notons que M. Michael Antoniou, sauf erreur britannique, membre du CRIIGEN, a été remercié pour « English assistance ». Peut mieux faire...

Les remerciements ont aussi été augmentés : « l'Association CERES » est maintenant complété par « pour la recherche sur la qualité des aliments, représentant plus de 50 compagnies et donations privées [sic]. » Ce n'est guère plus transparent sur l'origine des fonds et, partant, les conflits d'intérêts ! Et c'est se moquer du monde.

Un étrange complément

Est-ce encore de la science ?

Dans sa présentation générale, l'ESEU affirme que la revue couvre un large champ, « tous les aspects des sciences environnementales, y compris le thème principal de la réglementation » et qu'elle « contribuera à améliorer la compréhension des questions entre les sciences environnementales et la réglementation » [17].

Serait-ce en application de cette ambition que le journal a accepté une sorte de complément à l'article republié, « Conflicts of interests, confidentiality and censorship in health risk assessment: the example of an herbicide and a GMO » de Gilles-Eric Séralini, Robin Mesnage, Nicolas Defarge et Joël Spiroux de Vendômois (soit quatre des huit auteurs d'origine) [18] ?

Le titre se suffit à lui-même : on est dans le domaine du politique.

Le CRIIGEN en a fourni une traduction sur son site, « Conflits d’intérêts, confidentialité et censure dans l’évaluation des risques pour la santé - L’exemple d’un herbicide et d’un OGM » [19]. Mais il n'a pas fourni de traduction du nouvel article sur les rats. On voit donc où sont les priorités...

Un tissu de récriminations hémiopiques

Il serait fastidieux de faire l'analyse détaillée de ce texte. Nous la ferons peut-être un jour. Une brève incursion dans le résumé suffit.

« Dans la semaine qui a suivi [la publication originale], la première vague de critiques est arrivée, principalement de la part de biologistes des plantes sans expérience en toxicologie. »

Il est ainsi suggéré que les critiques sont irrecevables. On peut – on devrait – du reste retourner l'argument : quelles sont les compétences de l'équipe Séralini en toxicologie ? Rejeter les critiques pour absence de compétence, c'est aussi décrédibiliser sa propre « étude ». Mais c'est là un risque que M. Séralini pouvait prendre en s'adressant à un public non ou peu initié.

En tout cas, c'est la tactique No 1 de la désinformation : fabriquer le doute.

Et tactique No 2 : dénigrer les contradicteurs.

« Nous avons répondu à toutes ces critiques. »

C'est évidemment faux, au mieux discutable. Une ânerie ou un faux-fuyant, c'est évidemment une réponse ; mais c'est aussi une non-réponse. Certaines critiques étaient de toute manière irréfutables.

Tactique No 3 : prendre la posture de l'ange.

« C’est alors que des arguments qui dépassaient la science et des attaques ad hominem, et potentiellement diffamatoires, ont commencé à être publiés pêle-mêle dans différents journaux sous la plume d’auteurs ayant de sérieux conflits d’intérêts masqués. »

Quelles attaques ? Et qui peut croire à cette chronologie qui suggère une escalade de la violence de la part de critiques qui, se voyant contrés, auraient recouru à l'ultima ratio de Schopenhauer ? Il faut lire le texte : la liste des griefs est à la fois impressionnante et dérisoire.

Tactique No 4 : prendre la posture du martyr.

« Au même moment, un ancien employé de Monsanto faisait son entrée à FCT en tant que nouvel éditeur assistant pour les biotechnologies après avoir rédigé une lettre de critiques contre nos travaux. Ceci explique en particulier pourquoi la revue FCT a demandé une analyse post-hoc de nos données brutes. »

Au même moment ? En février 2013, le tsunami de critiques était retombé. Un ancien employé ? Professeur d'université depuis 2004... Mais c'est toujours bon à vendre. L'avalanche de critiques tombées sur la revue et son rédacteur-en-chef serait donc restée sans effets, ou du moins sans importance !

Tactique No 5 : exploitation des coïncidences.

Tactique No 6 : c'est un complot.

« Le 19 novembre 2013, l’éditeur en chef réclamait le retrait de notre étude, tout en reconnaissant que les données n’étaient pas incorrectes, qu’il n’y avait eu ni faute, ni fraude ou mauvaise interprétation volontaire dans l’analyse de l’ensemble de nos données brutes – un fait extraordinaire et sans précédent dans le monde de l’édition scientifique [...]. »

Bien sûr, M. Séralini écarte de ses récriminations toutes les critiques formulées par les autres acteurs de cette lamentable histoire, y compris le verdict de M. Hayes : « En conclusion, F&CT a retiré cet article parce qu'une investigation minutieuse a révélé que ses méthodes étaient scientifiquement déficientes » (« flawed ») [10][11].

Tactique No 7 : tri sélectif des faits (au besoin invention).

« [...] Cependant, notre étude n’a jamais été pensée pour étudier la cancérogenèse. De même que le mot cancer n’est pas utilisé dans notre article. »

Effectivement pour la première phrase : l'étude a été pensée pour produire un effet médiatique maximum. Et si le mot « cancer » ne figure pas dans l'article, on y trouve « carcinome » et des dérivés de celui-ci.

Tactique No 8 : fabrication de faits.

Cette dialectique, et surtout cette capacité de ne retenir que ce qui arrange et de rejeter ce qui dérange, a déjà été observée par le passé. C'est une constante de l'auteur (de certains auteurs) de l'« étude », et devrait constituer un problème pour ceux qui l'ont cosignée, ainsi que pour les sponsors.

Un sommet est atteint pour ce qui est de M. Hayes. Il faut le croire sur parole quand il déclare, selon les termes des auteurs, « qu’il n’y avait eu ni faute, ni fraude ou mauvaise interprétation volontaire dans l’analyse de l’ensemble de nos données brutes » (ce qui, du reste, occulte la lancinante question du protocole destiné à la production de hasard organisé). Il ne saurait être crédible quand il affirme avec force que M. Goodman n'a joué, au mieux, qu'un rôle incident dans la réévaluation de l'article, et que la décision de retirer l'article a été prise par M. Hayes seul [10][11]. Et comme il s'agit de fabriquer de la désinformation – dans une revue à caractère scientifique – le plus efficace est encore de la passer sous silence.

Éditeur, es-tu là ?

Si l'analyse comportementale est intéressante, surtout avec de tels cobayes, il est bien plus important de savoir comment ce texte a pu passer l'épreuve de la revue par les pairs et comment l'éditeur a pu l'accepter pour publication. Ce texte comporte des énormités encore plus grandes que le résumé, notamment des ragots colportés sur la toile.

Le texte est aussi intéressant par ce qu'il ne dit pas. Les critiques émanant de personnes ou d'entités difficilement critiquables, par exemple des six académies scientifiques françaises ou des instances consultatives comme l'ANSES et le HCB, sont passées sous silence. Ces instances ne sont guère mentionnées, sauf pour avancer une autre théorie de la conspiration : « Tout cela fut rapidement suivi par une coordination des agences réglementaires nationales, organisée par l’EFSA, qui émettent un avis le 4 octobre 2012 » (en fait l'avis est de la seule EFSA). Les reviewers (s'il y en a eu) pouvaient-ils ignorer cela ?

En fait, on assiste avec ce texte – comme précédemment avec les écrits de M. Hayes – à une sorte de schizophrénie : le débat, en l'occurrence c'est plutôt un pugilat, se déroule quasi exclusivement sur le front de la publication scientifique. Les événements en dehors de cette tour d'ivoire, ainsi que le côté militant de l'équipe séralinienne, sont occultés.

Il y aurait « censure dans l’évaluation des risques pour la santé » ? Il y a eu une censure éhontée dans cette publication.

Est-ce ainsi que l'ESEU espère contribuer à « améliorer la compréhension des questions entre les sciences environnementales et la réglementation » ?

Les faits sont accablants : dans le même élan, ils ont republié un article en jurant que c'est pour promouvoir une discussion rationnelle, la rigueur intellectuelle ; et ils s'assurent que le débat sera fondé sur les émotions, des supputations, des ragots, des théories du complot,. Enfin tout ce qui fait avancer la « cause ».

Pas de conflits d'intérêts et de curieux sponsors

Les auteurs ont déclaré une absence de conflits d'intérêts. Admettons.

Trois se réclament de l'Université de Caen et le quatrième, curieusement, du CRIIGEN (Caen est pourtant son affiliation dans l'autre publication).

Il y a ici trois problèmes.

Premièrement dans le cadre des sciences parallèles, politisées, il ne saurait y avoir de conflits, au sens littéral, mais identité d'intérêts entre les auteurs et le CRIIGEN ainsi que les Fondations Charles Leopold Mayer (FPH), Denis Guichard et JMG, l'objectif commun étant de décrédibiliser le système actuel de régulation des OGM et des produits phytosanitaires. Mais, dans le cadre des vraies sciences, œuvrer pour la réalisation d'objectifs non scientifiques, et des objectifs de ses sponsors, en instrumentalisant la science, crée un conflit d'intérêts. En l'occurrence non déclaré.

Deuxièmement, les auteurs se sont livrés à une véritable agression de leurs critiques :

« Des enquêtes ont pu mettre en évidence que de nombreux auteurs de ces tribunes d’opinion avaient gardé leurs conflits d’intérêts masqués [...] Ces conflits d’intérêts non dévoilés incluent notamment des liens financiers avec les entreprises de biotechnologies et des groupes de lobbying financés par l’industrie ».

Des enquêtes ? Prélude à un régime totalitaire ? Mais, bien plus important, les/des auteurs se réclamant de l'Université de Caen ont omis de signaler dans cet article qu'ils étaient aussi membres du CRIIGEN, ayant ainsi des liens financiers avec des entreprises surfant sur l'anti-OGMisme ; et que le CRIIGEN était un groupe de lobbying en partie financé par des agents économiques essentiellement du commerce.

Troisièmement, Malongo et Lea Nature sont remerciés pour leur aide. Quelle aide pour un commentaire ? Cela sent le renvoi d'ascenseur... un conflit d'intérêts pour les auteurs ?

Le mini-cirque médiatique

Cachotterie et paranoïa

La republication ne pouvait se dispenser d'une conférence de presse. Celle-ci a eu lieu le 24 juin 2014 au bureau d'information parisien du Parlement européen, sans nul doute grâce à l'entregent de Mme Corinne Lepage...

Cela n'a pas été un grand succès. La ficelle commence à s'user... Les protagonistes avaient pourtant ménagé le suspense, pour la conférence de presse, en ne dévoilant « le nom de l'éditeur et de la revue de Springer publiant l'étude » que lors de la conférence.

Mais l'essentiel n'est-il pas de déposer quelques scories pour le long terme ? Ce qui se retrouve sur la toile peut être cité... et ravivé à tout moment... Le dossier de presse – au nom du CRIIGEN pour des publications essentiellement d'auteurs se réclamant de l'Université de Caen, mélange des genres oblige... – a été mis en ligne par le CRIIGEN [20].

M. Ivan Oransky, de Retraction Watch, s'est enquis sur ce silence sur le nom de la publication auprès de M. Séralini. Réponse :

« Monsanto a exercé tant de pressions sur le journal la première fois que nous voulons éviter les pressions illégales » [21].

Des pressions sur ESEU ?

Médiatisation en bande...

Sans surprise, l'événement (en principe) scientifique a servi de tremplin pour une opération médiatique et politique :

« A 11h45, une prise de parole d'associations partenaires sera organisée afin d’interpeller les autorités sur les conséquences sanitaires des découvertes de l'équipe scientifique du CRIIGEN. En présence de Christian Vélot, Fondation Sciences Citoyennes, François Veillerette, Générations futures, et Miguel Garcia, Eau & Rivières de Bretagne. »

Qu'est que l'information ?

Le filon s'épuise. La plupart des médias ont donc repris, sans s'y attarder, la dépêche de l'AFP (sans oublier, pour certains, de remettre les ignobles photos de rats). On prendra pour exemple le Nouvel Observateur, celui-là même qui avait été à l'épicentre de l'extraordinaire Blitz médiatique de septembre 2012 [22]. Ou le Monde [23].

Sans s'y attarder et surtout sans recul et sans analyse critique s'agissant des nouvelles affirmations.

Le Nobs écrit par exemple :

« Cette publication se fait en "open source", ce qui fait que les données sont en accès libre pour l'ensemble de la "communauté scientifique", "ce que l'industrie s'est toujours refusée de faire au nom du secret industriel ou de la propriété intellectuelle", souligne le Criigen. »

Dans le Monde, c'est :

« "Nous avons eu des propositions de cinq éditeurs pour republier l'étude et nous avons choisi Environmental Sciences Europe (groupe Springer) car cette revue fonctionne en “open source”, ce qui va permettre de mettre à la disposition de toute la communauté scientifique les données brutes", a indiqué Gilles-Eric Séralini. »

« Le CRIIGEN a dit... » est une information. Mais ce qu'il a dit est un mélange d'erreurs et d'enfumage. C'est de la désinformation.

La publication n'est pas « open source », mais « open access » [17]. Et la mise à disposition des données brutes ne dépend pas du système de publication.

Cela pose un grave problème pour nos sociétés dans lesquelles l'« information » circule à la vitesse de la lumière, dans une avalanche qui rend la réflexion, la mise en perspective et le recul difficiles.

La galaxie qui englobe les producteurs de « sciences » parallèles exploite très habilement cette faille. Et la vraie science n'a pas saisi l'enjeu sociétal de sa présence accrue dans le paysage médiatique.

Science&Avenir passe les plats

Le Nobs ayant fait cette fois preuve de retenue, c'est un autre journal du groupe – et Mme Rachel Mulot – qui s'est fait le relai de l'équipe du CRIIGEN. Nous avons déjà eu l'occasion de nous pencher sur la ligne éditoriale de Science&Avenir sur ce site [24]. Nous ne pouvions guère être décus !

Mme Mulot, ayant assisté à la conférence de presse, a construit un article sur la base de ses gazouillis [25]. Nous pouvons donc nous faire une idée des points forts de la conférence. Et cela donnera un très bref aperçu des critiques que l'ont peut formuler sur un dossier de presse truffé de malfaçons, évidemment volontaires.

« Nous avons eu propositions de 5 éditeurs, nous avons choisi celui en open source »

Voilà une affirmation invérifiable. Cinq éditeurs de revue auraient proposé de republier une étude qui a coulé corps et biens sous les assauts de l'examen critique d'une douzaine d'agences d'évaluation ? Et M. Séralini aurait choisi celle dont le facteur d'impact est proche de zéro et qui serait la 190 de son domaine sur 210 [26] ?

« Nous sommes les seuls à publier nos données brutes de toxico sur OGM. Aucun industriel ne l'a fait: anomalie »

Mme Mulot relaie trois affirmations en deux phrases.

Une contre-vérité : ils n'ont pas publié toutes les données brutes, même s'ils ont fait un effort, sans nul doute pour se dédouaner et pour les besoins de la communication [27]. Ils ont par exemple fait des prises de sang sur dix mois différents mais n'ont produit que les données du quinzième mois ; ils ont donné le nombre de tumeurs par groupe de rats, mais pas par rat (conséquence : un groupe avec un rat avec sept tumeurs = un groupe avec sept rats avec une tumeur chacun). Les soupçons de cherry picking, de pêche aux bons résultats, ne sont pas levés (de toute manière, cela n'a pas d'importance, le protocole d'essai étant insuffisant).

Une supputation : sont-ils les seuls ? C'est à voir. En tout cas, c'est une nouvelle manifestation de mégalomanie.

Un sophisme et une tromperie : Aucun industriel ? L'industriel ne produit pas d'études scientifiques. Ce n'est pas son rôle. Mais ses dossiers d'homologation sont accessibles selon la législation sur l'accès du public à l'information en matière d'environnement. M. Séralini le sait très bien : il avait obtenu des données brutes, certes après quelques escarmouches de Greenpeace, pour une étude antérieure (démolie par le HCB) [28].

Et Mme Mulot écrit benoîtement :

« Une façon pour le scientifique de marquer sa bonne foi, "l’industrie (s’étant) toujours refusée à faire (de même) au nom du secret industriel ou le la propriété intellectuelle". »

Sa bonne foi ? On se souvient du refus obstiné qu'il a opposé aux demandes de publication de ses données brutes émanant tant de chercheurs que d'autorités de régulation (notamment l'ANSES et l'EFSA). Sachant que son « je publie si les autres oublient avant » est une forme déguisée de refus.

« Dehauvels (statisticien) : "les affirmations disant qu'on ne peut tirer aucune stat à partir de 10 rats sont fausses" »

M. Paul Deheuvels (et non Dehauvels) était donc présent et a dû réciter un air connu.

Ce propos rapporté par Mme Mulot – s'il reflète bien ce qui a été dit – prend une saveur nouvelle. Personne, en tout cas personne de compétent, n'a proféré de telles affirmations. La prêter aux critiques de l'« étude » est une manœuvre de dénigrement. Le sophisme de l'homme de paille.

Ce qui a été constaté, en revanche, c'est que l'équipe Séralini n'a pas produit d'analyse statistique (et pour cause, elle n'aurait pas confirmé la thèse...) pour ses résultats relatifs à la mortalité et aux tumeurs... et il n'y en toujours pas dans la version révisée de son article. Il a aussi été constaté que ses résultats tiennent du hasard organisé. Et, enfin, que M. Séralini a affirmé qu'on ne pouvait pas faire de statistiques sur des nombres entiers [29].

« D’innombrables études toxicologiques utilisent la souche de rats Sprague Dawley incriminée... »

Que ce genre d'enfumage puisse encore être utilisé et, surtout, relayé est proprement incroyable.

Des rats SD sont certes utilisés de manière routinière pour certaines études, selon certains protocoles, mais cela ne valide nullement le choix de cette souche par l'équipe Séralini pour son « étude ».

Combien de revues par les pairs ?

Le dossier de presse contient l'affirmation suivante, ciselée avec art :

« Afin de sortir de ce débat par le haut, l’équipe de recherche du Pr. Séralini a fait le choix de republier son étude chez le groupe éditorial Springer dans une revue en "open access" (qui sera dévoilée à la conférence de presse) et disposant d’un comité de relecture par des pairs. »

Que signifie : « disposant d’un comité de relecture par des pairs » ? La question n'a pas été abordée par Mme Mulot dans Science&Avenir, mais le sens caché de ce bijou d'enfumage a été affiché sur les écrans par Mme Claire Robinson, l'éditrice de GMOSeralini, au titre ô combien évocateur :

« Cette étude a maintenant franchi pas moins de trois rounds de revues par les pairs rigoureuses » [30].

D'autres amis de M. Séralini ont utilisé le même argument. Tel M. Michael Antoniou, membre du CRIIGEN, sur le même site :

« Peu d'études survivraient à un examen aussi attentif par des collègues chercheurs. La republication de l'étude après trois revues par des experts est un gage de rigueur, ainsi que d'intégrité des chercheurs. »

Ou encore M. Jack Heinemann :

« Cette étude a sans aucun doute résisté au processus de révision le plus approfondi et indépendant auquel une étude scientifique sur les OGM a pu être soumise. »

N'en jetez plus ! Non... voici encore, du même :

« Je félicite Environmental Sciences Europe pour avoir soumis l'étude à un autre round de révision par les pairs rigoureuse et anonyme, et pour avoir bravement défendu l'exercice et la recommandation de ses réviseurs, en particulier après avoir été témoin des événements relatifs à la première publication. »

Vraiment ?

La première a singulièrement manqué de rigueur. La deuxième a mené à la dépublication (même si M. Hayes a essayé de préserver les apparences dans ses explications officielles).

Et la troisième ?

Retraction Watch s'est intéressé à la question et a interrogé M. Séralini. Celui-ci a confirmé par courriel qu'il y a eu revue [31].

Vraiment ?

Eh bien, il n'y en a pas eu ! M. Hollert, l'éditeur-en-chef d'ESEU, a répondu, non pas au petit poisson Retraction Watch mais à Nature, qu'il n'y avait pas eu de revue « scientifique » par les pairs :

« ...parce que cela avait déjà été fait par Food and Chemical Toxicology et qu'il a été conclu qu'il n'y avait pas eu de fraude ou de mauvaise interprétation. »

Le rôle des reviewers engagés par ESEU a été de vérifier qu'il n'y avait pas de changement dans le contenu scientifique de l'article [32].

Réagir !

Nos pérégrinations électroniques nous ont amenés à « UK Parliament Meets to Discuss Dangers of World’s Best Selling Herbicide: RoundUp » (le Parlement du Royaume-Uni se réunit pour examiner les dangers de l'herbicide le plus vendu dans le monde : le Roundup) sur Nation of Change [33]. Titre boursouflé ! Dès la première phrase, on apprend que c'était un événement du groupe parlementaire interparti sur l'agroécologie (All-Party Parliamentary Group on Agroecology) [34]. C'est ainsi que fonctionne la désinformation... le titre est presque vrai, vous n'allez tout de même pas chipoter...

Mais là n'est pas le propos du jour. Ce groupe est un forum pour les débats, l'information... et le lobbying. C'est écrit subtilement sur le site du groupe : « coordonner les actions des ministres et de l'opposition [...] ». C'était plus brutal sur le site précédent : « coordonner le lobbying [...] » [35]. Et c'est, avec d'autres, un point d'entrée dans le processus de décision démocratique pour les théories et les projets politiques fondés sur des « sciences » politisées ou « parallèles » selon la définition proposée par M. Kuntz [36]. Il suffit de voir la liste des orateurs – et surtout leurs présentations : imperturbables, ils ont égrené le chapelet des horreurs « scientifiques », dont des écrits de l'équipe Séralini.

Notons incidemment que ce problème se pose avec une très grande acuité, sous d'autres formes, au Parlement européen.

Dépubliée, l'« étude » de Séralini et al. n'avait plus de valeur, sauf à « expliquer » (par une théorie du complot), pourquoi elle avait été dépubliée. Republiée, surtout avec son nouveau titre, elle devient un bijou pour le monde alter et anti.

On peut s'attarder sur les activités des chercheurs militants, sur le rôle de passeurs de science parallèle d'ESEU et d'autres journaux scientifiques ou « scientifiques », sur l'influence des médias complaisants, naïfs ou vénaux, ou encore noyautés.

« [L]a « science "parallèle" nuit à la démocratie » a fort justement – mais avec une mesure qui n'est plus de mise – écrit M. Kuntz [36]. Il est temps de s'attaquer au problème dans toutes ses dimensions.

Wackes Seppi

_________________

[1] http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0278691512005637

Texte disponible, par exemple, à :

http://www.ask-force.org/web/Seralini/Seralini-Long-Term-Toxicity-RR-Bt-def-2012.pdf

[2] http://sante.lefigaro.fr/actualite/2012/09/20/19097-letude-sur-ogm-fortement-contestee

[3] http://www.forbes.com/sites/henrymiller/2012/09/25/scientists-smell-a-rat-in-fraudulent-genetic-engineering-study/

[4] Cité dans :

http://www.imposteurs.org/article-etude-du-criigen-sur-le-mais-nk-603-de-la-manipulation-mediatique-a-l-intimidation-judiciaire-114504413.html

http://alerte-environnement.fr/2013/01/14/gilles-eric-seralini-peut-decommander-lhuissier/

[5] www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0278691512007946

[6] http://www.journals.elsevier.com/food-and-chemical-toxicology/news/journal-statement/

[7] Liens à :

http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0278691512005637

Pour ceux qui ne sont pas dans la liste, voir :

http://www.sciencedirect.com/science?_ob=ArticleListURL&_method=list&_ArticleListID=-612849390&_sort=v&_st=17&view=c&_origin=related_art&panel=citeRelatedArt&_mlktType=Journal&md5=344c6bf2bcd37ca7a989ba28a70d2705&searchtype=a

[8] http://www.enveurope.com/content/26/1/13

[9] http://www.gmwatch.org/files/Letter_AWHayes_GES.pdf

[10] http://www.elsevier.com/about/press-releases/research-and-journals/food-and-chemical-toxicology-editor-in-chief,-a.-wallace-hayes,-publishes-response-to-letters-to-the-editors

[11] http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0278691514000076

[12] http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0278691514002002

[13] http://www.sciencesetavenir.fr/sante/20131128.OBS7425/affaire-seralini-la-revue-scientifique-sous-pression.html

[14] http://www.enveurope.com/content/26/1/14

[15] http://sticky-journals.blogspot.fr/2011/11/henner-hollert.html

[16] http://www.marcel-kuntz-ogm.fr/article-propagation-science-parallele-123976235.html

[17] http://www.enveurope.com/

[18] http://www.enveurope.com/content/26/1/14

[19] http://www.criigen.org/ogm/169/display/Conflits-dinterets-confidentialite-et-censure-dans-levaluation-des-risques-pour-la-sante-Lexemple-dun-herbicide-et-dun-OGM

[20] http://www.criigen.org/communique/88/display/Republication-de-l-etude-du-Pr-Seralini-le-temps-des-responsabilites

[21] http://www.h2mw.eu/redactionmedicale/2014/06/s%C3%A9ralini-ogm-pauvre-science-revues-bafou%C3%A9es-pour-d%C3%A9fendre-des-egos-.html

[22] http://tempsreel.nouvelobs.com/planete/20140624.OBS1475/ogm-seralini-republie-son-etude-contestee-pour-relancer-le-debat.html

[23] http://www.lemonde.fr/planete/article/2014/06/24/toxicite-du-roundup-et-d-un-ogm-seralini-republie-son-etude-controversee_4444396_3244.html

[24] http://www.imposteurs.org/article-sciences-avenir-et-les-ogm-format-tabloid-sur-la-toile-par-wackes-seppi-114563757.html

[25] http://www.sciencesetavenir.fr/decryptage/20140624.OBS1456/ogm-l-article-de-seralini-republie-dans-environmental-sciences-europe.html

[26] http://www.h2mw.eu/redactionmedicale/2014/06/s%C3%A9ralini-ogm-pauvre-science-revues-bafou%C3%A9es-pour-d%C3%A9fendre-des-egos-.html

[27] http://weedcontrolfreaks.com/2014/07/seralini-rat-study-revisited/

[28] http://www.ijbs.com/v05p0706.htm

http://www.hautconseildesbiotechnologies.fr/IMG/pdf/091231_Article_Spiroux_de_Vendomois_Avis_CS_HCB.pdf

[29] http://gmopundit.blogspot.fr/2012/10/gmo-statistics-part-18-seralini-repond.html

[30] http://www.gmoseralini.org/republication-seralini-study-science-speaks/

[31] http://retractionwatch.com/2014/06/26/republished-seralini-gmo-rat-study-was-not-peer-reviewed-says-editor/

Avec un renvoi à un article antérieur.

[32] http://www.nature.com/news/paper-claiming-gm-link-with-tumours-republished-1.15463?WT.mc_id=FBK_NatureNews

[33] http://www.nationofchange.org/uk-parliament-meets-discuss-dangers-world-s-best-selling-herbicide-roundup-1404482037

[34] http://agroecology-appg.org/

[35] http://agroecologygroup.org.uk/index.php/about-the-appg/

[36] http://www.marcel-kuntz-ogm.fr/article-parallel-science-postmodernism-124159286.html

L'abominable vengeance de M. Séralini, par Wackes Seppi

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Or donc Food & Chemical Toxicology a – finalement – retiré (dépublié), en novembre/décembre 2013, l'« étude » de Séralini et al. « Long term toxicity of a Roundup herbicide and a Roundup-tolerant genetically modified maize » initialement mise en ligne le 19 septembre 2012 [1].

Or donc M. Gilles-Éric Séralini a trouvé l'asile scientifique (enfin... il serait plutôt écolo-politique) chez Environmental Sciences Europe, un titre du groupe Springer. Il y a republié son œuvre sous un titre vengeur : « Republished study : [...]» [2].

Et la vie continue à F&CT.

Le 31 janvier 2014, F&CT a mis en ligne un article de Bryan Delaney, Laura M. Appenzeller, Jason M. Roper, Pushkor Mukerji, Denise Hoban et Greg P. Sykes, « Thirteen week rodent feeding study with processed fractions from herbicide tolerant (DP-Ø73496-4) canola » [3]. Une étude classique de toxicité subchronique à 90 jours sur 12 rats par groupe ; et sept groupes par sexe : un groupe recevant une alimentation contenant du colza tolérant la molécule herbicide glyphosate, lequel colza a été produit avec emploi du glyphosate pour le désherbage ; un groupe recevant ce même colza, mais cultivé sans recours au glyphosate ; un groupe recevant un colza quasi isogénique ; quatre groupes recevant un autre colza.

Les auteurs ont précisé :

« Tous les aliments ont été formulés en tant que variantes de l'aliment de laboratoire standard PMI® Nutrition International, LLC Certified Rodent LabDiet® 5002 (PMI® 5002). »

Le tourteau et l'huile de colza se substituaient à ceux du soja.

Les auteurs ont conclu :

« Aucune différence toxicologiquement significative n'a été observée entre les traitements et les témoins. Les résultats décrits ici étayent la conclusion que le tourteau DH [déshuilé/dégraissé et grillé] et l'huile RBD [raffinée/décolorée/désodorisée] sont aussi sains et nutritifs que le tourteau DH et l'huile RBD obtenus à partir de graines de canola non GM. »

Cela n'a pas plu à M. Gilles-Éric Séralini et son équipe rapprochée (MM. Robin Mesnage, Nicolas Defarge et Joël Spiroux de Vendômois). Ils ont donc écrit une lettre à l'éditeur, M. A. Wallace Hayes, celui qui avait osé décider – seul selon lui – de dépublier M. Séralini [4].

Que disent-ils en substance ?

Que les conclusions de l'étude peuvent être utilisés par des instances de régulation ; que, selon leurs propres tests sur la Purina Certified Rodent LabDiet 5002, celle-ci contenait du maïs transgénique et du glyphosate, ainsi que son métabolite, l'AMPA ; qu'en conséquence, « la présence incontrôlée des résidus de pesticides et autres OGM rend l'étude non concluante » ; que « selon les critères de l'éditeur de F&CT, l'étude devrait être retirée à son tour »

On peut dire que c'est de bonne guerre ; mais aussi du niveau de la cour de récréation.

Sur le plan scientifique, c'est d'une indigence crasse. L'objet de l'étude était d'étudier les effets d'un colza transgénique en comparant une alimentation le contenant à des rations contenant d'autres colzas – toutes autres choses étant égales par ailleurs. C'était bien le cas.

M. Delaney a répondu par une lettre à l'éditeur [5]. Lapidaire et cinglante :

« Mesnage et al. n'ont pas analysé les rations témoins de notre étude. »

Il nous faut gâcher un peu cette étourdissante chute. Mais il y a encore matière à Schadenfreude;

M. Delaney et ses co-auteurs sont employés par la firme DuPont Pioneer. Ils ont déclaré une absence de conflits d'intérêts, et formellement relevé le parrainage de DuPont Pioneer. M. Delaney est un des directeurs de rédaction de F&CT.

MM. Mesnage, Defarge et Séralini se sont prévalus du CRIIGEN et de l'Université de Caen (dans cet ordre), M. Spirous de Vendômois du seul CRIIGEN.

La lettre à l'éditeur de Mesnage et al. a été mise en ligne le 2 juillet 2014 ; la réponse le lendemain.

Cela n'a pas empêché Mme Claire Robinson de produire un article sur GMWatch (tiens... pourquoi pas sur GMOSeralini dont elle est la directrice de rédaction ?), « The farce of GMO industry safety studies », daté du 11 juillet 2014, qui occulte la réponse de M. Delaney [6].

Et il y a mieux encore : le CRIIGEN (donc M. Séralini, etc.) a publié une traduction et adaptation le 17 juillet 2014, « Analyse toxicologique des OGM : la mauvaise farce des études de l'industrie », toujours sans tenir compte de la réponse [7].

Le monde de la désinformation n'est-il pas merveilleux ?

Wackes Seppi

_________________

[1] http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0278691512005637

Texte disponible, par exemple, à :

http://www.ask-force.org/web/Seralini/Seralini-Long-Term-Toxicity-RR-Bt-def-2012.pdf

[2] http://www.enveurope.com/content/26/1/14

[3] http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0278691514000568

[4] http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0278691514003226

(accès payant)

[5] http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0278691514003238

(accès payant)

[6] http://www.gmwatch.org/index.php/news/archive/2014/15529-the-farce-of-gmo-industry-safety-studies

[7] http://www.criigen.org/dossier/1131/display/-Analyse-toxicologique-des-OGM-la-mauvaise-farce-des-etudes-de-l-industrie

Diarrhées porcines et désastre sanitaire argentin : à propos de deux allégations anti-OGM

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Canal Plus diffusait pour la première fois le 31 aout une enquête consacrée aux OGM : Bientôt dans vos assiettes (de gré ou de force), de Paul Moreira. J’espère pouvoir bientôt visionner ce « documentaire » et en faire un compte-rendu. En attendant, plusieurs éléments rendent pessimistes.

1/ Les antécédents du journaliste, qui avait déjà commis un docu menteur (1) du même style que ceux de Marie-Monique Robin (2).

2/ L’accueil favorable de Télérama, qui souligne précisément la filiation de ce nouvelle enquête avec celles de Marie-Monique Robin (3). Un mélange de faits réels mais déformés, de fantasmes, de rumeurs et de ragots, voilà ce qui constitue les « preuves accablantes » et la « réflexion de fond » si appréciées du microcosme alter-journalistique.

La parution de ce documentaire nous donne donc l’occasion de revenir sur deux allégations qui ont emballé les journalistes . Nous considérerons brièvement l’affaire des prétendues diarrhées porcines au Danemark, puis de manière plus détaillée, le prétendu désastre sanitaire en Argentine.

Les diarrhées des cochons danois

Comme le révèlent les critiques, Moreira a bel et bien procédé comme MMR, allant à la pêche aux hoaxs sur les sites anti-OGM pour constituer la trame de son reportage. Ainsi, alors que la France importe des tourteaux de soja génétiquement modifié d’Amérique du Sud pour nourrir des millions d’animaux d’élevage, c’est au Danemark que notre brillant enquêteur s’est déplacé pour découvrir des cochons souffrant de diarrhées mortelles, de malformations …, et miraculeusement guéris après que l’agriculteur ait arrêté de les nourrir avec des aliments issus d’OGM.. Voilà un témoignage qui circule sur la toile (4) et que Moreira est allé « vérifier » sur place : « une preuve accablante », comme l’écrit la journaliste de Télérama. Et dire que dans son étude à 2 ans sur des rats nourris avec du maïs tolérant au RoundUp (5), le professeur Séralini n’avait pas noté de telles diarrhées ! Voilà qui devrait lui donner des idées pour concocter sa prochaine expérience 6).

Le « désastre » argentin ?

Autre « preuve accablante », la prétendue catastrophe sanitaire liée aux cultures de soja génétiquement modifié « arrosées de RoundUp » en Argentine. Dans un amalgame caractéristique, les anti-OGM visent indirectement le soja tolérant au glyphosate à cause des épandages aériens de RoundUp sur ces cultures, accusés de mettre en péril les populations habitant près des champs. Cette accusation, déjà émise en 2006 dans un article du Monde Diplomatique (7) est à peu près aussi vieille que la rumeur des paysans indiens se suicidant en masse à cause du coton génétiquement modifié. Mais à la différence de celle-ci (8), la thèse du désastre sanitaire en Argentine n’a jamais été réfutée par des études ou une contre-enquête.

Alors, s’agit-il d’un simple hoax, ou le battage des anti-OGM à ce sujet reflète-t-il au moins partiellement la réalité ?

Il nous semble aller de soi que les riverains de champs puissent vivre des épandages de produits phytosanitaires comme une nuisance. De là à leur attribuer tous les problèmes, il n’y a un pas évidemment vite franchi par les anti-OGM. Exhiber des photos de gamins couverts de plaies, exploiter la détresse individuelle d’une mère dont l’enfant est mort des suites d’une malformation, voilà les méthodes classiques de MMR et de sa mouvance. Mais depuis la propagation de la rumeur argentine, a-t-on avancé en matière de preuve à ce sujet ?

Entre deux photos chocs à ce sujet dans un journal racoleur nommé Nouvel Observateur (9), il est affirmé qu’un certain professeur Damian Verzenassi. a mené une étude sur 65.000 personnes démontrant que le taux de cancers à Santa Fe est deux fois plus élevé que la moyenne nationale. "Ce peut être dû aux produits biochimiques", affirme-t-il. Or, on ne trouve aucun référencement de cette étude ni aucune publication de cet individu dans les moteurs de recherche Pubmed ou Google Scholar. Une vraie étude épidémiologique digne de ce nom n’existe donc vraisemblablement pas. Par contre, une véritable étude portant sur la province de Cordoba, la première province argentine pour la culture du soja génétiquement modifié, donne un taux d’incidence standardisé selon l’âge de 121 ‰ chez les hommes, et de 142 ‰ chez les femmes (10) : en France, cette incidence est plus de 3 fois supérieure chez les hommes et 2 fois supérieure chez les femmes (11). Et l’incidence du cancer dans cette province serait moins élevée que pour l’ensemble de l’Argentine, qui elle-même présente des taux beaucoup plus bas que la France (12). Curieux, pour un pays, et en particulier, une région « empoisonnée »par les OGM et les pesticides, selon la propagande…

De nouvelles preuves à se mettre sous la dent ?

Outre les sempiternels « témoignages », les anti-OGM ont avancé quelques nouveaux pions :

  • L’étude publiée en 2010 du professeur Andrès Carrasco et son équipe de Buenos Aires alléguant des effets tératogènes du glyphosate sur des embryons de grenouille et de poulets (13). Dans une lettre à l’éditeur publiée en 2011, des toxicologues de différente compagnies (Monsanto, Dow Chemical..) mettaient en cause cette expérience, jugée totalement irréaliste par rapport aux conditions réelles d’exposition au glyphosate. Au delà de cette critique, il est intéressant de constater que Carrasco a élaboré son expérience sur la base des allégations sanitaires des anti-OGM, et qu’il a par la suite participé à leur campagne, s’affichant aux côtés de militants anti-OGM affirmés, tels que Michel Antoniou (CRIIGEN) ou John Fagan, fondateur du Global Id group et adepte du Mouvement de la méditation transcendantale (14).

Il n’en fallait pas davantage pour entrer dans la galerie des martyrs du mouvement. D’autant que Carrasco aurait en effet été victime de menaces et de tentative d’agressions alors qu’il s’apprêtait à participer à une conférence en Aout 2010 à La Leonesa. Selon Les amis de la terre, une bombe aurait même explosé (15).Curieusement, Amnesty International reproduit la même information (16) , sans parler d’une bombe ! Le déroulement exact des faits est donc difficile à établir.

Quoi qu’il en soit, si Carrasco participait à une réunion à La Leonesa, petite ville de la province du Chaco, ça n’était pas par hasard : venait de paraître le rapport d’une commission commandé par le gouvernement de la province, censé confirmer officiellement et de manière accablante les dégâts des épandages de glyphosate (16) . Les anti-OGM tenaient enfin leur preuve.

Un rapport complètement indigent

Une lecture rapide de ce rapport permet pourtant de se rendre compte de sa grande indigence, qui aura peut-être échappé au professeur Carrasco.

Remarquons d’emblée que les champs qui côtoient les faubourgs de la petite ville sont plantés de riz, et non de soja. Simple détail, me direz-vous…

Tout ce que les auteurs ont trouvé à se mettre sous la dent, ce sont quelques données extraites des registres hospitaliers, interprétées de manière dilettante.

Rapportant l’incidence du cancer chez les enfants de moins de quinze ans, ils notent pour La Leonesa un triplement entre 2000 et 2009 par rapport à la période 1990-1999 (17). On est ainsi passé de 0,2 cas en moyenne par an à 0,6 cas. Non sans une certaine candeur, les auteurs jugent ce triplement « significatif ». Ils ignorent ainsi totalement que ces valeurs et la distribution des cas est complètement compatible avec les lois qui gouvernent les évènements très rares. En outre, ni le type de cancer ni le lieu d’habitation des malheureuses victimes (et donc leur exposition potentielle ou non aux épandages aériens) n’est connue . Habiter à 100 mètres ou à 3 kilomètres d’une exploitation, ça n’est pas tout-à fait la même chose ! Cela n’empêche nullement les auteurs de lier cette « augmentation » à la progression de l’emprise agricole.

La deuxième donnée fournie à l’appui serait encore plus cocasse si le sujet n’était pas si tragique : Les registres , portant cette fois-ci sur l’ensemble de la population de la région, relèveraient une explosion de l’incidence des malformations parmi les nouveau-nés. Celle-ci passerait de 19,1 ‰ à 85,3 ‰ .Rien bien sûr ne permet d’en déduire une quelconque responsabilité des pesticides dans cette évolution. Mais surtout, les auteurs ont fait du cherry picking dans les registres: les données portent sur 1997-1998, 2001-2002, puis 2008-2009 et sur des périodes différentes (18,12 et 14 mois). Pour quelles raisons ne fournissent-ils pas toutes les données du registre, sinon pour cacher des chiffres qui iraient à l’encontre de leur thèse ? Il s’agit là d’une conception très séralinienne de l’analyse des données.

Conclusion provisoire :

Nous n’affirmons pas que les épandages aériens de produits phytosanitaires ne causent aucun problème. Mais les allégations sanitaires à ce sujet pour l’Argentine, pour incriminer le glyphosate et , bien sûr les plantes génétiquement modifiées tolérantes au glyphosate, ne reposent sur aucune preuve digne de ce nom. Ce rapport de la province du Chaco, censé apporter la confirmation de ce que la propagande martèle depuis des années, est particulièrement ridicule. D’autre part, les données épidémiologiques réelles disponibles sur le cancer en Argentine vont à l’encontre de la thèse d’une catastrophe sanitaire.

Une fois de plus, il n’y a donc aucune raison de prendre aux sérieux les rumeurs anti-OGM.

Anton Suwalki

___________________________________________

Notes :

  1. OGM , l’étude qui accuse
  2. http://www.agriculture-environnement.fr/a-la-une,6/ogm-decryptage-d-une-manipulation-mediatique,183.html

http://www.marcel-kuntz-ogm.fr/article-de-gre-ou-de-force-124480727.html

  1. http://television.telerama.fr/tele/magazine/special-investigation,258726,emission82123269.php#LdT4hsEC7koaKJIL.99
  2. http://www.isias.lautre.net/spip.php?article249
  3. voir notre dossier :
  4. http://imposteurs.over-blog.com/page-4536267.html
  5. http://www.monde-diplomatique.fr/2006/04/VIOLLAT/13346
  6. http://imposteurs.over-blog.com/article-coton-bt-en-inde-pour-en-finir-avec-les-rumeurs-106144487.html
  7. http://tempsreel.nouvelobs.com/galeries-photos/photo/20131025.OBS2700/samedi-8h-en-images-l-argentine-empoisonnee-par-les-pesticides.html

(10) Cancer incidence pattern in Cordoba, Argentina.

Eur J Cancer Prev. 2009 Aug;18(4):259-66. doi: 10.1097/CEJ.0b013e3283152030.

(11)http://lesdonnees.e-cancer.fr/les-fiches-de-synthese/29-incidence-mortalite/38-ensemble-des-cancers/#ind5

(12) http://www.wcrf.org/cancer_statistics/cancer_frequency.php

Mais Belpomme nous expliquerait surement que la surincidence en France est liée à l’exposition aux radiofréquences…

(13)Glyphosate-Based Herbicides Produce Teratogenic Effects on Vertebrates by Impairing Retinoic Acid Signaling, Chem. Res. Toxicol., 2010, 23 (10), pp 1586–1595

(14) Agriculture et Environnement n° 125, Mai 2014

(15)http://www.amisdelaterre.org/Andres-Carrasco-l-ennemi-du.html

(16) http://www.amnesty.org/fr/library/asset/AMR13/005/2010/fr/dcb359ab-1630-4a80-bb82-04b03476f870/amr130052010fr.html

(16) http://www.gmwatch.eu/files/Chaco_Government_Report_English.pdf

(17) La Leonesa :

Population 10.067

Moins de 15 ans :2.960

’95: 1 cas (de cancer nfantile)

’97: 1 cas

’00: 1 cas

’03: 2 cas

’04: 1 cas

’08: 1 cas

’09: 1 cas

Des corrélations fallacieuses, mais désopilantes

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Au détour de la lecture d’un article de Yann Kindo sur la navrante Vandana Shiva (1), je découvre le site « Spurious correlations » (2), ce qu’on peut traduire par « corrélations fallacieuses ».

Yann Kindo se moquait (un peu méchamment, mais c’est justifié) de la « physicienne » indienne qui explique la hausse des cas d’autisme est due des OGM (3). Notons que pour l’altersavante, il ne s’agit pas d’une hypothèse, mais d’une certitude : « that question’s been answered », proclame-t-elle. Même chose pour le diabète, les insuffisances rénales, et Alzeimer !

L’abus des corrélations est une technique éprouvée qui permet toutes les manipulations. La corrélation est une mesure du lien statistique entre deux variables. Si, comme dans la démonstration stupide de Vandana Shiva, vous trouvez deux phénomènes qui évoluent de manière plus ou moins conjointement, tracez-les sous forme de deux courbes sur un même graphique . Pour beaucoup de personnes qui confondent corrélation et causalité, ce procédé enfantin a malheureusement valeur de démonstration. Ils sont victime d’un raisonnement de type Post hoc, ergo propter hoc (à la suite de cela, donc à cause de cela).

Corrélation fallacieuse : démonstration

Pour illustrer que la corrélation faite par Vandana Shiva n’a strictement aucune valeur, Yann Kindo juxtapose la courbe des cas d'autisme et celle des ventes de produits bio : la corrélation est stupéfiante (r=0.9971 (4)), et pourtant personne n’a eu l’idée d’y voir une relation de cause à effet !

Était-ce pédagogique ? Visiblement pas pour les infatigables enfileurs de perles qui sévissent sur les blogs de Médiapart. -« A l'heure de la privatisation du vivant , et de la négation du droit à l' indépendance alimentaire ,et alors qu'une agriculture biologique en pleine évolution semble si prométeuse , les jérémiades (èthnocentrées ) de Yann Kindo sur la licence de physique de Vandena Shiva laissent un goût prononcé de ridicule ...... »

Il est tellement facile de discréditer une personne, au lieu d'argumenter sur le vrai sujet, les OGM. Nous sommes tellement habitué à ces procédés par l'industrie, que j'espère que les citoyens ne seront plus dupes. »

Comment un enseignant en histoire-géo arrive-t-il à être si compétent en analyse scientifique ?

Des stages accélérés chez Monsanto ? »

Face au parti pris de la bêtise, il n’y a donc aucune pédagogie efficace. Il ne faut pourtant pas y renoncer, pour essayer de rendre service à tous ceux qui se laissent sincèrement abuser pour ces corrélations abusives.

La valeur pédagogique de la démonstration par l’absurde

En fouillant un peu, j’ai découvert une autre corrélation troublante: on s’aperçoit que la baisse spectaculaire de la criminalité aux USA coïncide avec la commercialisation des premières plantes génétiquement modifiées (5), tandis que dans la vieille Europe, de manière générale plus hostile aux OGM , la criminalité stagne voire continue à augmenter (6). En plagiant les méthodes et le culot de Vandana Shiva, j’en déduis sans sourciller donc que les OGM sont responsables de la (relative) pacification de la société américaine (7) et que l’Europe gagnerait à les adopter massivement et d’urgence !

Certes, les trollers qui sévissent sur le blog de Yann Kindo y verront sans doute de la provocation. Pourtant, utiliser les mêmes corrélations foireuses, c’est un plaidoyer pour un peu de cohérence. Si ma « spurious » corrélation est irrecevable, alors celles qui essaient de faire passer les OGM pour la cause de l’augmentation des cas d’autisme, d’Alzheimer, ou de tout autre fléau imaginable le sont tout autant. Si on considère que la corrélation que j’avance n’est pas la preuve que les OGM induisent des comportements plus pacifiques (8) , alors on doit reconnaître que c’est aussi le cas des corrélations avancées par Vandana Shiva, tout aussi abusives, pour ne pas dire destinées à abuser.

Reconnaissons toutefois que les corrélations loufoques, voire totalement absurdes, du site susmentionné (2) pourraient avoir une vertu pédagogique bien supérieure aux miennes : par exemple, le lien qu’il y a entre le nombre de noyades en piscine et le nombre de films avec Nicolas Cage. Pas mal non plus, la multiplication des comités d’actions politique aux USA a des conséquences fâcheuses sur la mortalité en fauteuil roulant. Ou encore, la diminution de la consommation de margarine est associée de manière très étroite à celle de la fréquence des divorces. Les facétieux se demanderont sans doute si c’est la consommation de margarine qui baisse parce qu’on divorce moins, ou si c’est l’inverse…

Une « spurious correlation » dans une prestigieuse revue médicale.

On est souvent navré quand des gens comme vous et moi se laissent abuser pour des corrélations abusives. Mais il arrive parfois que le mal contamine des revues scientifiques, y compris les plus prestigieuses. Un certain Messerli a ainsi réussi à faire passer dans le New England Journal of Medicine un papier (9) dans lequel il discute de l’effet de la consommation de chocolat sur l’ amélioration des fonctions cognitives . Pourquoi pas, après tout ? Le hic, c’est que la seule chose que Messerli ait trouvé à se mettre sous la dent, si on ose dire, c’est la corrélation entre le nombre de prix Nobel par pays (depuis sa création en 1901) et la consommation annuelle (actuelle) de chocolat par habitant !

Il n’est pas impossible qu’il s’agisse d’un canular à la Sokal : l’auteur aurait pu vouloir tester si on peut faire passer n’importe quoi dans une des plus prestigieuses revues scientifiques à comité de lecture. A ma connaissance, Messerli n’a jamais fait une mise au point là-dessus. En attendant, une bonne partie de la presse a pris l’info pour argent comptant, certains se demandant avec gravité combien de chocolat il faudrait consommer pour accroitre ses chances de devenir Prix Nobel....Ah, Si j'avais su, je me serais probablement gavé de chocolat ....

Reconnaissons dans ce cas précis, que si c’est un canular, il n’aura pas été très pédagogique.

De manière ironique, des chercheurs de l’Université de Louvain (10) ont rapporté un résultat encore plus surprenant que celui de Messerli : le coefficient de corrélation entre le nombre de magasins IKEA pour 10 millions d’habitants et le nombre de prix Nobel atteint le niveau improbable de 0,82 ! « Nous doutons que quelqu'un prétendrait sérieusement qu’IKEA limite son marché au pays qui ont beaucoup de titulaires du prix Nobel, ou qu’ [inversement] l’exercice de comprendre et d’appliquer les instruction d’assemblage des meubles améliore le niveau cognitif global des populations », commentent-ils malicieusement !

Reste à savoir si les adeptes du meuble en kit mangent beaucoup de chocolat….

Anton Suwalki

(1)http ://blogs.mediapart.fr/blog/yann-kindo/240814/vandana-shiva-demythifiee

(2)http://tylervigen.com/

(3) http://www.newyorker.com/magazine/2014/08/25/seeds-of-doubt

(4) le coefficient de corrélation, dit de Pearson, peut varier de -1 à 1, et plus il s’approche de 1 en valeur absolue, plus il exprime une forte corrélation.

Prix Nobel et chocolat : peut-on publier n’importe quoi dans une revue scientifique prestigieuse ?

(5) 1994 : commercialisation de la première tomate génétiquement modifié « Flav Savr »

(6) http://blogoeconomicus.wordpress.com/2013/03/25/criminalite-aux-usa-le-retour/

(7) Et indienne d’ailleurs, le taux d’homicides ayant diminué de plus de 20% depuis l’introduction des cultures de plantes génétiquement modifiées.

http://www.unodc.org/gsh/en/data.html

(8) Je pourrais, avec une grande mauvaise foi, affirmer qu’en amenant davantage de prospérité, les OGM apaisent les rapports humains, et donc indirectement réduisent les comportements violents, mais je ne le ferai pas…

(9) Messerli FH. Chocolate consumption, cognitive function, and Nobel

laureates. N Engl J Med. 2012;367:1562–4.

(10) http://www.uclep.be/wp-content/uploads/pdf/Pub/Maurage_JN_2013.pdf

Pourrons-nous vivre sans OGM ? un livre paru aux éditions QAE

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Pourrons-nous vivre sans OGM ? 60 clés pour comprendre les biotechnologies végétales.

Editions QAE .

Ouvrage collectif coordonné par Yvette Dattée (INRA, Académie d’agriculture) et George Pelletier (Académie des sciences, Académie d’agriculture)

Présentation :

Des gains de productivité spectaculaires ont été obtenus en production agricole au cours des cinquante dernières années. Malgré tout, la malnutrition perdure dans le monde : un humain sur sept souffre encore de la faim et la population mondiale devrait atteindre 9 milliards d’habitants en 2050. L’agriculture devra donc produire plus, tout en préservant les milieux naturels et cultivés, tandis que les effets difficilement mesurables du changement climatique ajouteront des contraintes agronomiques et sanitaires. Autre objectif : lutter contre l’urbanisation, l’érosion et la salinisation pour sauvegarder nos surfaces cultivées.

Face à ces défis, aucun moyen ne saurait être négligé : il faut mobiliser toutes les technologies apportées par les progrès scientifiques, pour produire plus et mieux. Ainsi, comment créer rapidement de nouvelles variétés ? Les plantes génétiquement modifiées (PGM) résisteront-elles aux virus ? Pourra-t-on rendre les plantes plus tolérantes aux excès de sel ou de froid ? Les méthodes de sélection raisonnées et les biotechnologies y parviendront-elles ?

Mais, la science n’est pas seule en cause : les questions économiques, les choix sociétaux, les considérations politiques participent au débat. Comment sont produites et commercialisées les semences, notamment transgéniques ? Pourquoi et comment les PGM ont-elles été interdites en Europe ? Quelle est la position de la France dans ce domaine ?

Autant de questions pertinentes qui permettront au lecteur de mieux comprendre ce sujet d’actualité sensible.

Les aliments issus d’OGM sont sûrs pour les animaux d’élevage

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Jusqu’à présent, la connaissance que l’on avait des aliments issus de plantes génétiquement modifiées reposait sur des expériences de laboratoire. La confirmation que ceux-ci sont aussi sûrs que les aliments issus de plantes « conventionnelles » vient aujourd’hui du terrain, c’est-à-dire de l’expérience acquise depuis 1996, date d’autorisation commerciale des premiers plantes génétiquement modifiées (1). Aujourd’hui, 95% des animaux d’élevage aux USA ont une alimentation issues de plantes génétiquement modifiées, estiment Alison Van Eenennaam et Amy E. Young, dans une étude publiée par l’ American Society of Animal Science (2). L’expérience de terrain est donc suffisante pour vérifier que l’introduction de l’ « alimentation GM » n’affecte ni la santé ni le rendement des animaux.

Les auteurs ont collecté des données depuis 1983 (bien avant l’introduction des OGM) jusqu’en 2011 (bien après l’introduction). Résultats : la production laitière des vaches a continué à augmenter régulièrement, ainsi que le poids des carcasses des animaux. Le comptage des cellules somatiques (3) , marqueur de certaines inflammations est régulièrement à la baisse. Le pourcentage de carcasses détruites à cause de lésions ou de tumeurs a diminué pour les poulets, et il est resté stable pour les bovins. On peut donc conclure avec les auteurs que ces données ne révèlent aucune tendance défavorable ou inquiétante au niveau de la santé et de la productivité des animaux d’élevage.

Par ailleurs, Alison Van Eenennaam et Amy E. Young plaident par ailleurs en faveur d’ « une harmonisation [urgente] internationale à la fois pour le cadre réglementaire des PGM et la gouvernance des plantes issues par des techniques de sélection avancées pour empêcher, à l’avenir, des perturbations généralisées du commerce international des aliments pour les animaux d'élevage ».

Anton Suwalki

  1. il y eut en 1994 une tomate génétiquement modifiée pour une meilleure conservation, mais l’expérience échoua sur le plan commercial
  2. en accès libre : https://asas.org/docs/default-source/jas-files/jas8124_final.pdf?sfvrsn=4

données disponibles depuis 1995 uniq

Aliments « bio » : ils sont beaux, les biais, par Wackes Seppi

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À propos de la méta-analyse de Baranski (Leifert) et al.

Les zélateurs du « bio » ont eu leur jour de liesse le 11 juillet 2014. Enfin surtout dans le monde anglophone, la France ayant sombré dans la léthargie estivale. Ce jour là, M. Carlo Leifert, de l'Université de Newcastle, a annoncé la publication de « Higher antioxidant concentrations and less cadmium and pesticide residues in organically-grown crops: a systematic literature review and meta-analyses » (des concentrations plus élevées d'antioxydants et moins de cadmium et de pesticides dans les produits de l'agriculture biologique : un examen systématique de la littérature et méta-analyses) dans le British Journal of Nutrition [1].

À lui seul, le titre est un résumé de l'article sous la forme d'un slogan et un cri de victoire.

La communication est aussi péremptoire : la preuve a été faite de la supériorité nutritionnelle et de santé de la filière chère à M. Leifert, et de ses chers (aux deux sens du terme...) produits. Qu'en est-il vraiment ?

QUELQUES RAPPELS

Des allégations de supériorité du « bio » infondées, sinon mensongères

Interdites par le droit dans le cadre commercial...

Faisons un détour par le droit.

« 2. Aucune allégation ne peut être faite dans l'étiquetage ou la publicité suggérant à l'acheteur que l'indication figurant à l'annexe V constitue une garantie d'une qualité organoleptique, nutritionelle ou sanitaire supérieure. »

C'est ce que disait l'article 10 du Règlement (CEE) n° 2092/91 du Conseil, du 24 juin 1991, concernant le mode de production biologique de produits agricoles et sa présentation sur les produits agricoles et les denrées alimentaires [2].

Le législateur avait à l'époque pris une sage décision : empêcher que la promotion du « bio » ne se fasse au travers de la mise en accusation du « conventionnel ».

Cette disposition ne figure plus dans le texte actuellement applicable à l'agriculture biologique (Règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil du 28 juin 2007 relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques et abrogeant le règlement (CEE) n° 2092/91 [3].

Mais le Règlement (CE) n° 1924/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 concernant les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires s'y est substitué à toutes fins utiles [4]. Son article 3 interdit notamment les allégations nutritionnelles et de santé susceptibles de : «susciter des doutes quant à la sécurité et/ou à l'adéquation nutritionnelle d'autres denrées alimentaires ».

...elles foisonnent dans les médias...

Mais si elles sont interdites dans le cadre commercial, ces allégations sont monnaie courante dans les médias. Ce que le législateur a pu instaurer pour les acteurs économiques, il ne pouvait à l'évidence pas l'imposer à d'autres, au mépris de la liberté d'expression. D'aucuns ont exploité le filon.

Les allégations de supériorité des produits bios sont explicites ou implicites, notamment par le biais d'insinuations de dangers contre les produits de l'agriculture conventionnelle. Elles ont fortement imprégné les esprits – grâce aussi, disons-le, à l'indifférence et au manque de vigilance des milieux de l'agriculture qui nous nourrit. Si la filière « bio » se montre dans l'ensemble mesurée, en France tout au moins, les thuriféraires et zélateurs du « bio », les vendeurs de pilules miracles et de sirops de jouvence, et les charlatans de la diététique se livrent à un véritable dénigrement de l'agriculture conventionnelle sur les aspects de la santé et de l'environnement.

...et même dans la législation et la communication gouvernementale !

Ce n'est pas comparatif, mais la comparaison est implicite dans le considérant 1 du Règlement n° 834/2007 dont les allégations sont en partie reprises à l'article 3 :

« La production biologique est un système global de gestion agricole et de production alimentaire qui allie les meilleures pratiques environnementales, un haut degré de biodiversité, la préservation des ressources naturelles, l'application de normes élevées en matière de bien-être animal et une méthode de production respectant la préférence de certains consommateurs à l'égard de produits obtenus grâce à des substances et à des procédés naturels. Le mode de production biologique joue ainsi un double rôle sociétal: d'une part, il approvisionne un marché spécifique répondant à la demande de produits biologiques émanant des consommateurs et, d'autre part, il fournit des biens publics contribuant à la protection de l'environnement et du bien-être animal ainsi qu'au développement rural. » [3]

Sur le site du Ministère de l'agriculture consacré au mode de production biologique :

« L’agriculture biologique (AB) est un des 5 signes officiels d’identification de la qualité et de l’origine. Elle garantit une qualité attachée à un mode de production respectueux de l’environnement et du bien-être animal. » [5]

Quelles impostures. L'agriculture biologique, c'est le respect d'un cahier des charges. Point.

Le difficile rôle de la science

Les produits de l'agriculture X sont-ils meilleurs sur le plan nutritionnel et de la santé (et aussi organoleptique) que les produits de l'agriculture Y ? Inéquation difficilement soluble pour la science !

Les raisons factuelles

L'agriculture biologique a une définition juridique qui prévoit un cahier des charges essentiellement constitué d'interdictions (pas de fertilisants ni de produits phytosanitaires de synthèse, pas d'OGM, pas d'hydroponie, etc.), impose seulement une obligation de moyens, mais permet des modes de production et des itinéraires variés. L'agriculture conventionnelle est, par défaut, celle qui n'est pas biologique. Les deux modes se chevauchent. On peut ainsi pratiquer une agriculture biologique intensive, ou suivre le cahier des charges de l'agriculture biologique sans être certifié, et donc sans avoir droit à la mention « bio ». Il existe dans les deux dénominations des itinéraires techniques et des niveaux d'intensification différents, se répercutant sur les qualités organoleptiques et nutritionnelles des produits.

Les raisons politiques et idéologiques

En France, le Grenelle I de l'environnement fixait, en 2007, comme objectif national 6 % de la surface agricole utile en 2012 et 20 % en 2020 en agriculture biologique. On est devenu plus réaliste entre-temps pour les surfaces, mais au profit d'un très fumeux « projet agro-écologique » [6].

L'Europe s'est aussi mise sur le mode biologique au début des années 2000. Elle a adopté en 2004 un plan d'action en vue de le développer [7]. L'action 7 avait consisté à renforcer la recherche, avec deux conséquences, une spécifique, une générale.

La spécifique est que M. Leifert – notre auteur principal – et l'Université de Newcastle ont emporté un appel d'offres et se sont retrouvés à la tête d'un projet, Quality Low Input Food (QLIF) (aliments de qualité à bas intrants), sur lequel nous reviendrons ci-dessous [8].

La générale est que se sont développées les recherches dirigées vers un objectif, en particulier celui de démontrer l'intérêt du mode de production biologique. La pression sociétale – politique et idéologique – définit donc explicitement ou implicitement les axes de recherche, les résultats attendus et la manière de les présenter. Les financements, la notoriété, l'avancement dans la carrière, etc. dépendent du « politiquement correct ». Il faut donc donner une image favorable des formes d'agriculture se distinguant de celle qui est vilipendée, dénigrée par le qualificatif « productiviste » (alors qu'elle nous nourrit...). Et c'est sans compter le formatage intellectuel des générations montantes...

Ce biais dans la recherche se traduit aussi, par conséquent, par un biais de publication.

Cette situation a de profondes ramifications. Ainsi, dans le domaine des OGM soumis aux mêmes contraintes, cela contribue au silence pesant qui règne, en France notamment, sur les mycotoxines chez le maïs, sachant qu'en parler revient inévitablement à devoir exposer à un moment ou un autre les avantages des plantes Bt, mieux protégées des contaminations que les plantes classiques.

La vraie science, celle qui se fonde sur le rationalisme, est aussi concurrencée par la science « parallèle », celle qui, au service d'une idéologie ou d'une filière économique, pose une conclusion a priori, en fonction d'un préconçu, et s'emploie ensuite à la « démontrer ».

Les questions de valeur relative des agricultures se traitent dans des milieux variés : de l'institut de recherche prestigieux et généraliste à l'obscure officine de promotion de l'agriculture biologique, en passant par l'institut plus ou moins prestigieux abritant une équipe contaminée par l'idéologie.

Trier le bon grain de l'ivraie est donc une véritable gageure.

Les raisons pratiques

Ces questions sont aussi traitées de différentes manières. On peut notamment comparer entre eux :

  • des produits collectés sur les étals, mais on n'aura eu aucun contrôle sur les conditions de culture ;
  • des produits issus d'exploitations voisines comparables, mais il restera des différences et des incertitudes ;
  • des produits issus d'un essai contrôlé, mais l'homogénéisation des conditions de culture conduit à des écarts avec la réalité du monde agricole [9].

Les biais expérimentaux

On peut penser que les scientifiques maîtrisent suffisamment bien les biais de collecte de données (par exemple, les tomates ont-elles toutes été récoltées au même stade de maturité ?). Quoique...

Que comparent les chercheurs dans leurs essais en conditions contrôlées ? Il y a des chances que se soit l'agriculture biologique idéale et idéalisée, et l'agriculture conventionnelle au mieux banale, au pire caricaturale.

Ce problème se pose, dans le cadre de cet article, tout particulièrement pour la teneur en cadmium des produits, pour laquelle la méta-analyse trouve un impressionnant et étonnant avantage à l'agriculture biologique. Le cadmium provient dans une assez large mesure des engrais phosphatés. Or l'agriculture biologique n'autorise que les phosphates naturels, plutôt riches en cadmium ; et elle est plutôt laxiste en la matière (la limite est de 90 mg/kg de P205). Mais les expérimentations sont généralement conduites sur des cultures qui n'auront reçu que des engrais organiques...

À côté de cela il existe de nombreux pièges. Citons en trois, tirés d'un excellent article de M. Joseph D. Rosen, « A Review of the Nutrition Claims Made by Proponents of Organic Food » (une revue des allégations nutritionnelles faites par les promoteurs de l'agriculture biologique) [10] :

  • Il existe une abondante littérature sur l'influence, très importante, du climat sur le sens des différences de composition que l'on constate entre produits biologiques et conventionnels. D'une année à l'autre, les différences peuvent changer de sens. On peut donc affirmer avec une certaine mesquinerie que, pour avoir le « bon » résultat, il suffit de répéter l'essai jusqu'à tomber sur la « bonne » année. Cet effet année est bien connu des amateurs de vins.
  • Une équipe de l'Université de Californie a trouvé dans des kiwis issus de l'agriculture biologique une plus grande teneur en vitamine C et composés phénoliques. En fait, ceux-ci sont concentrés dans la peau, qui était plus épaisse sur ces kiwis. Mais la peau n'étant pas consommée, la différence n'avait donc pas de réelle signification nutritionnelle... ce qui n'empêche pas la publication de se retrouver dans des méta-analyses...
  • Une équipe japonaise a comparé cinq paires de légumes-feuilles, ceux issus de l'agriculture biologique ayant été produits par utilisation de chitosan comme stimulant des défenses naturelles. Les importantes différences constatées pour certains composés ne sont pas dues au mode de production, mais à l'effet du chitosan.

L'interprétation des résultats

L'étape de l'interprétation des résultats est aussi confrontée à des défis considérables :

  • Un résultat sur la tomate, par exemple, est-il généralisable à l'ensemble des légumes, voire des denrées alimentaires ?
  • Comment combiner des résultats obtenus pour un même facteur sur plusieurs espèces cultivées pour former une image synthétique pour une catégorie de produits (les légumes par exemple), voire l'ensemble des produits ?
  • Comment combiner des résultats obtenus pour plusieurs facteurs sur une même espèce pour former une image synthétique ?
  • Et, évidemment, comment combiner les résultats obtenus sur plusieurs facteurs pour plusieurs espèces.

En résumé, le domaine est soumis à d'importants biais d'interprétation. On trouve de tout dans la littérature, la divergence des résultats et des conclusions étant en partie inévitable et en partie (mais dans quelle proportion ?) le fruit de démarches idéologiques.

Les incertitudes sous-jacentes

Et il y a une autre difficulté encore !

Constater qu'un produit issu du mode de production X contient plus d'un composé défini, ou moins, permet-il réellement de conclure à la supériorité de ce mode ? Ceci se décompose en deux questions : sommes-nous sûrs de l'effet nutritionnel et de santé du composé ? Et l'augmentation ou la diminution constatée de la teneur a-t-elle une signification nutritionnelle et de santé ?

La méta-analyse, une solution ?

Qu'est-ce ?

Confronté à une littérature divergente, comment se former une opinion ? La méta-analyse est une démarche de combinaison des résultats d'une série d'études indépendantes – au sens premier, et non postmoderne, d'indépendantes les unes des autres – pour en tirer une image globale ; en tirer des tendances, identifier les convergences et différences et leurs causes, et tout autre élément d'appréciation qui aurait échappé dans les études individuelles. Elle fait largement appel à la statistique, contrairement à l'analyse qualitative.

La version anglaise de Wikipedia [11] fournit des explications détaillées. La version française est d'une indigence crasse... reflet du problème sérieux d'acculturation scientifique de la société française. Même la version galicienne est plus détaillée...

Les difficultés et les écueils

La méta-analyse est sans conteste un outil d'acquisition de connaissances. Il faut toutefois être conscient de ses limites :

  • Elle utilise un fond documentaire existant et, sauf à les identifier et les corriger, subit les biais de publication, dont l'« effet tiroir » (les chercheurs et les revues scientifiques publient davantage sur les expériences ayant obtenu un résultat positif, les expériences soutenant l'hypothèse nulle ou n'atteignant pas le seuil de signification restant « au fond du tiroir »).
  • Elle subit aussi le risque de « garbage in, garbage out » : les publications de mauvaise qualité peuvent difficilement mener à une analyse de qualité.
  • La première étape de la méta-analyse consiste à sélectionner des publications. Même si cela se fait sur des critères objectifs, il y a un risque de biais de sélection, d'origine humaine (subjectivité ou, pire, motivation cachée, mais aussi... langue !) ou induit par les critères eux-mêmes (dans le domaine de l'agriculture, par exemple, ne retenir que les articles publiés dans des revues à comité de lecture revient à écarter la plupart de celles issues des services de vulgarisation).
  • Elle peut agréger des résultats de travaux issus de méthodes différentes (le « problème des pommes et des poires »).
  • Elle peut aussi inclure des études qui semblent indépendantes mais reposent en réalité sur le même ensemble de données, leur conférant un poids supérieur à celui qu'elles méritent.

Un peu d'histoire : à hue et à dia !

On trouve de tout dans la littérature ! Nous n'aborderons ici que quelques études emblématiques pour planter le décor. Un décor important car la méta-analyse Leifert et al. est manifestement une sorte de réponse du berger à la bergère. Annonçons la couleur : à Dangour et al.

Shane Heaton, pour la Soil Association, 2001

La Soil Association est l'entité qui promeut l'agriculture biologique au Royaume-Uni. L'étude « Organic farming, food quality and human health : a review of the evidence » (agriculture biologique, qualité des aliments et santé humaine : le point), est clairement une œuvre de commande [12].

Sir John Krebs, président de la Food Standards Agency (FSA – agence des normes alimentaires) avait en effet déclaré en août 2000 :

« Il n'y a pas aujourd'hui suffisamment d'informations pour nous permettre de dire que les produits bio sont significativement différents en termes de sécurité et de contenu nutritionnel des produits issus de l'agriculture conventionnelle. »

Il fallait donc que le résultat de l'étude réponde aux attentes du commanditaire... Pour les besoins de cette étude, l'auteur, un nutritionniste indépendant, a exclu 70 publications sur 99, au motif notamment que l'histoire des sols n'était pas connue.

L'étude prétend donc tirer sa crédibilité de sa sélectivité, alors que Leifert et al. se sont prévalus du grand nombre d'études retenues... Autres temps, autres mœurs ; ou autres moyens pour arriver aux fins.

Cette étude est intéressante par le ton fort mesuré des résultats et des recommandations. Mais nous sommes en 2001... quoique nous fussions dans la période de la vache folle, les peurs alimentaires et la technophobie n'avaient pas encore atteint la dimension ni l'impact sur la production scientifique qu'elles ont aujourd'hui. S'agissant des nutriments secondaires, il est ainsi écrit :

« La recherche commence à confirmer l'attente que l'on a des productions biologiques, à savoir qu'elles contiennent une plus grande variété et une plus grande quantité de substances naturelles autrefois connues comme métabolites végétaux secondaires ou phytonutriments. »

Et pour la première recommandation :

« Les consommateurs souhaitant améliorer leur consommation de minéraux, de vitamine C et de phytonutriments antioxydants tout en réduisant leur exposition à des résidus de pesticides potentiellement néfastes, aux nitrates, aux OGM et aux additifs artificiels utilisés dans l'industrie agroalimentaire devraient, à chaque fois que possible, choisir des aliments issus de l'agriculture biologique. »

Mais il y avait la publication et... la communication. Le Guardian a ainsi rapporté ce propos de M. Heaton, pour lequel il n'y a aucune base dans l'étude [13] :

« Les chiffres officiels montrent un déclin alarmant des niveaux de minéraux dans les fruits et légumes au cours du demi-siècle passé. »

L'indigence journalistique, le double langage de la Soil Association et les déficiences de l'étude ont fait l'objet d'une critique cinglante qui vaut d'être lue [14].

Toujours est-il que la FSA a annoncé dès la publication de l'étude qu'elle allait commander une nouvelle étude. La guerre des études britanniques a commencé...

AFSSA, 2003

Détour par la France. L'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA, maintenant ANSES) a produit une analyse qualitative en avril 2003, « Évaluation des risques et bénéfices nutritionnels et sanitaires des aliments issus de l’agriculture biologique » [15]. C'est une expertise couvrant un très large éventail de questions. S'agissant des « phytomicroconstituants », elle conclut :

« Par ailleurs, même s’il existe une augmentation des teneurs, comme c’est le cas pour les composés phénoliques, il n’a pas encore été démontré que cela se traduisait par une plus grande biodisponibilité et donc un effet plus protecteur. De plus, le bénéfice santé lié à la consommation plus importante de phytomicroconstituants observé dans quelques études épidémiologiques demande à être confirmé. »

Le site charlatans.info a produit un résumé de l'étude [16]. On peut aussi consulter un article publié en 2009, dans Innovations Agronomiques, par M. Denis Lairon, de l'INSERM, qui fut le président du groupe de travail de l'AFSSA et que l'on peut classer parmi les « pro-bio » [17].

Cette analyse de l'AFSSA est aussi intéressante par un morceau d'anthologie, figurant dans l'introduction, sur les difficultés auxquelles s'est heurtée l'étude :

« 3 – La troisième difficulté tient à la crainte, exprimée à de multiples reprises par les professionnels de l’agriculture biologique, qu’un rapport de cette nature puisse susciter des inquiétudes parmi les consommateurs, dès lors qu’il était évoqué des problématiques de maîtrise sanitaire, ou de vulnérabilité sur le plan sanitaire de certaines pratiques ou bien que des constats fondés sur les seules données scientifiques sous-estiment des effets positifs de l’agriculture biologique qui ne seraient pas objectivables par les études disponibles. »

Il faut que la science confirme le dogme...

Zombie (Carlo Leifert), 2007)

Fin octobre 2007, les médias britanniques ainsi que, évidemment, les sites biophiles bruissent à la nouvelle que les produits biologiques seraient plus sains [18]. Le conditionnel est de rigueur : c'était une annonce ne reposant sur aucune publication scientifique.

Pour une raison que nous n'avons pas pu déterminer, M. Carlo Leifert, à l'époque coordonnateur du projet Quality Low Input Food (QLIF) (aliments de qualité à bas intrants) [8], a cru bon de communiquer. Rappel, peut-être nécessaire à ce stade d'une si longue introduction : M. Leifert est l'auteur principal de la méta-analyse qui fait l'objet du présent billet.

Ce programme d'une durée de cinq ans (de 2004 à 2009), s'inscrivant dans le Sixième programme-cadre pour la recherche et le développement technologique, a été financé par l'Union européenne à hauteur de 12,4 millions d'euros pour un budget total de 18 millions. Il y a un résumé des résultats daté d'avril 2009 [19]. Son sous-titre est éloquent : « Advancing organic and low-input food » (promouvoir les produits de l'agriculture biologique et de celle à bas niveau d'intrants). Pour le domaine qui nous intéresse ici, une des conclusions est :

« Les allégations de santé pour les produits de l'agriculture biologique ne sont pas encore prouvées. »

Notons que le site Organic World tenu par le FiBL (Institut de recherche de l'agriculture biologique, suisse avec des antennes en Allemagne et en Autriche – partie prenante du projet QLIF) ne fait pas état de cette conclusion [20]... Quand un fait dérange, on le passe sous silence dans ce monde...

Pourtant – revenons à octobre 2007 – M. Leifert clame que, selon les résultats préliminaires du programme QLIF, les fruits et légumes issus de l'agriculture biologique contiennent 40 % de plus d'antioxydants que les contreparties conventionnelles. S'aventurant dans le domaine nutritionnel, il déclare aussi :

« Si vous avez tout juste 20 % de plus d'antioxydants dans chaque portion de légumes, alors c'est tout simplement une question de maths – manger quatre portions de fruits et légumes biologiques équivaut à manger cinq portions de fruits et légumes traditionnels. »

Comme si les bienfaits des fruits et légumes se concentraient exclusivement dans les antioxydants !

En conséquence, la Food Standards Agency britannique devait selon lui modifier ses recommandations sur les produits de l'agriculture biologique ; il s'étonna même qu'elle ne l'eût pas encore fait...

« Je me demande s'il n'y a pas des motifs politiques. »

La Soil Association met aussi la FSA en demeure. Il lui faut :

« ...admettre et reconnaître publiquement les bénéfices nutritionnels des aliments produits selon des systèmes bien conduits d'agriculture biologique ».

Un autre site, Angrymoms, reproduit un article paru dans le Sunday of London. Les maths de M. Leifert sur les portions de fruits et légumes s'adressent à une population plus ciblée : les enfants et leurs mères [21] :

« Si vous avez juste 20 % de plus d'antioxydants et que vous ne pouvez en donner cinq par jour, alors vous pourrez être du bon côté avec quatre. »

Même les services de l'Union européenne chargés de la recherche (CORDIS) se sont excités sur cette annonce [22]. Mais personne n'a assuré le suivi et vérifié si l'annonce n'était pas de l'esbroufe.

Et, avec le passage du temps, l'annonce devient encore plus tonitruante. Les produits bio seraient même 300 % meilleurs que les conventionnels [23] !

Charles (Chuck) Benbrook et al., 2008

À l'époque conseiller scientifique de l'Organic Center états-unien, M. Charles Benbrook a publié en mars 2008, avec quatre co-auteurs, un document au titre explicite, « New Evidence Confirms the Nutritional Superiority of Plant-Based Organic Foods » (de nouvelles preuves confirment la supériorité des aliments d'origine végétale issus de l'agriculture biologique) [24].

C'est clairement un document de promotion de l'agriculture biologique, conformément à la mission implicite de l'Organic Center, mais il est remarquablement bien fait. Les institutions de recherche « traditionnelles », ainsi que l'industrie, devraient du reste s'interroger sur les moyens qu'ils mettent en œuvre pour faire leur propre effort de vulgarisation.

Les auteurs sont partis de la littérature peer-reviewed publiée après 1980 et ont retenu 97 études fournissant 236 comparaisons bio-conventionnel scientifiquement valides. Ils précisent qu'ils estiment que leur méthode de tri a rempli son rôle de sélection des données de la plus haute qualité mais reconnaissent – avec honnêteté – qu'il y a d'autres méthodes pour atteindre cet objectif de qualité.

Ils exposent aussi les difficultés des comparaisons, ainsi que les écueils, mettant leurs résultats en perspective (même si cela ne transparaît pas forcément dans le résumé et les recommandations). L'information est donnée, et ce, dans des parties opportunément intitulées, par exemple, « key caveats » (mises en garde essentielles) et « methodological issues in comparing nutrient levels in organic and conventional foods » (problèmes méthodologiques des comparaisons de niveaux de nutriments dans les aliments bios et conventionnels).

S'agissant des polyphénols et des antioxydants, ils ont trouvé que les trois quarts environ des 59 échantillons bios en contenaient davantage que les échantillons conventionnels. Ils ajoutent dans le résumé :

« Augmenter l'ingestion de ces nutriments est un objectif vital pour l'amélioration de la santé publique car les doses journalières ingérées d'antioxydants et de polyphénols sont inférieures de plus de la moitié aux doses recommandées. »

Cette conclusion est-elle recevable sur la base des résultats ? On se fera son jugement à partir des tableaux 5.3 et 5.4 du document sur l'amplitude des différences en faveur du bio ou du conventionnel, respectivement (au fait, pourquoi deux tableaux ?).

Sur les 44 résultats en faveur du bio pour le total des composés phénoliques, le pouvoir antioxydant total, la quercétine et le kaempferol – des résultats peut-être liés en partie –, la moitié se trouve sous la barre des 20 % de différence. Selon le tableau 5.6, les différences moyennes s'étagent de 1,05 (soit 5 %) à 1,24, la quercétine émargeant à un facteur 2,40 (grâce à une étude biaisée du fait de l'utilisation du chitosan – voir ci-dessus).

Ce document a bien sûr produit une avalanche d'articles encenseurs d'une presse béate et niaise, ainsi que des nombreux sites et blogs favorables à l'agriculture et l'alimentation biologiques. Les critiques sont difficiles à trouver. Est-ce parce que la vraie science n'y a pas prêté attention ? Il est vrai que le document de l'Organic Center n'a pas été publié dans une revue scientifique à comité de lecture... Ou est-ce parce que l'altermonde est expert pour faire apparaître ses productions en tête des résultats de recherche sur la toile ?

M. Rosen a produit deux critiques [25] [26]. En 2010, il écrivait :

« Et, tout comme la Soil Association [Shane Heaton], l'Organic Center a ignoré les résultats qui lui déplaisaient. » [10]

Alan Dangour et al., 2009

Une méta-analyse qui a laissé une trace durable – eh oui, elle est en anglais... – est celle de Dangour et al., « Nutritional quality of organic foods: a systematic review » (qualité nutritionnelle des aliments issus de l'agriculture biologique : une revue systématique), publiée en 2009 dans The American Journal of Clinical Nutrition [27]. C'est le résumé d'une étude plus détaillée établie par une équipe de la London School of Hygiene & Tropical Medicine pour le compte de la Food Standards Agency (FSA) [28]. Partant de 52.471 articles publiés après 1957 (en anglais ou avec un résumé en anglais...), les auteurs ont identifié 162 études, dont 55 de qualité satisfaisante, toutes postérieures à 1990. Ils ont étudié onze paramètres.

« Conclusions : Sur la base de l'examen systématique des études de qualité satisfaisante, il n'y a pas de preuves d'une différence dans la qualité nutritionnelle entre les denrées alimentaires produites par la voie biologique ou la voie conventionnelle. Les petites différences détectées sont biologiquement plausibles et se rapportent dans la plupart des cas à des différences dans les méthodes de production. »

Cette étude a évidemment suscité l'ire des promoteurs (pas tous...) et des adeptes du bio. M. Dangour a essuyé une bordée d'insultes [29].

M. Peter Melchett, directeur des politiques de la Soil Association, a dit [30] :

« Je suis en colère et déconcerté. Nous nous attendions vraiment à ce que la FSA rapporte des faits. [...] Je pense que ceci est scandaleux. »

Et prédit [29] :

« Il est dans la nature de la science que la mauvaise science ne dure pas et je suis convaincu que c'est de la mauvaise science. »

M. Charles Benbrook a accusé la FSA de « minimiser les résultats positifs en faveur des produits biologiques » en utilisant des données « de très vieilles études » et en omettant les mesures de « quelques nutriments importants » [30].

« Diet and Nutrition: Next Course in Organic Debate » (régime alimentaire et nutrition : le prochain plat du débat sur les produits biologiques) fait le lien entre cette étude et celle de Benbrook et al. [31]. Curieusement, M. David C. Holzman rapporte que Benbrook et al. avaient trouvé 80 % de plus de pouvoir antioxydant sur les produits bios (c'est 24 % dans la publication – le comité de rédaction a été attentif...).

Selon cet article, M. Benbrook reproche aussi à l'étude Dangour de ne pas avoir exigé que les variétés soient les mêmes dans les comparaisons et que les sols aient été cultivés en biologique pendant un certain nombre d'années. Sur le premier point, la réponse de M. Dangour n'est pas convaincante : « En général, je me rappelle, la plupart des études comparaient les mêmes variétés. »

M. Lairon a critiqué cette étude dans un communiqué publié sur le site du Comité interne en agriculture biologique de l'INRA [32]. Curieux procédé, qui assure la quasi-confidentialité des critiques, alors que M. Benbrook a produit, en plus de ses commentaires dans la presse, une lettre à l'éditeur [33].

M. Lairon reproche principalement à l'article dans AJCN de ne pas refléter correctement l'étude, ce qui revient essentiellement à contester les critères de sélection des sources de données :

« Avec une telle variabilité (espèces, teneurs) et un nombre aussi limité d’études, la probabilité de mettre en évidence des différences globales entre produits bio et conventionnels était extrêmement faible, et en effet l’article publié dans Am J Clin Nutr sur les seules 55 études conclu à une absence de différence à quelques détails mineurs près, pour les produits végétaux ou animaux. C’est cela, et seulement cela, dont a fait état la presse. »

Il note aussi :

« Le tableau de synthèse sur l’évaluation des données obtenues à partir des 162 études initialement sélectionnées montre pour les produits végétaux (Tableau 2, page 19), des teneurs supérieures en composés phénoliques et flavonols (anti-oxidants), en magnésium, en zinc, et en matière sèche et moins d’azote dans les produits bio. [...] Ces données sont en fait très comparables à celles de notre rapport de l’AFSSA, dans lequel, par une méthodologie d’évaluation différente, nous observions des tendances à plus de matière sèche, de magnésium et de fer dans les produits végétaux bio [...]. »

Il est difficile de juger : le document détaillé ne contient pas d'indication chiffrée sur l'ampleur des différences. Mais les différences que M. Lairon met en avant sont tirées de l'ensemble des études, et, sauf pour l'azote, le phosphore et l'acidité titrable ne se retrouvent pas dans les études de bonne qualité.

Ce commentaire de M. Lairon est aussi intéressant par le dérapage final vers un discours politique fortement chargé d'idéologie et d'émotionnel, mais on laissera le lecteur le découvrir.

On trouve une digression similaire dans une autre lettre à l'éditeur, de M. Donald L. Gibbon [34]. M. Dangour a répondu sans ambages : son étude est le fruit d'une commande, à laquelle il s'est tenu [35].

Alan Dangour et al., 2010

L'équipe Dangour a produit une nouvelle étude en 2010, également publiée dans The American Journal of Clinical Nutrition [36]. « Nutrition-related health effects of organic foods: a systematic review » (effets sur la santé liés à la nutrition des aliments issus de l'agriculture biologique) est aussi un résumé d'un document plus détaillé [37].

Elle repose sur 12 études (huit portant sur des études sur l'humain, dont six essais cliniques, une étude de cohorte et une étude transversale) et quatre études sur des lignées de cellules animales et humaines. Elle aboutit à la même conclusion : pas de supériorité du bio.

Crystal Smith-Spangler et al., 2012

L'étude Dangour a montré qu'il ne faisait pas bon s'attaquer à une idéologie et, il faut le dire, à des intérêts économiques bien organisés et médiatiquement puissants. Trouver une absence de preuve de supériorité de l'agriculture biologique est déjà un blasphème. « Are Organic Foods Safer or Healthier Than Conventional Alternatives?: A Systematic Review » (les aliments issus de l'agriculture biologique sont-ils plus sûrs et nutritionnellement meilleurs que leur contrepartie conventionnelle ? Une revue systématique) a subi un meilleur sort.

Cette étude de Smith-Spangler et al. a été publiée en septembre 2012 dans les Annals of Internal Medicine [38]. Conclusion tirée de 17 études sur des humains et 223 sur les teneurs en nutriments et contaminants de denrées alimentaires :

« La littérature publiée manque de preuve forte que les aliments issus de l'agriculture biologique sont significativement plus nutritifs que les aliments conventionnels. La consommation d'aliments issus de l'agriculture biologique peut réduire l'exposition aux résidus de pesticides et aux bactéries résistantes à des antibiotiques. »

Conclusion mesurée...

Le jour même de la publication, M. Benbrook, passé entre-temps au Center for Sustaining Agriculture and Natural Ressources de l'Université de l'État de Washington, publie des « réflexions préliminaires » [39]. L'étude est évidemment biaisée à son goût. Mais peut-être faut-il extraire ceci :

« Pour la plupart des gens, se tourner simplement vers des fruits et légumes, ou des produits laitiers ou de la viande, issus de l'agriculture biologique, ne devrait pas, en l'absence d'autres changements dans les choix et le régime alimentaires, produire des améliorations cliniquement significatives de leur santé [...]. »

Ne serait-ce pas se tirer une balle dans le pied ?

En fait, de nombreux commentateurs se sont attachés à extraire de l'étude les points en faveur de l'agriculture biologique, notamment sur la question de l'exposition aux pesticides. Ainsi M. Tom Philpott de Mother Jones [40]. L'Organic Trade Association va même jusqu'à titrer : « Stanford research confirms health benefits driving consumers to organic » (la recherche de Stanford confirme les bénéfices de santé menant les consommateurs vers le bio) [41].

La différence de traitement des études Dangour et Smith-Spangler est plutôt remarquable. On peut penser que c'est parce que le monde favorable au bio aux États-Unis d'Amérique a pu trouver des arguments en sa faveur et qu'il a estimé que ses intérêts n'étaient pas le mieux servis par une controverse. L'étude Dangour s'inscrivait en revanche dans le contexte d'une controverse acerbe au Royaume-Uni.

INRA, 2013

Que penser de la situation en France ?

Il faut terminer ce panorama fort incomplet par l'étude « Vers des agricultures à hautes performances » entreprise par l'Institut National de la Recherche Agronomique (INRA), sous la direction de M. Hervé Guyomard, pour le Commissariat général à la stratégie et à la prospective et publiée en septembre 2013 [42]. Son volume 1 analysait les performances de l’agriculture biologique.

Il est impossible de résumer cette expertise collective d'une très grande minutie. Sauf à dire... qu'elle a déplu à un bonne centaine de chercheurs qui ont trouvé que la description de l'agriculture biologique n'était pas suffisamment favorable à celle-ci et qui, par conséquent, ont réclamé par une lettre du 20 décembre 2013... le retrait du document [43].

Au lieu de renvoyer les signataires à leurs paillasses ou à leurs études, la direction de l'INRA a préféré – peut-être sous la pression politique – engager le dialogue, par une lettre du 10 janvier 2014, accompagnée tout de même d'une réponse circonstanciée en cinquante pages [44].

Cela s'est passé en toute discrétion. Puis quelqu'un a estimé utile ou nécessaire de vendre la mèche. Il n'est pas anodin que le cirque médiatique ait été orchestré – en février 2014 – par l'intermédiaire de Reporterre.

Mais le plus important est ailleurs : 128 scientifiques – dont des directeurs de recherche et des professeurs – ont estimé que si la science n'était pas à leur convenance, il fallait la supprimer !

LA MÉTA-ANALYSE

Les auteurs

Une équipe issue du programme QLIF et une étude précontrainte

Dix-huit auteurs pour une méta-analyse ? C'est que cette publication est en quelque sorte une œuvre posthume du projet Quality Low Input Food (QLIF) [8], que nous avons déjà rencontré dans la première partie. Un programme dans lequel l'Union européenne a mis 12,4 millions d'euros et qui avait conclu à ceci en avril 2009 [19] :

« Les allégations de santé pour les produits de l'agriculture biologique ne sont pas encore prouvées. »

Le rapport final résumé est bien plus positif dans la base de données du Service Communautaire d'Information sur la Recherche et le Développement (CORDIS), et ce, malgré une absence patente de littérature citée à l'appui des allégations s'agissant des productions végétales [45]. C'est du lourd :

« Les résultats ont montré que les méthodes biologiques de production alimentaire se traduisaient par :

a) des niveaux plus élevés de composés désirables sur le plan nutritionnel (par exemple vitamines/antioxydants et acides gras polyinsaturés tels que oméga-3 et acide linoléique conjugué) ;

b) des niveaux moindres de composés indésirables sur le plan nutritionnel tels que les métaux lourds, les mycotoxines, les résidus de pesticides et les glycoalcaloïdes dans une série d'espèces ou le lait ;

c) un risque moindre de rejet de salmonelles fécales chez le porc.

Ces bénéfices nutritionnels ont été liés à des pratiques agronomiques particulières qui sont prescrites par les normes de l'agriculture biologique. Des études pilotes ont montré que ces différences de composition peuvent se traduire par des bénéfices de santé mesurables dans un système modèle expérimental avec des rats. Des études futures sont nécessaires pour en savoir davantage sur les interactions complexes entre les modes de production et les bénéfices pour la santé. »

À croire qu'il existe, en matière d'information scientifique, un canal A, pour les scientifiques, et un canal B, pour les politiques et les bureaucrates bruxellois...

Le programme s'était conclu par un congrès tenu à Antalya (Turquie) du 22 au 25 avril 2009. Le site dédié se limite maintenant à une page du comité d'organisation appelant à discuter du congrès dont les documents... ont disparu de la toile [46] !

Mais il reste une évaluation en marge :

« Cette conférence restera marquée dans l'histoire comme aidant le monde à éviter des atteintes personnelles sérieuses causées par l'alimentation, les normes industrielles, la supervision gouvernementale, et la fierté du corps, de l'esprit et de l'âme » (traduction littérale car c'est du charabia).

Ce n'est certes pas là l'analyse des auteurs de la méta-analyse... mais tout de même...

La méta-analyse est donc une œuvre étonnante, puisqu'elle apporte en 2014 les preuves (alléguées) qui manquaient en 2009, malgré les efforts déployés dans le cadre du programme... Elle est aussi le fruit d'une contrainte : pas question de se déjuger !

Des auteurs très engagés...

L'altermonde et les tenants des sciences « parallèles » sont friands des « conflits d'intérêts ». Bien évidemment si – et seulement si – la publication ne leur convient pas : l'auteur – ou un seul auteur, cela suffit – a ou est supposé avoir des liens d'intérêt avec la méchante industrie... et la publication est irrémédiablement mise au pilori.

Il convient de se pencher sur les liens d'intérêt des auteurs de la méta-analyse, ne serait-ce que pour leur rendre la pareille, sans pour autant succomber au délire de l'autodafé, car la valeur d'une publication s'estime sur la base de la seule publication. Mais ce qui est motif de rejet catégorique pour eux sera pour nous une alerte rouge.

M. Carlo Leifert. – M. Leifert, l'auteur principal de la méta-analyse que nous avons déjà rencontré dans la première partie, et coordinateur du projet QLIF, annonce en fin d'article qu'il possède des terres agricoles, exploitées conventionnellement, en Allemagne et une petite ferme, exploitée en bio, en Grèce. Cette information – qui n'a pas été donnée dans d'autres articles – peut être considérée comme de la provocation.

M. Leifert est en fait professeur d'« agriculture écologique » et dirige le Nafferton Ecological Farming Group [47]. Qu'est-ce que l'agriculture écologique [48] ?

« C'est une agriculture en harmonie avec la nature, qui utilise des techniques et des programmes de sélection [breeding] qui ne reposent pas sur des engrais chimiques solubles, des pesticides ou des herbicides, ou des modifications génétiques artificielles » (on peut aussi lire, hommage aux ambiguïtés permises par la langue anglaise et à l'incurie des auteurs : « ...des engrais, pesticides ou herbicides chimiques solubles » – sachant qu'en fait, « pesticide » est au singulier dans le texte original).

Être payé pour professer selon cette ligne philosophique, n'est-ce pas constitutif d'un conflit d'intérêts ?

De 1999 à 2009 (ce qui couvre le projet QLIF...), M.Leifert a été consultant pour TESCO, le plus grand vendeur de produits bio du Royaume-Uni. Ça doit être aussi grave que le fait que M. Richard Goodman, celui par qui les malheurs de M. Séralini sont paraît-il arrivés, ait été un employé de Monsanto neuf ans avant de devenir éditeur associé de Food & Chemical Toxicology. Il a aussi présenté des exposés devant la Soil Association, l'entité britannique qui fait la promotion de l'agriculture biologique. Ça doit être aussi grave que le fait que M. Goodman en ait présenté devant l'ILSI, cette association invariablement présentée comme un lobby...

L'information est difficile à trouver, mais l'« agriculture écologique » à la mode de l'Université de Newcastle doit beaucoup à TESCO, qui y a installé M. Leifert comme professeur et créé un Tesco Centre for Organic Agriculture dont l'adresse est à... Nafferton Farm et dont le directeur est... M. Leifert [10] [49].

Cette fonction est-elle moins importante que la propriété de terres agricoles ?

M. Leifert a aussi des opinions bien arrêtées sur les OGM. Il est un des premiers signataires de la « déclaration » de l'ENSSER – signée à ce jour par rien moins que 297 scientifiques (ayant ou non des compétences dans le domaine) et « scientifiques » (comme une certaine Vandana Shiva) – selon laquelle il n'y a pas consensus sur la sécurité des OGM [50].

Il a également signé la pétition de soutien à M. Séralini « End science censorship » et la lettre ouverte de Independent Science News [51].

Il s'est aussi associé à des activistes notoires – dont M. John Fagan et Mme Claire Robinson – pour produire « Roundup and birth defects – Is the public being kept in the dark? » (Roundup et malformations congénitales – le public est-il maintenu dans le noir) pour le compte d'Earth Open Source en vue d'influencer la réévaluation du glyphosate [52].

N'y a-t-il pas là manifestation d'une opinion susceptible d'influencer les travaux menés dans le domaine qui nous intéresse ?

M. Charles Benbrook. – Nous avons déjà rencontré M. Benbrook dans la première partie en tant qu'auteur d'une étude de la littérature concluant à la supériorité des produits de l'agriculture biologique et en tant que critique de méta-analyses ne concluant pas à cette supériorité. De 2004 à 2012, il fut conseiller scientifique de l'Organic Center – une entité chargée de la promotion de l'agriculture biologique aux États-Unis d'Amérique, sous le couvert d'une mission d'information scientifique qui ne trompe guère. Depuis août 2012, il est professeur-chercheur (« research professor ») au Center for Sustaining Agriculture and Natural Ressources de l'Université de l'État de Washington.

Selon la grille de lecture de l'altermonde et des tenants des sciences « parallèles », M. Benbrook est affligé d'un biais en faveur de l'agriculture biologique de nature à le disqualifier pour une méta-analyse sur ce sujet. « Aucune autorisation de plante GM tolérant un herbicide ne devrait être accordée en Europe » a-t-il par exemple écrit en octobre 2012 dans une œuvre de commande pour Greenpeace, prédisant une augmentation de... 800 % de l'utilisation du glyphosate à l'horizon 2025 si on autorisait le maïs, la betterave sucrière et le soja HT [53].

M. Benbrook n'a pas été impliqué dans le projet QLIF d'après le rapport final [45]. Il apparaît toutefois dans un papier non publié de Leifert et al. [54]. Onze auteurs de dix institutions différentes pour une courte revue de la littérature ! Nous sommes dans un système dans lequel on chasse en meute...

M. Urs Niggli. – M. Niggli est le directeur du FiBL, l'Institut de recherche de l'agriculture biologique suisse. À ce titre, il est payé pour faire la promotion de l'agriculture biologique (et biodynamique). C'est aussi un des grands noms de l'agriculture biologique dans le monde.

M. Niggli a aussi été le coordinateur académique du projet QLIF [19].

...et d'autres qui le sont moins, ou pas du tout

Il serait fastidieux d'éplucher les CV de tous les auteurs et de cribler les sites témoignant d'intérêts particuliers, voire de partis pris. Mais voici tout de même deux exemples d'auteurs qui .

Mme Ewa Rembiałkowska. – Professeure à la Faculté de nutrition humaine et de sciences de la consommation de l'Université des sciences de la vie de Varsovie, Mme Rembiałkowska est très impliquée dans le monde de l'agriculture biologique [55].

Mais elle a (co-)signé au moins deux publications plutôt mesurées sur les bénéfices nutritionnels et de santé des produits de l'agriculture biologique [56].

Elle a signé la déclaration de l'ENSSER [50].

M. Philippe Nicot. – M.Nicot est chercheur à l'unité de pathologie végétale INRA d'Avignon, son axe de recherche portant notamment sur le développement de solutions de biocontrôle et de stratégies de protection intégrée. C'est – apparemment – à ce titre qu'il évolue dans les milieux de l'agriculture biologique, sans y être exclusivement. Il est en particulier le secrétaire du conseil d'administration du GRAB, le Groupe de Recherche en Agriculture Biologique. Il est aussi président de la section ouest paléarctique de l'Organisation Internationale de Lutte Biologique et Intégrée (OILB), laquelle n'est inféodée à aucun système de production [57].

...alors, sont-ils « indépendants » ?

Chacun se fera son opinion !

Toutefois, la liste des publications consultées et, le cas échéant, retenues pour la méta-analyse montre que les auteurs ont été plutôt sélectifs à leur propre égard (par exemple trois publications seulement de M. Leifert) [58]. Cela témoigne d'une certaine manière de leur lucidité sur les résultats du programme QLIF.

Le financement et les autres appuis

Une transparence... quelque peu opaque...

La méta-analyse est essentiellement un exercice sur la littérature. Celle de Smith-Spangler et al., de 2012, avait été réalisée sans financement, une bourse d'étude mise à part [38]. Ce n'est pas le cas de la méta-analyse examinée ici qui aurait coûté la bagatelle de 316.000 euros [59].

Leifert et al. annoncent clairement deux sources de financement, ce qui se démarque du célèbre auteur d'une étude dépubliée puis republiée sur des rats... L'Union européenne aurait donc apporté sa contribution dans le cadre du projet QLIF (rappel : il s'est terminé en avril 2009...). Le complément – ainsi qu'un soutien technique – a été apporté par le Sheepdrove Trust, selon une phrase bizarrement rédigée. En effet, le Sheepdrove Trust est aussi remercié pour les « "méta-analyses de données sur la composition d'aliments bio et conventionnels" » (les guillemets internes sont des auteurs) [1].

Le Sheepdrove Trust :

« ...appuie les initiatives qui augmentent la durabilité, la biodiversité et l'agriculture biologique, par exemple la recherche en matière de production des semences et de nutrition. Le Trust appuie également des travaux particuliers dans le domaine de la recherche en éducation et l'accompagnement spirituel des vivants et des mourants. » [60]

Une étrange association d'objectifs qui n'est pas sans susciter une comparaison avec une controverse qui a permis à un illustre chercheur français de se dépeindre en victime d'un acharnement médiatique...

Quoi qu'il en soit, les auteurs affirment que le Trust a fourni les fonds sans conditions et qu'il n'a exercé aucune influence sur la conception et la gestion du projet de recherche, ni sur la rédaction de publications à partir des résultats [1].

M. Leifert a répondu à des critiques, y compris sur le financement [61]. Une réponse qui ne peut que nous laisser sceptiques...

...une contribution de la Soil Association...

Les premiers remerciements sont toutefois allés à Lord Peter Melchett, directeur des politiques de la Soil Association, déjà rencontré dans la première partie. M. Melchett avait été invité à faire un examen critique du manuscrit pour s'assurer que les auteurs avaient couvert toutes les informations et publications à la disposition du « principal organe du secteur de l'agriculture biologique au Royaume-Uni », et pour obtenir un retour d'information sur les principaux résultats et conclusions de l'article. M. Melchett n'aurait pas proposé de modifications importantes du manuscrit.

On peut légitimement s'étonner...

...alors, les auteurs sont-ils « indépendants » ?

Mme Marion Nestle, professeur de nutrition, d'études alimentaires et de santé publique à l'Université de New York – qu'on ne peut certainement pas suspecter de connivence avec l'industrie (elle affirme manger bio) – a écrit à propos de la non-ingérence alléguée du Sheepdrove Trust :

« ...c'est exactement le cas des études financées par, disons, Coca Cola. C'est une coïncidence extraordinaire que les résultats des études sponsorisées concluent presque invariablement dans le sens des intérêts des sponsors. Et c'est vrai des résultats que j'aime comme de ceux que je n'aime pas. » [62].

Chacun se fera son opinion !

Une recherche sous le lampadaire ?

Limitation pratique ou choix ?...

Par définition, une méta-analyse ne peut qu'exploiter le fond documentaire existant ; elle est circonscrite au domaine qui a été éclairé par les recherches précédentes. Il n'est donc pas étonnant que les auteurs se soient penchés sur les antioxydants et les pesticides : ce sont des thèmes qui ont été labourés dans tous les sens par la recherche – en partie intéressée – sur l'agriculture biologique. Sur et pour : dans les deux cas, le sens commun suggérait, d'une part que l'on trouvât des différences et, d'autre part, que ces différences fussent en faveur de l'agriculture biologique.

A-t-on dès lors cherché sous le lampadaire par obligation – la partie peu éclairée n'apportant pas assez de données – ou par choix – avec l'objectif de présenter l'agriculture biologique sous un éclairage favorable ?

Chacun se fera son opinion !

...mais un titre et un résumé biaisés...

Il se trouve que la publication présente surtout les aspects favorables à l'agriculture biologique et adopte la perspective de celui qui veut démontrer sa supériorité. Le titre en témoigne.

Mais la publication contient bien plus d'informations – confortées par les informations complémentaires [58] – que ne le laissent entendre le titre et le résumé. Tel est le cas pour les minéraux autres que le cadmium, qui font l'objet d'un paragraphe à la limite du compréhensible.

...et un voile pudique jeté sur certaines différences...

Les auteurs pouvaient difficilement balayer certaines informations essentielles sous le tapis des informations complémentaires. Il en est ainsi pour les teneurs en protéines et acides aminés, et en fibres. Elles sont à l'avantage de l'agriculture conventionnelle ainsi qu'il ressort de la figure 3.

Mais ces différences sont insuffisamment mises en valeur dans le texte.

...alors, l'étude est-elle objective ?

Chacun se fera son opinion.

Mais on trouve ici un problème récurrent des études sur des sujets controversés auxquels l'opinion publique est sensible : elles n'apportent pas seulement une information scientifique (qu'il reste à évaluer), mais sont aussi rédigées de manière à servir de base pour une action médiatique. Il suffit du reste de comparer les titres des articles : laudateurs de l'agriculture biologique dans les cas Benbrook et al. et Leifert et al. (mais pas Heaton), neutres dans les autres.

Une analyse a priori fiable...

Une méthodologie bien expliquée...

Il est indéniable que les auteurs ont soigneusement expliqué leur méthodologie ainsi que les raisons de leurs choix.

L'ensemble du matériau de base est aussi décrit dans les informations complémentaires. Cela contraste du reste avec un autre chercheur bien connu qui a prétendu que ses données de base étaient trop volumineuses pour être publiées...

...et des résultats a priori honnêtement présentés

Il n'y a aucune raison a priori de douter des résultats présentés. En tout cas, aucun commentateur scientifique n'a fait état d'erreurs ou, plus grave, de fraudes sur les calculs et les chiffres.

Le tableau 1 est particulièrement intéressant. Il présente leur jugement global pour 36 paramètres (en partie liés) en termes d'importance de l'effet mesuré, d'incohérence (de dispersion) des données, de précision des données, de biais de publication et de fiabilité globale.

Pour l'activité antioxydante – que l'on peut considérer comme représentative de la première affirmation du titre – ils rapportent un effet modéré, une incohérence (donc une cohérence) moyenne des données, une précision faible, une absence de biais de publication et une fiabilité globale moyenne.

Pour le cadmium, c'est : un effet modéré, une incohérence moyenne des données, une précision moyenne, un biais de publication moyen et une fiabilité globale moyenne

La fiabilité n'est jugée bonne que pour trois paramètres, le TEAC (Trolox Equivalent Antioxidant Capacity) pour un effet faible et les flavones et flavonols, et les flavonols considérés isolément, pour un effet important.

Elle est moyenne pour 19 paramètres et faible pour 14.

Cette évaluation pose inévitablement la question du ton général de l'article et, surtout, de son exploitation médiatique a f: liabilité globale des résultats n'est pas à la hauteur des affirmations péremptoires.

...mais avec un défaut majeur : la largesse pour le matériau de base...

Les auteurs se félicitent en quelque sorte d'avoir réalisé leur méta-analyse sur la base de 343 publications peer-reviewed (alors que Dangour et al. n'avaient retenu que 55 études pour onze paramètres). Certaines publications ayant été présentées au 3e Congrès QLIF, en mars 2007 à Hohenheim (Allemagne), on se permettra d'émettre un doute sur le peer reviewed. Mais c'est somme toute un détail.

La communication à ce sujet ayant été quelque peu floue, il faut aussi préciser que les différents paramètres ont été examinés sur la base d'un sous-ensemble de ces publications. Dans le cas des pesticides, c'est ainsi dix publications selon la description de la méthodologie, onze selon le texte de l'article (nous n'en avons repéré que neuf dans les informations complémentaires).

Mais le problème le plus important est que la décision de retenir un grand nombre de publications est une tare pour la méta-analyse car, forcément, on retient aussi des publications de valeur douteuse, voire franchement mauvaise pour les besoins de la méta-analyse. Selon le mode opératoire décrit par les auteurs, ils n'ont finalement exclu que les études qui ne fournissaient pas de données comparatives sur les deux modes de production, dont les données n'étaient pas exploitables, ou dont les données doublonnaient avec celles d'autres études.

« Comparison of the Nutritive Quality of Tomato Fruits from Organic and Conventional Production in Poland », de Hallmann et Rembiałkowska [63] nous fournit un exemple simple. Il s'agissait d'une comparaison entre deux fermes. Mais elles étaient distantes de 60 km et l'une était sur un sol léger, limono-sableux, et l'autre sur un sol lourd, argileux. Qu'a-t-on dès lors comparé ? L'influence des modes de production, ou du sol ? Et la fertilisation était-elle équivalente ?

Les auteurs ont aussi donné, dans les informations complémentaires, la liste des espèces cultivées entrant dans la méta-analyse. Quelle a été la contribution aux résultats finaux de, par exemple, l'acerola, l'ail, le basilic, le houblon, la marjolaine, la noix de coco, le persil, la roquette, la sarriette, etc. ?

Le problème inverse est de savoir si toutes les publications pertinentes ont été prises en compte. Pour cela, il faudrait faire une recherche bibliographique.

...et avec un autre défaut majeur : l'étroitesse du matériau de base...

Cela peut paraître contradictoire !

Le problème est particulièrement bien illustré par le cas du cadmium. Les auteurs ont trouvé une concentration – de « cadmium toxique » selon le résumé – en moyenne inférieure de 48 % dans les aliments bio. C'est a priori très surprenant.

Le cadmium provient du sol, éventuellement de la pollution, des boues d'épuration, des effluents d'élevage et principalement des engrais phosphatés. Les boues sont interdites en agriculture biologique, et, en matière d'engrais phosphatés, celle-ci ne peut que recourir aux phosphates naturels ; lesquels sont souvent riches en cadmium, contrairement aux phosphates traités et purifiés. La dynamique du cadmium dans les sols et les plantes n'est pas entièrement connue [64]. Mais on s'attend à ce qu'il n'y ait pas de grandes différences entre les deux modes de culture. C'est ce que tend à montrer, par exemple, un document de la Direction générale de l'alimentation (DGAL) [65].

Pourquoi, alors, cette différence dans les résultats ? La méta-analyse a laissé de côté un important fond documentaire en ne retenant essentiellement que les articles publiés dans des journaux à comité de lecture. Et les quelques études retenues ne sont probablement pas représentatives de la réalité des deux modes de production. En particulier, lorsque l'on compare conventionnel et bio, va-t-on apporter des phosphates naturels au segment bio ? Improbable.

Il semble aussi que cette différence de -48 % soit le fruit d'une différence positive, défavorable au bio, pour les légumes et d'une différence négative bien plus grande pour les céréales. En d'autres termes, changez le mix de cultures et vous obtenez un résultat différent.

...et les pesticides, quel intérêt ?

Quel intérêt y avait-il à éplucher une littérature scientifique bien maigre – dix ou onze publications selon l'article, dont neuf déjà utilisées par Smith-Spangler et al. – pour conclure, en résumé, que « la fréquence de la présence de résidus de pesticides a été quatre fois supérieure dans les cultures conventionnelles » ?

Les auteurs ont donc fourni une information binaire (présence ou absence de résidus), sans aucun détail sur la nature des pesticides, ni sur les teneurs en cause. Pour ces dernières, les auteurs précisent que les publications ne permettent pas de comparaisons robustes. Pourquoi alors avoir communiqué sur les pesticides ? Par ailleurs, ils n'ont pas obtenu de données sur les céréales, les oléagineux et les légumineuses.

En outre, mais ce n'est pas dit, les recherches de pesticides se font quasi exclusivement sur ceux qui sont utilisés en agriculture conventionnelle. Il y a donc un biais qu'il est impossible d'évaluer (du reste, les données compilées par l'EFSA souffrent du même biais).

S'il fallait trouver un intérêt à ce segment de la méta-analyse, ce serait pour souligner que, mesurée à l'aune des fréquences de résidus, la performance de l'agriculture biologique est bien décevante !

Des conclusions hasardeuses sinon injustifiées

Le canal scientifique et le canal médiatique

« Beaucoup de ces composés [antioxydants] ont été liés à des risques réduits de maladies chroniques, y compris les maladies cardiovasculaires et les maladies neurodégénératives et certains cancers, dans des études sur les interventions dans la diététique et épidémiologiques. » [1]

Cette affirmation du résumé est exacte. Mais, dans son contexte, c'est une subtile suggestion de supériorité nutritionnelle et de santé des produits de l'agriculture biologique. L'énumération d'affections médiatiquement « à la mode » est très significative... Et la phrase suivante traite des pesticides et du « cadmium toxique », en s'ouvrant par « en outre » (« additionally »).

On pourra rétorquer que l'article se termine par des considérations sur la nécessité de développer des protocoles standardisés pour les études comparatives de composition des aliments ; qu'il souligne l'existence de lacunes dans une grande partie des études publiées ; que, se référant à Smith-Spangler et al. :

« ...il y a un besoin urgent d'études bien contrôlées d'interventions humaines dans les régimes alimentaires ou de cohortes pour identifier/quantifier les incidences potentielles sur la santé humaine de la consommation de produits biologiques par rapport aux conventionnels. »

Il se trouve tout simplement que le résumé, souvent le seul lu par les faiseurs d'opinion (si tant est qu'ils lisent), n'en fait pas état.

Des interprétations tendencieuses

En résumé, les auteurs ont trouvé des teneurs plus élevées en acides phénoliques (19 %), flavanones (69 %), stilbènes (28 %), flavones (26 %), flavonols (50 %) et anthocyanines (51 %). Mais c'est avec une fiabilité globale moyenne, sauf pour les flavonols.

Mais ce n'est qu'une partie du problème !

Les auteurs ont noté, entre autres, que les taux de protéines étaient moindres en agriculture biologique. Davantage d'antioxydants vaut-il la perte en protéines sur le plan nutritionnel ?

Les auteurs « expliquent », en se fondant curieusement sur d'autres études plutôt que leurs propres chiffres :

« La signification/pertinence nutritionnelle des concentrations légèrement moindres en protéines et acides aminés dans les cultures bio pour la santé humaine est vraisemblablement faible, les régimes européens et nord-américains fournissant typiquement assez ou même trop de protéines et d'acides aminés essentiels. De plus, alors que quelques études concluent que la teneur en protéines des régimes alimentaires européens et nord-américains est trop élevée et que cela contribue à l'incidence croissante du diabète et de l'obésité, d'autres études ont rapporté qu'augmenter la consommation de protéines peut être une stratégie pour prévenir l'obésité. C'est pourquoi les concentrations moins élevées en protéines et en acides aminés trouvées dans les aliments bio n'ont probablement pas d'impact significatif sur la nutrition et la santé. »

Curieusement ? Peut-être pas ! Les auteurs ont – curieusement ? – omis de chiffrer la perte en protéines

Des « concentrations légèrement moindres » ? La diminution est « forte » selon leur tableau 1 (sauf erreur de 15 %).

Leurs considérations plutôt confuses témoignent de leur gêne. Et d'un biais ! Et quand on sait que beaucoup de végétariens mangent bio, en ayant du mal à trouver les protéines nécessaires, elles posent la question de leur pertinence...

Une étude hémiopique

Par ailleurs, la méta-analyse n'aborde pas d'autres questions pertinentes, en particulier celle de la présence de métabolites de la plante (alcaloïdes...) ou de micro-organismes (mycotoxines...) connus pour leur effet négatif sur la santé. D'autres auteurs se sont penchés sur l'ensemble de la question, y compris dans des études de la littérature. Une conclusion [66] :

« ...il devient difficile de justifier des allégations générales dans le sens d'une plus-value des légumes et des pommes de terre bio par rapport au conventionnel. »

Un bénéfice pour les antioxydants ?

Y a-t-il un avantage nutritionnel et de santé dans un régime qui serait plus riche en antioxydants – statistiquement car, évidemment, personne ne peut contrôler les teneurs des produits achetés en faisant ses courses ? On peut, au minimum, se montrer sceptique.

Et retourner l'argument déployé pour les protéines : quel intérêt si les régimes sont déjà saturés ?

Le Pr Tom Sanders, chef de la division du diabète et des sciences de la nutrition, École de médecine, King's College de Londres, souligne en particulier l'insuffisance des connaissances en la matière, dans un commentaire sur la méta-analyse [67]. Si on a conclu à un lien entre consommation de fruits et légumes et diminution des risques de cancer, les données manquent pour le rôle des antioxydants et des composés phénoliques ; et les polyphénols inhibent l'absorption des métaux et sont considérés comme antinutritionnels.

De surcroît, les dernières recherchent suggèrent que les antioxydants ne préviennent pas le cancer mais peuvent au contraire l'accélérer [68].

Un bénéfice pour le cadmium ?

Les auteurs ont trouvé une concentration de cadmium – de « cadmium toxique » selon le résumé –en moyenne inférieure de 48 % dans les aliments bio. Mais ils notent dans le texte qu'il est difficile d'estimer les bénéfices exacts d'une réduction de l'absorption du cadmium via la consommation de produits bio.

En fait, l'exposition au cadmium à travers l'alimentation est généralement faible et ne pose pas de problème de santé, l'EFSA étant cependant moins catégorique que les instances états-uniennes [69].

Les auteurs ont fait l'effort louable d'avancer une série de considérations sur les différences de teneur en cadmium. Ils concluent, à juste titre, qu'il faudrait davantage d'études pour mieux comprendre les facteurs agronomiques, pédo-climatiques et génétiques sous-tendant les différences.

Mais c'est implicitement reconnaître que la différence mesurée n'est, au mieux, que partiellement due au mode de production. On peut dès lors aussi considérer que le titre de l'article – exact s'agissant des résultats bruts – manque de retenue s'agissant des résultats interprétés à l'aune des connaissances actuelles.

Un bénéfice pour les pesticides ?

La méta-analyse se réduit à une analyse binaire sur la présence ou l'absence de résidus de pesticides autorisés dans le mode de culture conventionnel, à l'exclusion donc des pesticides autorisés dans le mode biologique, et ce, sur la base d'un nombre très limité d'études publiées dans des revues scientifiques.

Autorisés en agriculture biologique ? Ou utilisés sans autorisation. Il est notoire que certains produits ne bénéficiant pas d'une autorisation de mise sur le marché en tant que produit phytosanitaire sont vendus en France à d'autres fins théoriques [70]. Que certains produits « naturels » sont connus pour être dangereux ; la roténone, par exemple, est impliquée dans la maladie de Parkinson ; le neem est un perturbateur endocrinien. La France vient d'autoriser provisoirement un produit à base d'azadirachtine (le composant principal de l'huile de neem) sur pommier avec des conditions d'emploi drastiques et un délai avant récolte (DAR) de... 42 jours [71]. Les résidus de tels produits sont rarement recherchés.

La méta-analyse n'apporte rien de neuf ; si ce n'est une démonstration de la capacité de certains chercheurs à s'enfermer dans leur tour d'ivoire en se concentrant sur les publications de leur sérail et en négligeant l'extraordinaire fond documentaire que constituent notamment les contrôles de résidus de pesticides effectués par les services officiels.

Trouver un avantage de santé à consommer bio, c'est aussi prétendre que les autorités responsables de la santé – dans le monde entier – sont au mieux négligentes, au pire complices d'une atteinte à la santé des populations. Il est temps que cette paranoïa cesse, sauf, évidemment, à documenter les atteintes.

LA COMMUNICATION

La propagande à la mode Leifert

Pourquoi s'être penché si longuement sur une méta-analyse qui, au final, n'apporte pas grand chose ? C'est que, comme beaucoup d'œuvres de la science – la vraie ou la parallèle – portant sur des thèmes qui agitent la société, elle a fait l'objet d'un tapage médiatique. Un tapage organisé par l'auteur principal lui-même [72].

Cela se passe (presque) de commentaires :

« Dans une récente étude, une équipe internationale d'experts dirigée par l'Université de Newcastle au Royaume-Uni a prouvé que les cultures et les aliments à base de plantes cultivées en Agriculture Biologique (AB) contiennent jusqu'à 60 % de plus d’antioxydants clés que ceux produits en agriculture conventionnelle.

Une analyse de 343 études sur les différences de composition entre les cultures biologiques et conventionnelles a permis aux chercheurs de constater que le passage à une consommation de fruits, légumes et céréales bio, et d'aliments à base de ces produits, pourraient fournir un complément en antioxydants équivalent à une consommation supplémentaire de 1 à 2 portions de fruits et légumes par jour. »

Les communicants institutionnels n'ont pas résisté à la tentation de citer un gros chiffre (ce n'est cependant pas le plus élevé). Ni à celle de donner une dimension nutritionnelle et de santé à l'étude.

Ils sont pourtant restés mesurés. Dans une étude précédente à laquelle M. Leifert avait participé, les auteurs avaient osé estimer l'augmentation de l'espérance de vie issue de l'adoption d'une alimentation bio ; ils avaient postulé pour ce faire qu'une augmentation de 12 % de la teneur en composés biologiquement actifs dans le bio – bien modeste par rapport aux 60 % revendiqués pour la méta-analyse, certes pour les seuls antioxydants – était équivalente à une augmentation de 12 % de la consommation de fruits et légumes. Résultat : 17 jours pour les femmes, 25 jours pour les hommes [73] !

Aujourd'hui, M. Leifert conclut prudemment sur la nécessité d'études nutritionnelles. Comme on l'a vu, il s'agit de la reprise de l'opinion de Smith-Spangler et al., formulée en 2012. Il se trouve qu'une étude de cohorte de... 623.080 femmes britanniques suivies sur 9,3 années a été publiée fin avril 2014. Résultat :

« Dans cette grande étude prospective, il y a eu peu ou pas de diminution de l'incidence des cancers associée à la consommation de produits bio, excepté peut-être pour le lymphome non hodgkinien. » [74]

Cette étude n'est pas citée. Peut-on penser qu'elle était trop récente pour être prise en compte ? Toujours est-il que toute prudence est abandonnée dans le communiqué de presse s'agissant de la comparaison entre les deux modes de production :

« Le débat sur la comparaison entre AB et agriculture conventionnelle a grondé pendant des décennies maintenant, mais les données de cette étude montrent sans équivoque que les aliments issus de l'AB sont plus riches en antioxydants et moins contaminés par des métaux toxiques et des pesticides. »

« [S]ans équivoque » ? Quel mensonge à la lumière de l'appréciation des auteurs eux-mêmes sur la fiabilité globale de leurs résultats !

La prudence était du reste déjà perdue sur la question nutritionnelle. Mangez bio ! Propos également de M. Leifert :

« [L'étude]porte aux consommateurs de nouvelles informations importantes par rapport à celles disponibles jusqu'à présent qui étaient contradictoires dans de nombreux cas et ont été souvent source de confusion. »

Les médias critiques...

L'annonce tonitruante a été suivie au Royaume-Uni et aux États-Unis d'Amérique, comme il se doit, par la collecte des avis de spécialistes. Le Science Media Center en a publié quatre le jour même [67], ainsi qu'une appréciation générale [75].

Les médias et de nombreux bloggueurs de ces deux pays ont publié des articles nuancés, présentant les avis des uns et des autres, certains s'étant fait fort critiques des conclusions de M. Leifert. Le Guardian – tendance très verte – titre : « Clear differences between organic and non-organic food, study finds » (une étude trouve des différences nettes entre les produits bio et conventionnels), mais cite un critique et fait état de certaines limitations [76]. Le Telegraph est bien plus tranché : « New study to split opinion on organic food » (une nouvelle étude divisera les opinions sur les produits bio) [77]. Quant à la BBC, « Study sparks organic foods debate » (une étude lance la polémique sur les produits bio ») plante le décor dès les premiers paragraphes [78].

Parmi les blogs, Geneticliteracyproject a été le plus direct : l'étude prétendant que les produits bio sont plus nutritifs est bourrée de défauts [79].

...et les médias paresseux

Et dans la France frappée de léthargie estivale ? L'esprit critique – la déontologie journalistique pour tout dire – a été aux abonnés absents. Même au Figaro généralement critique sur ce genre de sujets [80]...

Le Monde [81] et le Figaro ? C'était publié le 22 et le 29 juillet 2014, soit 11 et 18 jours après les communiqués initiaux. Et ils n'ont pas eu la présence d'esprit de vérifier ce qu'on pensait de la méta-analyse...

Mais on finira par une grave question : qu'y a-t-il de plus choquant, le billet de Générations futures, la petite entreprise de M. François Veillerette, qui trouve que « l’alimentation biologique [...] ne contient pas de résidus de pesticides » – alors que la méta-analyse en trouve justement, mais quatre fois moins en fréquence [82] – ou le Quotidien du médecin, dont l'effort intellectuel a été nul (voir aussi les commentaires) [83].

La meilleure nouvelle, c'est peut-être encore que, la France étant en vacances, la très modeste contribution à l'avancement des connaissances que constitue la méta-analyse de Leifert et al. n'ait reçu qu'une modeste attention.

LA SCIENCE ET LA POLITIQUE INTERPELLÉES

Ausser Spesen nichts gewesen (1) ?

Superbe formule germanique : des dépenses, sinon rien.

La méta-analyse de Leifert et al. comporte trois volets :

  • Sur le volet de la composition nutritionnelle des aliments, elle n'apporte rien au paysage scientifique que l'on ne sache déjà : la composition des aliments varie en fonction des méthodes de culture et on peut dégager certaines tendances différenciant les modes biologique et conventionnel, sans qu'il soit possible d'en déduire dans tous les cas des effets nutritionnels et de santé ; et sachant – ce que la méta-analyse omet de préciser – que les modes de production varient considérablement et se chevauchent d'une manière générale (le bio intensif n'a plus les vertus prêtées à une agriculture biologique idéalisée) ou sur un facteur de production pertinent (l'irrigation, par exemple).
  • Sur le volet des pesticides, elle enfonce une porte ouverte : ce serait péché si la fréquence de détection de résidus de produits phytosanitaires autorisés en mode conventionnel n'était pas moindre sur les produits de l'agriculture biologique. Mais elle s'abstient de conclure : la performance de l'agriculture biologique n'est pas à la hauteur des attentes.
  • Sur le volet du cadmium, elle produit une affirmation au mieux douteuse... et tend à démontrer la faiblesse méthodologique de la méta-analyse.

Tout ça, donc, pour 316.000 euros [59] dont une partie – combien ? – de fonds publics communautaires.

Much ado about nothing ?

Alors, beaucoup de bruit pour rien ? Ce serait une erreur de le croire.

La méta-analyse – et surtout la communication orchestrée par M. Leifert et l'Université de Newcastle – a fait du bruit médiatique, certes temporaire, mais ayant laissé des scories dans la médiasphère et surtout le cyberespace. Elles remonteront à la surface pendant des années.

Cette permanence de – osons le qualificatif – la désinformation est renforcée par le fait que la méta-analyse s'inscrit dans une polémique britannique périodiquement ressuscitée. Cette situation résulte en grande partie de la chronologie des événements, mais on peut se demander s'il n'y a pas eu une intention de détourner le projet QLIF pour alimenter la controverse entre la Soil Association et la Food Standards Agency.

Sur le plan scientifique, la méta-analyse est appelée à un grand succès, bien qu'on puisse la ranger aux frontières de la science parallèle, et en tout cas dans la catégorie de l'alterscience à objectif politique. Qui pourra, à l'avenir, produire une étude sur un aspect particulier de la question de la qualité nutritionnelle des aliments sans la citer ? Et sans se positionner par rapport à elle ? Cela se fera souvent au détriment d'études plus sérieuses.

Dans quelque temps se déploieront aussi les manœuvres politiques, sinon politiciennes, aux objectifs louables ou inavouables. Elles seront facilitées par le label « UE » que confère l'inscription posthume de la méta-analyse dans le projet QLIF.

Ausser Spesen nichts gewesen (2) ?

La méta-analyse pose en dernière analyse la question plus fondamentale de l'utilisation des fonds publics européens. L'Union européenne a mis 12,4 millions d'euros dans un projet dont la production scientifique a été très faible et peu originale, et aussi partiale. C'est l'avis de MM. Léon Guéguen et Gérard Pascal, auteurs de « Le point sur la valeur nutritionnelle et sanitaire des aliments issus de l’agriculture biologique », une mise à jour de l'étude de l'AFSSA de 2003, s'agissant de la valeur nutritionnelle des aliments [84]. En fait ce n'est guère mieux pour les autres domaines.

Cette production a aussi alimenté cinq congrès, dont trois organisés en parallèle avec des événements dédiés à l'agriculture biologique. En définitive, le projet QLIF a été une subvention déguisée à la promotion d'une filière agricole. Et plus particulièrement à un club de chercheurs et d'institutions de recherche œuvrant à l'appui de cette filière.

La méta-analyse Leifert et al. en est la dernière manifestation.

Wackes Seppi

_______________

[1] Marcin Baranski, Dominika Srednicka-Tober, Nikolaos Volakakis, Chris Seal, Roy Sanderson,

Gavin B. Stewart, Charles Benbrook, Bruno Biavati, Emilia Markellou, Charilaos Giotis, Joanna Gromadzka-Ostrowska, Ewa Rembiałkowska, Krystyna Skwarło-Sonta, Raija Tahvonen, Dagmar Janovska, Urs Niggli, Philippe Nicot, Carlo Leifert

http://csanr.wsu.edu/m2m/papers/organic_meta_analysis/bjn_2014_full_paper.pdf

[2] http://old.eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:31991R2092:FR:HTML

[3] http://agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/32007r0834_internet_cle8a2897.pdf

[4] http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:32006R1924&from=FR

[5] http://agriculture.gouv.fr/l-agriculture-biologique

[6] http://agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/040214-ProgrammeBio-BD_cle0ad8d8.pdf

[7] http://ec.europa.eu/agriculture/organic/eu-policy/european-action-plan/2004/index_en.htm

Avec liens.

[8] http://www.qlif.org/

[9] Voir par exemple sur ce site :

http://www.imposteurs.org/article-agriculture-biologique-un-fibl-bien-faible-par-wackes-seppi-96151754.html

[10] http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1541-4337.2010.00108.x/full

[11] http://en.wikipedia.org/wiki/Meta-analysis

[12] http://www.soilassociation.org/LinkClick.aspx?fileticket=cY8kfP3Q%2BgA%3D&

[13] http://www.theguardian.com/uk/2001/aug/07/research.medicalscience

[14] http://www.sirc.org/articles/double_standards.shtml

[15] https://www.anses.fr/sites/default/files/documents/NUT-Ra-AgriBio.pdf

[16] http://www.charlatans.info/bio.shtml

[17] http://orgprints.org/15494/1/38-Lairon.pdf

Que penser de cette déclaration, sinon que M. Lairon évolue aux frontières de la science :

« Le développement annoncé de l’AB est une opportunité unique à saisir pour développer la recherche participative et multidisciplinaire, de l’amont à l’aval de la filière. Une exemple remarquable en est le projet intégré européen Quality Low Input food (QLIF, 2004-08), associant 30 laboratoires et destiné à développer une telle approche multidisciplinaire pour optimiser les systèmes de production alimentaire biologiques et à faible niveau d'intrants (www.qlif.org). Le fait que l’agriculture biologique puisse notablement contribuer à la sécurité alimentaire mondiale a été récemment reconnu par la FAO, qui a de ce fait proposé des recommandations pour la recherche et le développement (El-Hage Scialabba, 2007). »

Le document cité, émanant d'une fonctionnaire, ne contient en aucun cas des recommandations de la FAO.

[18] Par exemple :

http://news.bbc.co.uk/2/hi/health/7067100.stm

http://www.theguardian.com/science/2007/oct/29/organics.sciencenews

http://www.dailymail.co.uk/news/article-490255/Organic-food-really-IS-better-claims-study.html

http://www.organicpathways.co.nz/household/story/608.html

[19] http://www.qlif.org/Library/leaflets/folder_0_small.pdf

La date est donnée, verticalement, dans la marge de droite sur la dernière page.

[20] http://www.organic-world.net/news-organic-world.html?&tx_ttnews%5Btt_news%5D=43&cHash=cf9082e9b504c9fedee4124aa7b261fe

[21] http://angrymoms.org/pdf/better_organic.pdf

[22] http://cordis.europa.eu/news/rcn/28607_en.html

[23] http://returntofood.com/2007/11/20/funding-the-bloody-obvious-organic-is-superior/

[24] Charles Benbrook, Xin Zhao, Jaime Yáñez, Neal Davies, Preston Andrews

http://organic-center.org/reportfiles/Nutrient_Content_SSR_Executive_Summary_2008.pdf

http://organic-center.org/reportfiles/NutrientContentReport.pdf

Tableaux synthétiques :

http://organic-center.org/reportfiles/Nutrient%20Density_Matched_Pairs_Supplemental_Info.pdf

[25] Organic Food Study Is Flawed, Conclusions Unsupported by Science

http://news.heartland.org/newspaper-article/2008/11/01/organic-food-study-flawed-conclusions-unsupported-science

[26] Claims of Organic Food’s Nutritional Superiority: A Critical Review

https://secure.martinsolutions.com/~opca/pdfs/insight/organics/20080723_claimsoforganic.pdf

[27] Alan D Dangour, Sakhi K Dodhia, Arabella Hayter, Elizabeth Allen, Karen Lock, and Ricardo Uauy, Nutritional quality of organic foods: a systematic review,

http://ajcn.nutrition.org/content/early/2009/07/29/ajcn.2009.28041.abstract?maxtoshow=&HITS=10&hits=10&RESULTFORMAT=&fulltext=organic&searchid=1&FIRSTINDEX=0&sortspec=relevance&resourcetype=HWCIT

[28] http://multimedia.food.gov.uk/multimedia/pdfs/organicreviewappendices.pdf

[29] http://www.independent.co.uk/life-style/food-and-drink/news/organic-food-debate-boils-over-1767911.html

[30] http://www.slate.com/articles/health_and_science/green_room/2009/08/are_organic_veggies_better_for_you.html

[31] http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2897221/

[32] https://www7.inra.fr/comite_agriculture_biologique/media/accueil/actualites/communique_denis_lairon_qualite_des_produits_bio

[33] Charles Benbrook, Donald R Davis, Preston K Andrews, Methodologic flaws in selecting studies and comparing nutrient concentrations led Dangour et al to miss the emerging forest amid the trees

http://ajcn.nutrition.org/content/90/6/1700.full

[34] Nutrient content not a primary issue in choosing to buy organic foods

http://ajcn.nutrition.org/content/90/6/1699.full

[35] Alan D Dangour, Elizabeth Allen, Karen Lock, and Ricardo Uauy, Reply to DL Gibbon and C Benbrook et al.

http://ajcn.nutrition.org/content/90/6/1701.full

[36] Alan D Dangour, Sakhi K Dodhia, Arabella Hayter, Elizabeth Allen, Karen Lock, Ricardo Uauy

http://ajcn.nutrition.org/content/92/1/203.long

[37] http://multimedia.food.gov.uk/multimedia/pdfs/organicreviewreport.pdf

[38] Crystal Smith-Spangler, Margaret L. Brandeau, Grace E. Hunter, J. Clay Bavinger, Maren Pearson, Paul J. Eschbach, Vandana Sundaram, Hau Liu, Patricia Schirmer, Christopher Stave, Ingram Olkin, Dena M. Bravata

http://annals.org/article.aspx?articleid=1355685

http://media.dssimon.com/taperequest/acp75_study.pdf

[39] Initial Reflections on the Annals of Internal Medicine Paper “Are Organic Foods Safer and Healthier Than Conventional Alternatives? A Systematic Review”

http://www.tfrec.wsu.edu/pdfs/P2566.pdf

[40] http://www.motherjones.com/tom-philpott/2012/09/five-ways-stanford-study-underestimates-organic-food

[41] http://www.organicnewsroom.com/2012/09/stanford_research_confirms_hea.html

[42] http://www.strategie.gouv.fr/blog/wp-content/uploads/2013/10/rapport-INRA-pour-CGSP-VOLUME-1-web07102013.pdf

[43] Tempête à l’INRA autour d’un rapport sur l’agriculture biologique

http://www.reporterre.net/spip.php?article5402

Reporterre publie en exclusivité la liste des 126 scientifiques critiquant le Rapport INRA sur l’agriculture biologique

http://www.reporterre.net/spip.php?article5467

Rapport INRA : voilà comment il a été saboté par les partisans de l’agriculture productiviste

http://www.reporterre.net/spip.php?article5466

[44] Le rapport partial de l’INRA sur l’agriculture bio : les politiques s’en mêlent

http://www.reporterre.net/spip.php?article5428

[45] http://cordis.europa.eu/result/rcn/51626_en.html

[46] http://www.tubitak-food2009.org/

Les documents issus du programme QLIF sont en principe versés à Organic Eprints. Le FiBL tient une archive des documents revus par les pairs :

http://www.fibl.org/de/themen/lebensmittelqualitaet-sicherheit/fibl-projekte/qlif/qlifpeerreviewedpapers.html#c5553

[47] http://www.ncl.ac.uk/energy/people/profile/carlo.leifert

[48] http://www.nefg-organic.org/ecological-farming/

[49] http://www.telegraph.co.uk/news/uknews/1354787/Prince-Charles-helps-Tesco-in-organic-food-venture.html

[50] http://www.ensser.org/fileadmin/user_upload/French_ENSSER_Statement_no_scientific_consensus_on_GMO_safety_LV.pdf

http://www.ensser.org/media/0713/

http://www.ensser.org/fileadmin/user_upload/First_signatories_to_the_statement_no_scientific_consensus_on_GMO_safety_131022.pdf

Comme quoi on peut être, par exemple, géographe ou astronome à la retraite et se considérer comme un des « scientifiques, médecins, académiciens et experts des disciplines relevant des aspects liés à l’évaluations [sic] scientifique, légale, sociale et sanitaire des organismes génétiquement modifiés (OGM) ».

[51] http://www.endsciencecensorship.org/en/page/Statement#signed-by

http://www.independentsciencenews.org/health/seralini-and-science-nk603-rat-study-roundup/

[52] http://www.earthopensource.org/files/pdfs/Roundup-and-birth-defects/RoundupandBirthDefectsv5.pdf

[53] http://www.greenpeace.org/international/Global/international/publications/agriculture/2012/438-Benbrook-Report-Summary.pdf

[54] http://www.orgprints.org/13379/

[55] http://www.owwz.de/fileadmin/user_upload/POLEN-Seite/Events/Rembialkowska.pdf

[56] http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1573521411000054

http://www.researchgate.net/publication/227732962_Quality_of_plant_products_from_organic_agriculture/file/79e41509792513f357.pdf

Voir aussi :

http://cdn.intechopen.com/pdfs-wm/40656.pdf

[57] http://leplus.nouvelobs.com/philippe-nicot

http://www.iobc-wprs.org/people/cv_nicot_philippe.html

[58] http://csanr.wsu.edu/m2m/papers/organic_meta_analysis/bjn_2014_supplemental_data.pdf

[59] http://organic-center.org/uncategorized/newcastle-study-q-a/

[60] http://opencharities.org/charities/328369

[61] https://docs.google.com/document/d/1plRQtM5d9HZGV9OWb0BKGDfUfthUHxp5KjzBmlG6i0w/edit

[62] http://www.foodpolitics.com/2014/07/are-organic-foods-more-nutritious-and-is-this-the-right-question/

[63] http://orgprints.org/9944/1/Hallmann__P_Final_tomato_Hohenheim_2007.pdf

[64]http://www.pleinchamp.com/grandes-cultures/actualites/les-engrais-phosphates-principale-source-d-accumulation-de-cadmium-dans-le-sol

[65] http://agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/D37-1.pdf

[66] Par exemple : A literature‐based comparison of nutrient and contaminant contents between organic and conventional vegetables and potatoes, Hoefkens, C., Vandekinderen, I., De Meulenaer, B.; Devlieghere, F., Baert, K., Sioen, I., De Henauw, S., Verbeke, W., Van Camp J., British Food Journal, 111 (10), 1078‐1097, 2009.

https://biblio.ugent.be/input/download?func=downloadFile&recordOId=822235&fileOId=906573

[67] http://www.sciencemediacentre.org/expert-reaction-to-study-comparing-the-nutritional-content-of-organic-and-conventional-foods/

[68] http://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMcibr1405701

[69] http://www.epa.gov/osw/hazard/wastemin/minimize/factshts/cadmium.pdf

http://extoxnet.orst.edu/faqs/foodcon/cadmium.htm

http://www.efsa.europa.eu/de/efsajournal/doc/980.pdf

http://www.efsa.europa.eu/fr/efsajournal/doc/2551.pdf

[70] https://www.youtube.com/watch?v=VVeowXl1HVo

Il va de soi que M. Romain Juthier a reçu une volée de bois vert pour avoir osé dire et montrer la vérité...

[71] http://e-phy.agriculture.gouv.fr/

Chercher Neemazal-T/S

[72] http://www.ncl.ac.uk/press.office/press.release/item/new-study-finds-significant-differences-between-organic-and-non-organic-food

Version française du FiBL :

http://www.fibl.org/fr/medias/archives-medias/archives-medias14/communique-medias14/article/une-nouvelle-etude-met-en-evidence-des-differences-significatives-en-matiere-de-sante-entre-les.html

[73] Agroecosystem Management and Nutritional Quality of Plant Foods: The Case of Organic Fruits and Vegetables, K. Brandt, C. Leifert, R. Sanderson & C. J. Seal

http://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/07352689.2011.554417#.U-3IMsV_sud

[74] Organic food consumption and the incidence of cancer in a large prospective study of women in the United Kingdom, K E Bradbury, A Balkwill, E A Spencer, A W Roddam, G K Reeves, J Green, T J Key, V Beral, K Pirie and The Million Women Study Collaborators

http://www.nature.com/bjc/journal/v110/n9/full/bjc2014148a.html

[75] http://www.sciencemediacentre.org/nutritional-content-of-organic-and-conventional-foods/

[76] http://www.theguardian.com/environment/2014/jul/11/organic-food-more-antioxidants-study?utm_content=buffer8de23&utm_medium=social&utm_source=twitter.com&utm_campaign=buffer

[77] http://www.telegraph.co.uk/health/healthnews/10962499/New-study-to-split-opinion-on-organic-food.html

[78] http://www.bbc.com/news/science-environment-28270803

[79] http://www.geneticliteracyproject.org/2014/07/15/study-claiming-organic-food-more-nutritious-deeply-flawed-say-independent-scientists/

[80] http://sante.lefigaro.fr/actualite/2014/07/29/22639-antioxydants-pesticides-bio-sort-lot

[81] http://www.lemonde.fr/planete/article/2014/07/22/les-fruits-et-legumes-bio-plus-riches-en-antioxydants_4461076_3244.html

[82] http://www.generations-futures.fr/bio/des-differences-significatives-entre-les-aliments-biologiques-et-non-biologiques/

[83] http://www.lequotidiendumedecin.fr/actualite/sante-publique/le-bio-c-est-meilleur-pour-la-sante-selon-une-revue-de-343-etudes

[84] http://www.com-agri.fr/documents/NutritionDietetique.pdf

Voir aussi la présentation :

http://www.com-agri.fr/documents/LeonGueguen.pdf


Produire et consommer local , la folle utopie écolo

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Idiot : un décret pour combattre un mythe

Raison, as-tu encore un avenir dans ce monde ? Parfois on arrive à en douter, au détour par exemple de l’amendement déposé par Cécile Duflot, qui vise à créer un délit d’obsolescence programmée , et adoptée par l’assemblée nationale (1). Apparemment, les députés n’ont rien d’autre à faire que de légiférer contre un mythe (2) . Il y a quelques mois encore, Benoit Hamon, ministre de la consommation de l’époque, avait réussi à s’opposer à cette ineptie avec un brin de lucidité. Ce scandaleux sursaut d’intelligence se devait d’être au plutôt réprimé, voilà qui est chose faite.

On pourrait en rire, si on ne soupçonnait pas que les associations de consommateurs vont s’engouffrer dans cette brèche, et le casse-tête pour ceux qui auront en charge de faire appliquer la loi d’établir le délit.

Plus inquiétant, le locavorisme

Si l’adoption de ce décret est ridicule et témoigne du déclin de la raison chez ceux qui nous gouverne, d’autres projets, inspirés par la même idéologie sont beaucoup dangereux. En particulier, ceux que les nostalgiques d’un bonheur situé dans un passé imaginaire nomment « relocation de l’économie » , ou « produire et consommer local ». Cela concernerait en premier lieu le domaine alimentaire. Les anglo-saxons ont nommé ce mouvement le locavorisme.

On pourrait imaginer que ce genre de programme est circonscrit aux cercles de la Deep Ecology. Pourtant Chantal Jouanno, ancienne ministre UMP, affichait récemment sa sympathie pour ce genre de projet grandiose, affirmant vouloir une région Ile de France « presque autosuffisante sur le plan alimentaire » (3). Et de fait, les services de l’état et les collectivités locales se sont lancés depuis dans des plans volontaristes, mais heureusement très inefficaces jusqu’ici, de relocalisation de l’économie. Comme dans ces milieux tenus à un minimum de réserve, on euphémise et on requalifie cela « privilégier les circuits courts » (4).

Pourquoi très inefficaces et pourquoi heureusement ? Inefficaces parce que les promoteurs de ces idées géniales se heurtent encore au mur de la réalité, et que ces actions ne peuvent avoir qu’un résultat très marginal. Heureusement, parce que tant que si les intégristes qui sévissent partout jugeaient que le changement ne vient pas assez vite et décidaient de passer à la vitesse supérieure, la catastrophe serait assurée.

Comment expliquer que personne ne semble vraiment réaliser le danger ? Il est pourtant assez simple de démontrer que la relocalisation de l’économie, et surtout de l’agriculture (seul domaine que nous traitons ici), ne garantit en rien absolument pas une amélioration sur le plan écologique, notamment en remettant en cause les circuits d’approvisionnement qui correspondent à une certaine rationalité. Mais surtout, produire et consommer local, ça va surtout dire produire beaucoup moins, et en fait de consommer local, c’est surtout un régime de disette qu’on promet. Comme au bon vieux temps…

L’intérêt de la spécialisation agricole

Il semble à la portée de tout le monde de comprendre que la cartographie agricole d’un pays (voir carte ci-dessous) dépend certes en partie de l’histoire, mais surtout de données physiques : abondance ou rareté des terres, topographie, qualité des sols, conditions climatiques etc.. Progressivement, les régions agricoles se sont spécialisées suivant leurs avantages. Cette spécialisation obéit en grande partie à la loi des avantages comparatifs découverts par l’économiste Ricardo : quand bien même une région possèderait des rendements supérieurs dans tous les domaines agricoles par rapport aux autres, elle aurait tout de même intérêt à se spécialiser dans les domaines où elle est la plus efficace et à échanger avec les autres. De la même façon qu’un cuisinier plus efficace dans tous les compartiments de son métier qu’un commis de cuisine a tout de même intérêt à en embaucher un, à lui déléguer les tâches les plus simples pour se consacrer aux opérations les plus complexes.

Seule une étude très détaillée, nécessitant de collecter et d’exploiter une énorme quantité de données, permettrait d’évaluer ce qu’il en coûterait de revenir à des systèmes d’approvisionnement des consommateurs réduits à un rayon de quelques dizaines de kilomètres autour d’eux. Il n’est toutefois pas difficile de comprendre que cela impliquerait une disponibilité alimentaire très réduite tant en termes de quantité que de variété, comme il y a de cela quelques générations à peine. Le phénomène serait aggravé par le fait que si dans le passé, le locavorisme était imposé par contraintes matérielles et économiques (notamment les coûts de transport des marchandises), il reposerait probablement sur la contrainte politique, sur l’assignation du consommateur à une zone d’approvisionnement donnée.

Illustration : la culture du blé tendre.

Prenons une des grandes cultures de l’hexagone, le blé tendre. Nous imaginons que nos locavores envisagent le département comme zone où l’on produit et on consomme local. Seule exception, nous envisagerons que les 8 départements de l’Ile de France sont réunis pour en faire un seul, d’une dimension viable (12 000 km2). Comparons la situation actuelle et ce que donnerait un plan à la Jouanno, d’autosuffisance pour le blé tendre, pour l’Ile de France et pour chacun des départements français. Les données utilisées proviennent d’Agreste (ministère de l’agriculture-2013), de l’Insee –(2011), et de Corine Land Cover (base de données géographiques sur l’utilisation des sols- 2006).

En 2013, la France métropolitaine a produit 360 millions de quintaux de blé tendre sur une surface agricole d’environ 4,9 millions d’hectares (Mha), soit 18% de la surface agricole utilisée (SAU), surfaces dédiées à l’élevage comprises. On produit ainsi 5,7 quintaux par habitant. Le rendement moyen est de 74 q/ha, mais il varie de 35 q/ha en Haute Corse à 93 q/ha dans la Somme. Sans surprise, dans les départements où les rendements sont les plus faibles (en dessous de 50q/ha), la part des cultures de blé tendre dans la SAU est marginale voir quasi-nulle, comme l’est leur contribution à la production nationale.

Imaginons maintenant que chaque département (dont le super-département Ile de France) soit contraint à l’autosuffisance. Pour garantir partout la quantité de blé actuellement disponible par habitant (nb : 5,7 q/ha), la surface théorique totale devrait passer de 4,9 Mha à 5,6 Mha, soit une augmentation de 14%. C’est déjà beaucoup, mais ce calcul n’est que théorique.

Une relocalisation de la production en réalité impossible

En effet, du fait même de la spécialisation actuelle, certains départements qui consacrent peu ou très peu de leur SAU à la culture du blé tendre devraient reconvertir une grande partie de leur SAU, au détriment d’autres cultures. Pire, pour l’Ile de France et 4 départements représentant ensemble 17.667.000 habitants au total, les surfaces cultivées nécessaires devraient représenter plus de la totalité de la surface agricole actuellement utilisée. Non seulement on ne pourrait rien produire d’autre que du blé, au moins sur la période de culture de celui-ci, mais dans ces zones, il faudrait augmenter l’emprise agricole, au détriment des espaces naturels ou des zones bâties.

Pourtant, ces évaluations restent encore très optimistes par rapport à la réalité. Il est plus que probable que dans la majorité des cas, les terres additionnelles seraient beaucoup moins productives, voire totalement inadaptées pour ce type de culture.

On peut, sans pouvoir donner de chiffre précis (5), extrapoler l’exemple des cultures de blé tendre, car la problématique est la même pour tous les produits agricoles. Certaines zones, plus aptes à la polyvalence, s’en tireraient moins mal, mais globalement, on peut s’attendre à un effondrement sans précédent de la production agricole.

Pour l’instant, la politique qui consiste à « privilégier les circuits courts » relève surtout du folklore inutilement gourmand en subventions. Mais autant s’interroger dès maintenant sur ce qu’il en coûterait d’aller plus loin dans l’application de cette folle utopie qu’est le locavorisme.

Anton Suwalki

NB : je tiens à la disposition des lecteurs les données collectées sur le blé tendre et mes calculs.

Notes :

(1)http://www.imposteurs.org/article-obsolescence-programmee-les-produits-tombent-ils-en-panne-juste-apres-la-fin-de-la-garantie-108683052.html

(2) http://www.nextinpact.com/news/90140-un-amendement-contre-l-obsolescence-programmee-adopte-a-l-assemblee.htm

(3) http://imposteurs.over-blog.com/article-le-velot-d-or-a-chantal-jouanno-46806412.html

(4) http://www.haute-normandie.developpement-durable.gouv.fr/plan-d-actions-pour-la-croissance-a1816.html

http://alimentation.gouv.fr/privilegier-les-circuits-courts-a

(5) on essaiera de s’y coller ultérieurement…mais c’est une tâche longue et ardue.

Produire et consommer local , la folle utopie écolo
Produire et consommer local , la folle utopie écolo

Imposteurs a soufflé sa 7ème bougie

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Imposteurs a fêté le 16 octobre 2014 son 7ème anniversaire.

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Si j’ ai rédigé la majorité des articles, j’ai pu compter sur plus d’une douzaine de contributeurs de talent qui ont permis d’élever la qualité du site et de l’enrichir. Le succès de ce site est donc en grande partie le leur, merci encore à eux.

Pour connaitre le nombre de commentaires déposés par les lecteurs, il me faudrait les compter un par un. Ce qui est certain, c’est qu’il y en a des milliers, le nombre de commentaires dépassant parfois la centaine pour un seul article. De mémoire enfin, une dizaine de commentaires ont été supprimés depuis les débuts du site.

On continue !

Anton Suwalki

Produire et consommer… de l’agneau local ?

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Si le dernier article sur le locavorisme a rencontré un grand succès, il a également suscité quelques critiques, notamment sur Facebook et sur le site Contrepoints qui a repris l’article. Certaines méritent qu’on s’y arrête :

1/ Le choix du département comme échelle du locavorisme :

Certes, c’est parfaitement arbitraire, comme le sont toutes les circonscriptions administratives. Je l’ai choisi compte tenu uniquement parce que , hors Ile de France, c’est un territoire de dimension compatible avec le locavorisme. Libre à chacun d’imaginer une autre carte de France… Je tiens à signaler que la proposition qui a été faite d’un locavorisme respectant les terroirs serait encore pire, puisque cela consisterait à appauvrir encore davantage l’alimentation, l’option de réorienter les productions agricoles étant exclue.

2/ Le commerce extérieur

Certains ont remarqué (à juste titre) que dans mon exemple sur le blé tendre, je ne prenais pas en compte le fait que la France exportait plus de la moitié de ses récoltes (1). L’omission de cette dimension était volontaire, mais j’ai évidemment eu tort de ne pas le mentionner. Il n’y aucune raison de considérer autrement la spécialisation territoriale à l’échelle d’un pays et la division à l’échelle internationale, comme l’illustre assez bien la réponse à la critique 4/ ci-dessous. Certes, si la France n’exportait pas son blé, chaque « national » en disposerait d’une quantité potentiellement supérieure. Cette objection ne tient pas compte du fait que d’autres pays manquent cruellement de blé et d’autres ressources agricoles pour nourrir leur population. Faut-il dire tant pis pour eux ? Et tant pis pour nous, qui devrions nous passer en contre-partie de quelques milliards d’euros de produits agricoles (ou autres, d’ailleurs) que nous ne produisons pas nous-mêmes.

3/ Une position caricaturale ?

Accusation très sévère d’une autre personne : cet article « mélange "manger local" et "autarcie alimentaire", assimile "locavorisme" avec "tout produire à côté de chez soi". Bref, un sujet qui pourrait être intéressant mais qui est traité sans aucune rigueur ».

  1. Quand Chantal Jouanno (ce genre de déclarations est loin d’être un cas isolé) déclare avoir pour ambition « région Île de France « presque autosuffisante sur le plan alimentaire », n’est-ce pas presque de l’autarcie, presque tout produire chez soi ? On se demande dès lors de quel côté se situe la caricature…
  1. D’autre part, le but de l’exercice n’a pas été compris : J’ai bien mentionné que jusqu’à présent, l’incitation au locavorisme, bien qu’elle mobilise une grande partie de l’énergie de certaines directions du ministère de l’agriculture ou du « développement durable », n’a qu’un résultat marginal. Quelques réunions avec des personnes concernées m’ont permis de vérifiés qu’aucune étude d’impact sérieuse , ni économique ni environnementale, n’a été faite, les bienfaits environnementaux étant simplement un postulat. Certains se lamentent de ne pas avoir réussi à rééduquer les consommateurs ou les agriculteurs, rêvant de mesures plus coercitives. Dans ces conditions , il est tout-à-fait justifié de faire des projections, d’essayer d’imaginer les conséquences d’une logique, poussée jusqu’au bout.

4/ Manger de l’agneau français, plutôt que néo-zélandais ?

Franck Ramus, chercheur en sciences cognitives, , et dont j’apprécie beaucoup les textes de vulgarisation, commence par une critique analogue : « Cet article fait la rhétorique de l'épouvantail. Il ridiculise une forme extrême de locavorisme que peu de gens défendent, mais il ne dit strictement rien sur des propositions plus raisonnables » . Comme l’autre intervenant, il fait du locavorisme non pas ce qu’il est réellement, mais ce qu’il voudrait qu’il soit : quelque chose de raisonnable, ce qui n’étonnera venant de lui.

Pour lui, il s’agirait donc « Il s'agit essentiellement de taxer les transports (carburant et péages) de telle manière à rendre les produits distants relativement moins compétitifs. Actuellement l'agneau néo-zélandais vendu en France coûte moins cher que l'agneau français. Or les externalités négatives énergétiques et environnementales ne sont pas prises en compte dans ce prix, parce que le carburant aérien n'est pas taxé. Une fiscalité bien dosée permettrait simplement que les décisions économiques rationnelles des consommateurs s'orientent vers des produits qui engendrent moins de gaspillage énergétique. »

Il s’agit donc d’orienter « les décisions économiques rationnelles des consommateurs » en le frappant au portefeuille, un joli programme ! Outre que l’on a du mal à distinguer cela d’un protectionnisme déguisé, FR ne semble pas s’intéresser au fait que le faible prix des transports permet à la Nouvelle Zélande (3), qui bénéficie de conditions exceptionnellement favorables pour l’agriculture pastorale, et de coûts de production cinq fois inférieurs aux coûts français , de satisfaire des consommateurs à 20.000 kms de distance, dont certains ne pourraient pas manger d’agneau autrement. En outre, la Nouvelle-Zélande, quoiqu’ayant une économie avancée , exporte essentiellement des produits de l’agriculture et de la sylviculture. Au nom de quel principe « supérieur » la pénaliser et lui interdire par là même de se procurer en contre partie des biens qu’elle ne produit pas ou trop peu sur son territoire ? La prise en compte des « externalités négatives énergétiques et environnementales » ?

Disons tout de suite qu’il est très difficile de définir ce qu’est une externalité énergétique négative ? A la rigueur pourrait-on parler d’un gaspillage énergétique… Mais qui va décider que telle utilisation de l’énergie (ici du kérosène) est du gaspillage ? Qui est en droit de décider qu’une dépense d’énergie qui permet à des consommateurs même aux revenus modestes de disposer de viande d’agneau à bas prix est un gaspillage ?

Restent les « externalités négatives environnementales » : on devine que FR fait ici allusion au bilan carbone de l’agneau néo-zélandais. Le prix de marché n’intègre effectivement pas spontanément les coûts que l’on suppose liés au réchauffement climatique , dont l’estimation relève d’ailleurs de la pl. L’article déjà cité (2) mentionne que le transport représente …5% des émissions de CO2 pour de l’agneau néo-zélandais consommé en Grande Bretagne, et un bilan carbone possiblement inférieur à celui de l’agneau français (3)!!!!

Quelquefois, il faut donc aller au-delà du bon sens apparent : transport sur de longues distances n’est pas forcément synonyme de bilan environnemental défavorable.

A moins de l’instauration d’une taxe exorbitante sur le kérosène, l’agneau néo-zélandais (non subventionné) conservera un avantage par rapport à l’agneau français (subventionné). Renchérir le prix du transport aérien, est-ce bien raisonnable ? Certains vols Paris-New York coût aujourd’hui moins de 200 euros . Les très bas prix mettent le transport aérien à la portée d’un nombre toujours croissant de terriens. C’est plutôt une bonne chose, non ?

Conclusion

Après la réponse à ces critiques qui ont le mérite d’obliger à clairifier et à préciser certains points, je persiste et signe. Certes, il ne s’agit pas d’empêcher les gens de consommer local si cela leur chante, ou s’ils préfèrent la gariguette d’Aquitaine à la fraise espagnole, quitte à la payer plus cher. Critiquer le locavorisme qu’on voudrait nous imposer au nom de croyances et au risque de faire reculer drastiquement la production agricole ne signifie pas prôner le « loinvorisme ».

Ce qui m’étonne, c’est qu’une autre objection n’est pas été soulevée. Mais j’attends un peu de voir si elle arrive, préférant ne pas y répondre par avance.

Anton Suwalki

  1. (http://www.lafranceagricole.fr/actualite-agricole/ble-tendre-de-bonnes-perspectives-d-exportation-vers-les-pays-tiers-franceagrimer-77164.html
  2. http://www.agrireseau.qc.ca/bovinsboucherie/documents/pdf_La_filiere_viande_en_Nouvelle-Zelande-405%5B1%5D.pdf
  1. -15% pour l’agneau néo-zélandais, des chiffres à prendre certes avec réserve car ne reposant pas sur une méthode commune de calcul.

Australie : l'intégrisme « bio » et anti-ogm provisoirement mis en échec, par Wackes Seppi

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Marsh c. Baxter, Cour suprême de l'Australie occidentale... « Help this farmer stop Monsanto's GM canola » (aidez cet agriculteur à stopper le canola GM de Monsanto)... Cela a fait les choux gras de la galaxie anti-ogm et « bio » pendant des mois, surtout dans la médiasphère anglophone. En France, nous avons eu droit à un article de Mme Sophie Chapelle dans Bastamag, repris par Combat Monsanto, fin janvier 2014. M. Suwalki nous en a brièvement entretenu sur ce site avec « OGM : La guerre des campagnes relancée par un agriculteur bio australien » [1]. La guerre ? Dans le prétoire, dans une affaire introduite dans le cadre de la common law (le droit coutumier).

Le bruit médiatique s'était amplifié à partir du 10 février 2014, pendant les séances de la Cour suprême de l'Australie occidentale (à juge unique, toutefois) et à l'approche du prononcé du jugement. Technique connue : lorsque le résultat est incertain, il faut exploiter l'actualité en devenir, comme occasion d'instiller le doute et la peur avant qu'elle ne s'évapore sous la chaleur de l'analyse rationnelle ; le doute et la peur se déposeront en sédiment. Le verdict est tombé le 28 mai 2014 [2]... et l'agitation médiatique aussi...

Rappel des faits

Le 25 janvier 2010, le gouvernement de l'Australie occidentale a autorisé la culture du canola (colza) transgénique tolérant le glyphosate. M. Michael Baxter, en a semé 85 hectares, sur sa ferme de 1175 hectares, à Kojonup (l'endroit est devenu mondialement connu...) à petite distance de la ferme de M. Stephen Marsh, qui exploite 480 hectares en agriculture biologique et produit essentiellement du blé et de l'avoine, ainsi que des moutons. Les deux fermes ne sont pas contiguës, mais séparées par une route bordée de deux haies d'arbres, avec une emprise totale de 20,9 mètres. M. Baxter a respecté les règles et a notamment informé ses voisins, y compris M. Marsh.

Pour la récolte, M. Ba xter a andainé son canola RR ; il l'a fait couper assez haut pour le laisser mûrir, en andains, sur les éteules. À la suite d'un coup de vent (est-il allégué, sans que ce soit contesté), fin novembre 2010, des brins – des paquets (« swathes* ») – de canola se sont retrouvés sur les terres de M. Marsh, jusqu'à 1,2 kilomètre à l'intérieur de celles-ci. M. Marsh a bien pris soin de les laisser en place, de les photographier, de les piqueter, de les repérer par GPS, et même de les enclore. Il a informé son organisme de certification, la National Association for Sustainable Agriculture Australia (NASAA) de cette présence inopinée, et celui-ci a décertifié, quasiment dans la foulée, le 29 décembre 2010, une grande partie de l'exploitation de M. Marsh.

Et c'est avec une gourmandise certaine et une remarquable précipitation que la NASAA a annoncé, le 3 janvier 2011, la décertification [3].

M. Marsh n'a pas protesté ni fait usage des moyens à sa disposition pour contester les décisions, ni, par la suite, fait preuve de diligence pour récupérer sa certification.

Tolérance zéro, fruit de l'intolérance

La NASAA applique une tolérance zéro s'agissant des OGM [4]. C'est le fruit d'un positionnement idéologique et politique, privé de toute base rationnelle scientifique, et même économique (même si elle prétend répondre à la demande de la clientèle, demande qu'elle et d'autres contribuent grandement à forger). Qu'on en juge !

Les « opérateurs » doivent notamment s'informer sur les risques de contamination (nous ne mettrons pas de guillemets ici) ; maintenir des distances d'isolement et mettre en place des zones tampons ; garder des échantillons ; tester les récoltes perçues comme étant à risque. Le délai de conversion, s'agissant des OGM, est de... cinq ans. La certification est retirée lorsque la NASAA considère qu'il y a un risque inacceptable de contamination par des OGM ou leurs dérivés [5]. Une surface certifiée « bio » est perçue comme étant à risque dès lors que des OGM sont cultivés dans un rayon de... dix kilomètres ; les « opérateurs » doivent informer la NASAA des cultures GM dont ils ont connaissance. La contamination de produits biologiques par des OGM par suite de circonstances indépendantes de la volonté de l'opérateur peut entraîner une perte de certification. En vertu des Normes nationales, la NASAA décertifie tout produit testé positif pour la présence d'OGM.

Vous avez bien lu : dix kilomètres ! Une exploitation « bio » prétend créer une zone de risque (et d'embrouilles) de plus de 300 km2 pour peu qu'elle puisse reporter les contraintes de sa « pureté génétique » sur les exploitations voisines !

La justice saisie

Reporter les contraintes, c'est ce que M. Marsh a, en partie, tenté.

Il a saisi la justice le... 3 avril 2012 (plus d'un an après les faits), ce qui a été immédiatement annoncé par la NASAA [6]. Notons qu'Inf'OGM a annoncé cette plainte, avec une remarquable prescience, en mai 2011... la gourmandise médiatique et manipulatrice est un péché capital... [7].

Il a essentiellement réclamé 85.000 dollars australiens (environ 61.000 euros) en compensation de sa perte et en dommages-intérêts. En cours de procédure, il avait aussi demandé une injonction permanente interdisant à son voisin du semer du canola GM au voisinage de sa ferme, et d'andainer. Voisinage ? C'était une distance de... 2,5 kilomètres ; elle a été diminuée au fil des débats jusqu'à un kilomètre, puis abandonnée en faveur d'une formule non linéaire... puis... on ne sait plus très bien sans faire de recherches approfondies.

Petite chronique d'un litige annoncé

M. Marsh a-t-il décidé ou a-t-on décidé pour lui ?

M. Marsh s'était érigé en activiste anti-ogm et, avant même que le canola HT ne fût autorisé, il était déjà prêt à en découdre.

En septembre 2010, il avait fait installer des panneaux selon lesquels, notamment, sa ferme faisait l'objet d'une « déclaration de biosécurité », qu'elle était déclarée indemne d'OGM, et que « toute contamination ou déchéance de l'accréditation "indemne d'OGM" par suite d'un accès non autorisé fera l'objet d'une action judiciaire en compensation » [8]. Le texte – en partie loufoque – lui avait été suggéré, a-t-il dit, par son avocat.

Aux alentours du 1er octobre 2010, donc avant le fâcheux coup de vent, M. Marsh a servi une lettre d'avertissement à M. Baxter – un « avis d'intention d'engager des poursuites » –l'informant des pertes financières que M. Marsh pourrait subir si sa ferme était contaminée. Le canola avait été semé depuis un moment...

Le juge a estimé que cette lettre – selon lui très mal rédigée – n'était pas de la main de M. Marsh. « J'attribuerais la remise de ce document rédigé de manière plutôt curieuse le 1er octobre 2010 à l'influence de tiers plutôt qu'à la seule décision de M. Marsh » (paragraphe 416 du jugement).

Le juge a exprimé le même avis au sujet des annonces que M. Marsh avait fait paraître dans la presse locale, en octobre et novembre 2010, annonces comportant aussi des menaces de poursuites judiciaires... Un autre habitant de Kojonup avait fait publier une annonce similaire. Et le juge, pas dupe, de poser : « À l'évidence, le contenu de ces annonces avait été établi par quelqu'un ayant de modestes connaissances juridiques [...]. À nouveau, il semble qu'il y a eu l'action d'une main invisible » (paragraphe 419).

On peut dès lors poursuivre : les faits ont-ils déterminé la cause ou la cause a-t-elle déterminé une partie des faits, lesquels ont toutes les apparences d'avoir été inventés, fabriqués ou arrangés ? L'exposé ci-dessus est le minimum vital pour comprendre l'affaire ; les méandres des faits réservent d'impressionnantes surprises. En fait, il suffit d'un peu de bon sens : quelle énergie déployée pour repérer des brins de canola sur quelque 300 hectares, comme l'a fait M. Marsh !

Mais rassurons le lecteur sceptique : le coup de vent n'est pas contesté...

Désordre local pour une solution globale ?

Toujours est-il que M. Marsh a été soutenu financièrement par la Safe Food Foundation [9], qui a lancé une souscription en sa faveur. Elle a affirmé avoir investi au moins... 750.000 dollars australiens dans l'affaire, voire 100.000 de plus non couverts par les dons à la date du jugement. Dix fois plus, donc, que le prix du préjudice allégué ! Et pourtant, les avocats avaient agi pro bono (gratuitement) [10].

M. Baxter a, quant à lui, été soutenu par une des grandes associations de la profession agricole, la Pastoralists and Graziers Association of Western Australia (PGAofWA) [10].

L'altermonde a vite prétendu que les frais de M. Baxter allaient être payés par Monsanto. C'est ce que prétend en particulier, en février 2011 (selon Google, le billet lui-même n'est pas daté), le site Eatdrinkbetter [11]. C'est la source citée par Inf'OGM [7]... on prend ses désinformations où on peut... Petit rappel : la procédure a été mise en route le 3 avril 2012.

Eatdrinkbetter réussit aussi l'exploit d'inverser les rôles dans le titre de son billet et de présenter la multinationale comme le méchant ogre : « Monsanto Vs Australian Organic Farmer Steve Marsh » (Monsanto c. agriculteur biologique australien Steve Marsh). C'est là, aussi, une caractéristique courante de la rhétorique de l'altermonde dans cette affaire.

Et c'est plutôt extraordinaire. Car, dans le même temps, l'altermonde prétendait aussi que Monsanto était hors d'atteinte. Mme Sophie Chapelle, qui a aussi cherché ses désinformations, écrit ainsi sur Bastamag [12] : « Steve perd son label bio sur 70 % de son exploitation et ne peut pas se retourner contre Monsanto. "La firme se protège en faisant signer un contrat à tous les agriculteurs qui achètent ses semences génétiquement modifiées, explique Rachel Dujardin de Safe Food Foundation. En cas de contamination génétique, la multinationale semencière n’est pas responsable". »

Le raisonnement est à l'évidence débile : c'est comme si les constructeurs automobiles devaient être tenus responsables des accidents de la route...

L'affaire est donc très rapidement devenue le combat du petit David australien – un nouveau Percy Schmeiser en quelque sorte – contre le méchant Goliath. « Help this farmer stop Monsanto's GM canola » (aidez cet agriculteur à stopper le canola GM de Monsanto) est un slogan ubiquitaire, propagé notamment par le Steve Marsh Benefit Fund, un site (prétendument) géré par des agriculteurs biologiques, la NASAA (tiens donc...), le Parti vert australien, le GM Network et un grand nombre de consommateurs australiens [13]. En réalité, le site a été lancé par la Safe Food Foundation, manifestement en cheville avec la NASAA... autre technique de l'altermonde : multiplier les sites web.

L'altermonde a aussi fait campagne en présentant l'affaire Marsh c. Baxter comme un précédent pour les agriculteurs non seulement en Australie, mais dans le monde entier [14]. Mme Chapelle écrit [12] : « Encore un procès qui inquiète les fabricants d’OGM. [...] "Si Steve gagne, cela créera un précédent qui aidera les agriculteurs à travers le monde dans leur bataille pour rester exempts d’OGM", précise Rachel Dujardin. Le procès devrait inévitablement poser la question de la coexistence entre des cultures OGM et non-OGM. »

Et c'est tout aussi débile. Un juge unique d'une juridiction de degré inférieur (même si elle s'appelle Cour suprême) d'un État du Commonwealth d'Australie établirait un précédent pour le monde entier... Quelle audace !

Solution locale pour un désordre national ?

L'enjeu réel de ce procès n'était pas vraiment les dommages-intérêts, somme toute dérisoires, ni même la mesure de contrainte demandée à l'encontre de M. Baxter.

Un verdict en faveur de M. Marsh aurait ouvert la voie à d'innombrables querelles entre agriculteurs voisins, et surtout rendu la culture de plantes GM quasiment impossible dès lors que se trouvait, dans le voisinage, ou à moins de dix kilomètres, un agriculteur se prévalant des règles de la NASAA ou d'organismes similaires. La responsabilité pour la production de denrées strictement sans OGM, bio voire conventionnelles – la garantie d'une « intégrité génétique » auto-imposée – aurait d'une certaine manière incombé, non pas à leur producteur, mais aux voisins. Et ceux-ci se seraient vu imposer une servitude permanente limitant drastiquement leur liberté d'exploiter.

Les amis de M. Marsh, et notamment le Steve Marsh Benefit Fund, ont du reste été particulièrement clairs : « Help this farmer stop Monsanto's GM canola »...

Drôle de « contamination »

L'enjeu du procès se situait aussi au niveau de la « contamination », dont l'acception par M. Marsh et la NASAA aurait pu acquérir un statut juridique opposable aux tiers en cas de victoire de M. Marsh et éventuellement de validation du jugement par les plus hautes instances judiciaires.

Les récoltes de M. Marsh ont-elles été « contaminées » par le canola GM de son voisin ? Non ! Il cultivait du blé et de l'avoine. Tout au plus peut-on considérer que ses moutons ont pu brouter des plantes de canola HT.

Le juge s'est longuement penché sur cette question, notamment sur la base du témoignage d'un expert appelé par la partie plaignante. Il a conclu qu'il ne pouvait y avoir de contamination génétique, puisque M. Marsh ne cultivait pas de canola. Il se trouve par ailleurs que Mme Stéphanie Goldfinch, ancienne responsable de la certification auprès de la NASAA (et auteur principal des décisions de suspension et de décertification) avait informé M. Marsh en août 2010 que « contamination » signifiait « contamination génétique » (paragraphe 434).

Mais, pour M. Marsh, le « problème » était simple : il avait trouvé du matériel GM sur ses terres. Point.

Le juge n'était pas disposé à le suivre, et pour cause, au vu de la déclaration précitée de Mme Goldfinch. Et de « contamination » par les repousses de canola, il n'y en eut point, les quelques repousses ayant été arrachées.

Mais ce qui était vrai en août 2010 ne l'était plus en décembre ! Subitement, une simple présence de canola GM suffisait pour crier au sacrilège ! L'interrogatoire de Mme Goldfinch a été plutôt ubuesque [15]. Elle a dû concéder l'intransigeance à la fin :

Mme Cahill (avocate de M. Baxter) : « Lorsqu'il y a un paquet [« swath »], une tige de plante GM sur une parcelle biologique, vous décertifiez. Est-ce cela la position ? »

Mme Goldfinch : « Une tige de matériel OGM sur une parcelle est une contamination par des OGM et c'est interdit. » [16, page 574]

Et, plus loin :

Mme Cahill : « Pour ce qui est de la contamination des moutons, nous avons établi vendredi que vous considérez que toute graine de canola ou toute plante de canola sur leur corps est une contamination des moutons ? »

Mme Goldfinch : « Oui. » [16, page 585]

Un jugement dévastateur

Un plaignant pas blanc comme neige

Les jugements de la common law sont bien plus détaillés que ceux fondés sur le droit romain (le nôtre). Tous les points abordés par les parties sont examinés et évalués. Dans la présente espèce, la sentence fait donc 150 pages.

M. Marsh en ressort plutôt étrillé. Ce n'est pas l'innocente victime d'agissements sans scrupules d'un voisin négligent – et encore moins, mais cela n'a pas été plaidé, d'une multinationale qui serait le diable personnifié.

Le juge : « Le contre-interrogatoire de M. Marsh a révélé qu'il trouvait parfois opportun d'oublier, ou de ne pas se souvenir, lorsqu'il avait à répondre à une question embarrassante. [...] » (paragraphe 436).

Et encore, un bel euphémisme : « M. Marsh a été confronté à l'affirmation qu'il était opposé aux OGM. Au début, il a nié. J'ai conclu que son démenti initial était timide. Il n'était pas convaincant [...] » (paragraphe 437).

On plus précis : « M. Marsh a aussi fourni des preuves sur sa réaction à la découverte des 245 poignées [« swathes »] de canola qu'il a trouvées sur Eagle Rest. De manière surprenante, il apparaît qu'il a fallu attendre avril 2011 pour que M. Marsh rassemble et enlève les poignéess et leurs siliques. [...] Durant cette période, il apparaît que les 245 poignées se sont vues conférer le statut de vedettes tristement célèbres – encloses puis objets de communiqués de presse et de publicité » (paragraphe 438).

Tout le contraire de M. Baxter : « Il a été, je pense, un témoin franc et fondamentalement digne de confiance » (paragraphe 441).

Les prétentions rejetées

La demande d'indemnisation au titre d'une négligence et d'une violation, par M. Baxter, d'une obligation de ne pas porter préjudice à M. Marsh (« duty of care ») a été rejetée. Selon le jugement, M. Baxter n'a commis aucune faute, et M. Marsh s'est tout simplement trompé de cible.

Ce n'est pas la partie la plus intéressante du jugement dans le cadre de ce billet car elle repose sur les prétentions de M. Marsh et le droit australien. Le juge a noté qu'il a été confronté à une duty of care totalement nouvelle puisqu'il s'agissait « "de garantir" des résultats négatifs absolus » (paragraphe 330). Et : « Selon mon jugement, un niveau absolu de duty of care est bien trop élevé, particulièrement lorsqu'il s'agit d'un scénario impliquant une agriculture à grande échelle, avec des plantes de grande culture, qui est nécessairement exposée à des événements météoroligiques incontrôlés » (paragraphe 333).

M. Baxter ne devait pas seulement s'assurer qu'aucune graine de canola soit porté par le vent, mais aussi transportée d'une autre manière (« blown or carried »). Et le juge de relever que M. Marsh était allé voir M. Baxter en novembre 2008 pour lui dire que douze plantes de colza avaient poussé sur Eagle Rest en 2008, et que M. Marsh avait alors émis l'hypothèse que les graines avaient été transportée par... des lapins (paragraphe 335). M. Marsh avait du reste tenu à informer le Ministre de l'agriculture de la « contamination » (paragraphes 447 et seq.).

Ceci illustre l'absence de scrupules de l'activisme anti-ogm, ainsi que l'absence d'esprit critique – et aussi, de scrupules – de certains médias qui n'avaient pas fait dans la dentelle s'agissant du préjudice prétendument subi par M. Marsh et du comportement attribué à M. Baxter.

Du reste, les activistes ont aussi passé sous silence le fait que les moutons de M. Marsh avaient été décertifiés parce qu'ils avaient été déparasités avec un produit « chimique » interdit en 2009, tout comme deux parcelles et les produits de ces parcelles parce que M. Marsh y avait... fait paître -- « mis en quarantaine » dans le jargon bio à la mode NASAA – ses moutons (paragraphes 94, 530, 554, 698).

Une « réaction totalement disproportionnée » de l'organisme de certification

Le juge pouvait-il analyser les relations contractuelles entre le plaignant, M. Marsh, et son organisme de certification. Pour le plaignant, c'était non (ce qui montre bien qu'il était une marionnette au service d'un litige de plus grande ampleur que son propre préjudice allégué). Pour le défendeur c'était d'autant plus oui qu'il alléguait que le dommage subi par son adversaire était entièrement dû aux décisions de cet organisme. Le juge a penché pour cette théorie et posé avec vigueur :

« Des arrangements contractuels idiosyncrasiques, conclus de manière consensuelle par des parties consentantes, peuvent néanmoins prévoir des dispositions que l'on peut juger d'une manière plus générale comme une situation totalement déraisonnable du point de vue de la communauté » (paragraphe 379).

C'est à l'aune de ce principe que le juge Kenneth Martin a examiné les règles de la NASAA. Mais essentiellement du point de vue – suffisant pour sa décision – de leur application.

S'agissant des faits, M. Marsh a allégué avoir trouvé quelque 245 poignées de canola sur ses terres (soit moins de une par hectare...). Le juge a notamment relevé qu'il n'y avait aucun risque de contamination par fécondation croisée puisque M. Marsh ne cultivait pas de canola. Qu'en 2011, on n'avait trouvé que huit repousses de colza, qui furent arrachées, et qu'on n'en trouva plus ultérieurement. Le juge n'a fait qu'acter les déclarations et les faits ; mais il nous est loisible de conclure de ses constatations qu'il s'agissait vraiment d'une mauvaise querelle.

S'agissant de la décision de la NASAA de décertifier la plus grande partie de la ferme de M. Marsh, le résumé du jugement est lapidaire : « Ce résultat a été le fruit d'une application erronée des Normes pertinentes de la NASAA applicables à l'époque aux opérateurs bio de la NASAA en ce qui concerne les OGM (organismes génétiquement modifiés). »

Et, selon le jugement : « Tout bien considéré, il apparaît qu'il y a eu une réaction totalement disproportionnée du NCO [NASAA Certified Organic Pty Ltd] à cet incident en ce qu'il a procédé à ce qui se présente comme une décertification insoutenable de 70 % de la surface d'Eagle Rest (parcelles 7 à 17) imposée de décembre 2010 à octobre 2013. » (paragraphe 538)

Mais il y a plus.

Une responsable de la certification (et de la décision de décertification) étrillée

Le juge a été impressionné – pas vraiment en bien – par Mme Goldfinch. Il a cru bon de relever que les transcriptions ne rendent pas justice à son expression glaciale envers l'avocat de M. Baxter et le ton hautain de ses réponses à de nombreuses questions. Plus grave : « Ce que le contre-interrogatoire serré a montre de plus significatif, c'est sa position fréquemment proclamée, avec fierté, de "tolérance zéro" des OGM, même des plantes (GM) qui ne contenaient pas de graines » (paragraphe 578).

Et donc : « Ce que je conclus en définitive des réponses de Mme Goldfinch, c'est son incompréhension fondamentale et sa mauvaise application des Normes nationales et de la NASAA contre les Marsh [...] » (paragraphe 580).

Ce sont là de très fortes paroles que le juge a illustrées par référence à un cas hypothétique évoqué lors du contre-interrogatoire : selon Mme Goldfinch, une poignée de canola GM atterissant sur le dos d'un mouton suffisait à contaminer non seulement la laine, mais aussi le mouton lui-même s'il en consommait (paragraphe 581) !

Cela peut paraître anecdotique, mais ce n'est pas le cas : le juge a illustré avec force détails le fondamentalisme de l'opposition aux OGM auquel il a été confronté. Et auquel nous sommes confrontés par médias interposés...

Un voisin hors de cause

S'agissant de la culture : « M. Baxter avait utilisé une méthode de récolte orthodoxe et bien acceptée en andainant son canola RR en 2010. [...] M. Baxter ne peut être tenu pour responsable, en tant qu'agriculteur cultivant des plantes de grande culture, simplement pour avoir cultivé une plante GM légale et choisi une méthode de récolte (andainage) qui était entièrement orthodoxe dans son application » (résumé).

C'est lapidaire et cela ne peut remplacer l'analyse détaillée que le juge a faite de la situation. Le juge a par exemple noté qu'il n'y a eu que trois poignées de canola dans la parcelle 10, et encore n'étaient-elles pas dans le blé. Et, à la fin de 2011, il n'y avait eu que huit repousses, dûment arrachées (paragraphe 736).

Le juge a écarté la responsabilité en fait, même pour l'andainage, dans le contexte du moyen de la négligence : « l'andainage [...] en 2010 [n'est]la cause factuelle de cette perte économique en application d'aucun test de la common law [...] » (paragraphe 743).

Et la responsabilité en droit : « De même, M. Baxter ne pouvait être tenu pour responsable, en droit, des réactions à l'incursion [de poignées de canola sur les terres de M. Marsh] de l'organisme de certification biologique des Marsh, NCO [sous-traitant de la NASAA], qui, en l'occurrence, se sont révélé être une réaction injustifiable à ce qui était arrivé » (résumé).

Et pas d'injonction

M. Marsh ayant succombé au principal (son action en réparation), Son Honneur (eh oui ! On est dans le monde anglo-saxon...) a déduit que la demande d'injonction tendant à imposer à M. Baxter des restrictions sur ses cultures et ses pratiques culturales ne pouvait prospérer. Il a toutefois ajouté qu'elle devait aussi échouer de plein droit.

Le juge a en effet noté que cette demande a beaucoup varié dans le temps, pour devenir in fine une demande d'interdiction d'andainer à proximité de la ferme de M. Marsh, sans précision quant à la distance.

« En l'absence d'éléments de preuve plus convaincants et plus fiables pour justifier une distance linéaire identifiable pour la zone tampon à l'appui d'une contrainte permanente portant sur l'andainage, la demande d'injonction perpétuelle n'était pas admissible, même sous sa forme réduite telle qu'on l'a vue à la fin des débats » (résumé).

Escalade d'engagement...

Les soutiens de M. Marsh se sont fait remarquablement discrets sur l'échec de leur champion, ou plutôt prête-nom. Ainsi le Steve Marsh Benefit Fund annonce très sobrement le 29 mai 2012, lendemain du prononcé, que M. Steve Marsh a perdu [17] ; sans aucun détail, mais avec un renvoi au communiqué de presse de la Safe Food Foundation [18].

Celle-ci maintient sa position, avec un argumentum ad populum extravagant : « La cour a déclaré dans son jugement que la décision de la NASAA [...] de décertifier Steve était erronée. Compte tenu de l'importance de la contamination, nous ne voyons pas comment la NASAA aurait pu prendre une autre décision. Certainement 100 % des consommateurs bio soutiendraient la décision de la NASAA. »

En annonçant qu'elle soutiendrait M. Marsh s'il faisait appel.

Car pour elle, « ceci est un énorme échec pour les agriculteurs bio et non GM et leur choix de rester sans OGM ».

Notre analyse conduit à conclure que l'énorme échec, c'est celui d'une manipulation, de la tentative de reporter les contraintes auto-imposées de la « pureté génétique » du bio fondamentaliste sur les voisins et, au-delà, d'empêcher en pratique la culture de plantes GM.

Quant à la NASAA, elle relève, dans le titre de son communiqué de presse du 29 mai 2014, que la décision de la cour souligne la nécessité d'une réforme. Mais dans quel sens ? À l'évidence dans le sens de son intégrisme : « La NASAA maintient qu'elle a agi de manière responsable en retirant la certification biologique à la ferme de M. Marsh, quand bien même le juge Martin ait trouvé que la décertification était "erronée". » [19]

...et un appel au bon sens...

Le jour du jugement, Australian Organic, groupe leader de l'agriculture biologique, donnait un son de cloche un peu différent. Il notait certes aussi la nécessité d'une réforme de la législation sur les OGM, mais c'est : « pour protéger les intérêts de tous les agriculteurs » [20].

Le point de vue a été développé dans un billet du 6 juin 2014 [21]. Il s'agit d'une navigation entre plusieurs écueils redoutables : notamment ne pas effrayer les consommateurs, et ne pas désespérer les producteurs. Mais la NASAA a été implicitement torpillée. En voici un extrait :

« Les cultures de Michael Baxter étaient différentes de celles de Steve Marsh. Ce n'était pas une situation de même espèce, GM c. bio – ce qui signifie qu'il n'y a pas pu y avoir, ni eu, de contamination de la culture bio, et encore moins du produit de la récolte. Steve Marsh cultive des céréales, alors que son voisin a cultivé du canola GM. Nous pensons que c'est un facteur essentiel dont le juge a tenu compte dans son verdict.

Le battage médiatique et la campagne de peur suggérant que le secteur des grains bio subira les conséquences de ce jugement sont infondés.

Il y a aussi une différence fondamentale entre la gestion des réalités environnementales et du voisinage, et la livraison de produits non GM aux consommateurs.

Australian Organic espère que les leçons de cette affaire permettront aux agriculteurs, qu'ils soient bio, conventionnels ou GM, d'éviter ce qui s'est produit dans ce cas. Il n'y a pas de véritable gagnant dans des affaires comme celle-ci et il est important que notre métier travaille en coopération pour éviter que cette situation se reproduise. »

Quel sort pour la « tolérance zéro » ? « La possibilité d'une présence génétique étrangère dans nos environnements culturaux, similaire aux pesticides non bienvenus, est indésirable, mais c'est une réalité que nous devrons continuer à gérer. »

...et M. Marsh fait appel

Le juge avait averti : « Les Marsh seraient mieux servis s'ils dirigeaient leurs préoccupations vers ce quartier [la NASAA et le NCO] en ce qui concerne la perte économique subie » (paragraphe 739).

M. Marsh a néanmoins fait appel le 18 juin 2014 [22] [23].

Pour la plus grande joie de la Safe Food Foundation : « La SFF espère que la cour d'appel reconnaîtra que Steve avait droit au respect de ses intérêts ("duty of care") et que la NASAA a pris une décision correcte en décertifiant Steve dans le contexte d'un système international bien établi. »

M. Marsh bénéficie aussi du soutien de la NASAA [24]. Évidemment, puisque le jugement l'avait gravement mise en cause... Mais, appels à la coopération de toutes les parties nonobstant, « nous continuerons à maintenir l'approche de la tolérance zéro au GM dans les produits bio tant que les sentiments des producteurs et des consommateurs ne changeront pas. »

Trois juges décideront. Ce sera apparemment sur la base d'une compétence limitée, par exemple les erreurs de fait ou de droit du jugement entrepris, sans que de nouveaux faits puissent être allégués.

En attendant, la guerre des campagnes continue...

Post scriptum : jusqu'à AUS$800.000 de dépens

Par un jugement rendu le 19 septembre 2014 [25] [26], le juge Kenneth Martin a accepté le principe du décompte des frais encourus par M. Michael Baxter pour sa défense. Il a fait droit à la demande des conseils de M. Baxter de dérogation au plafond des dépens. Pour la petite histoire il a trouvé qu'il y avait une erreur dans le total de... 3 cents.

Un greffier devra établir le montant des frais remboursables. La note présentée pour le compte de M. Baxter se monte à AUS$803.989,10. C'est la somme que M. Steve Marsh devra payer si le greffier accepte toutes les factures.

Pour mémoire, le litige portait sur AUS$85.000...

Les conseils de M. Marsh avaient aussi tenté d'obtenir des renseignements des conseils de M. Baxter sur les frais réellement encourus par celui, plus précisément sur les financements par des tiers tels que la Pastoralists and Graziers Association of WA, une compagnie d'assurances et... Monsanto. C'est de bonne guerre. Les conseils de M. Baxter ont répondu poliment : pas d'obligation de répondre. La question a donc été soumise au juge.

Verdict cinglant. Après avoir évoqué une correspondance intéressée entre les conseils, un « méli-mélo de déclarations fondées sur des ouï-dire de sources inconnues assemblées par un chalutage de diverses sources médiatiques », le juge Martin a posé que faire droit à la demande reviendrait à approuver une prospection – une « expédition de pêche » – illicite.

M. Marsh peut demander un sursis en attendant les résultats de son appel. Selon certains journaux celui-ci devrait être entendu l'année prochaine.

Wackes Seppi

__________________

* Swath est intraduisible avec précision. Il s'agit d'un ensemble d'un morceau de l'andain, d'une taille qui ne peut pas être déterminée par le texte, arraché par le vent. Selon certains rapports, lorsqu'il est question de « 245 swathes », il s'agirait de 245 tiges.

[1] http://imposteurs.over-blog.com/article-ogm-la-guerre-des-campagnes-relancee-par-un-agriculteur-bio-australien-122539267.html

[2] Résumé :

http://www.supremecourt.wa.gov.au/_files/Judgment%20Summary%20-%20Marsh%20v%20Baxter%20(CIV%201561%20of%202012)%2028%20May%202014.pdf

Texte complet (150 pages) :

http://decisions.justice.wa.gov.au/Supreme/supdcsn.nsf/PDFJudgments-WebVw/2014WASC0187/$FILE/2014WASC0187.pdf

Transcriptions et vidéos :

http://www.supremecourt.wa.gov.au/T/transcripts.aspx

[3] http://www.nasaa.com.au/data/media/NASAA%20Press%20Release_140F06.pdf

[4] http://www.nasaa.com.au/data/pdfs/AAAA%20NASAA%20Organic%20Standard%2006-02-2012.pdf

[5] Considérant le caractère manifestement hystérique de ces règles, on doit se demander si la présence d'un taureau nourri aux OGM et divagateur est un risque de contamination pour toute génisse bio qui pourrait se faire honorer par lui...

[6] http://www.nasaa.com.au/data/media/MR%20Steve%20Marsh%20sues%20030412.pdf

[7] http://www.infogm.org/AUSTRALIE-Premier-proces-pour-du

[8] M. Marsh a été longuement interrogé sur ces panneaux et leur signification (pages 232 et seq.) :

http://www.supremecourt.wa.gov.au/_files/Marsh%20v%20Baxter%2012%20Feb%202014%20CIV%201561%20of%202012.pdf

[9] http://safefoodfoundation.org/

[10] http://www.abc.net.au/news/2014-02-28/gm-canola-trial-wraps-up-today/5292034

[11] http://eatdrinkbetter.com/2011/02/03/monsanto-vs-australian-organic-farmer-steve-marsh/

[12] http://www.bastamag.net/Mobilisation-la-bataille-d-un

[13] http://stevemarshbenefitfund.com.au/

[14] Par exemple :

http://www.fooddemocracynow.org/blog/2014/feb/8/i_am_steve_marsh

[15] Compte rendu journalistique ici :

http://www.farmonline.com.au/news/agriculture/cropping/general-news/gm-trial-tensions-intensify/2688449.aspx

[16] http://www.supremecourt.wa.gov.au/_files/Marsh%20v%20Baxter%2017%20Feb%202014%20CIV%201561%20of%202012.pdf

[17] http://stevemarshbenefitfund.com.au/?p=838

[18] http://safefoodfoundation.org/2014/05/28/press-release-gm-farmers-win-is-a-loss-for-all-organic-farmers/

[19] http://www.nasaa.com.au/data/media/NASAA_Marsh%20vs%20Baxter_Media%20Release_May2014.pdf

[20] http://austorganic.com/wp-content/uploads/2013/09/28-May-2014-Media-Release-GM-legislation-needs-reviewing.pdf

[21] http://austorganic.com/gm-farming-and-organic-the-facts-post-marsh-v-baxter/

[22] http://stevemarshbenefitfund.com.au/?p=848

[23] http://www.farmonline.com.au/news/agriculture/general/news/marsh-v-baxter-appeal-still-up-in-air/2707482.aspx?storypage=0

[24] http://www.nasaa.com.au/data/media/NASAA_Marsh%20Appeal_Media%20Release_June2014_D1.pdf

[25] http://decisions.justice.wa.gov.au/supreme/supdcsn.nsf/judgment.xsp?documentId=91E3AE81B365BAC448257D58001B4C64&action=openDocument

[26] http://www.queenslandcountrylife.com.au/news/agriculture/cropping/general-news/marsh-to-face-800000-costs-for-gm-test-case/2712854.aspx?storypage=0

Homéopathie : non, Influenzinum n’est pas un vaccin antigrippal

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De passage à la pharmacie de mon village, je remarque un présentoire de boites de granules homéopathiques Influenzinum 9 CH d’un célèbre laboratoire dont tous les lecteurs auront deviné le nom. Chose tellement banale que je n’aurais pas réagi si une étiquette, visiblement collée par le pharmacien lui-même, indiquait « vaccin antigrippal ».

C’est un fait que l’homéopathie confond abusivement son principe dit de similitude (« le semblable soigne son semblable ») avec celui de la vaccination. Dans le cas de la grippe et des états grippaux, le laboratoire fabrique l’exotique Oscillococcinum à base d’ « autolysats de foie et de coeur de canard de Barbarie », et Influenzinum, c’est-à-dire à base de souches bien réelles de virus de la grippe utilisées dans des dilutions délirantes : dans le cas d’une formulation à 9CH , soit 1/ 1 000 000 000 000 000 000 (1 milliard de milliard), on vous laisse imaginer la quantité de produit actif que contient une granule de quelques dixièmes de mg ! Et encore, Influenzinum existe en 30CH …

Seulement voilà : le plus souvent, ces pseudo-médicaments sont vendus comme « alternative au vaccin grippal », ce qui est bien sûr faux , mais on reste dans les allégations classiques des médecines parallèles. Dans le cas évoqué, le pharmacien présente Influenzinum comme un vaccin antigrippal, au même titre que les vrais vaccins à l’efficacité prouvée.

Je fais donc remarquer au pharmacien que cette étiquette est pour le moins abusive, et pourrait tromper des clients, y compris ceux qui ne croient pas aux vertus de l’homéopathie .

- mais c’est un vrai vaccin, et ça marche , me répond-il.

  • ça marche, vous voulez dire que des expériences dûment menées ont prouvé que les patients ingérant les granules développent des anticorps spécifiques, et qu’ils sont immunisés contre la grippe, comme avec un vaccin « classique » ?

Mais notre apothicaire ne raisonne pas en termes de médecine fondée sur les preuves, son critère d’efficacité, c’est le chiffre d’affaires du rayon poudres de Pelimpinpin :

  • Ca marche, la preuve c’est qu’on en vend plus de 500 boites chaque année.

Si c’est pas une preuve, ça ! Entendant cela, je me suis demandé si notre apothicaire avait lui-même signé la pétition contre un hypothétique projet de loi pouvant remettre en cause le monopole des « pharmaciens d’officine »(2).Dans la présentation de cette pétition, on apprend donc que » [notre] santé n’est pas un commerce ! ».

Des clients attendaient derrière moi, et il était visiblement inutile de prolonger la discussion. J’ai pris mon sachet de médicaments méchamment « allopathiques » (3) , et j’ai pris poliment congé.

Dix plus tard, je suis repassé à la pharmacie pour renouveler une ordonnance. J’ai constaté que le présentoir d’Influenzinum était toujours là , mais que l’étiquette mentionnant « vaccin antigrippal » avait disparu. Il est peu probable que le pharmacien se soit rendu à mon avis sur l’homéopathie, mais il aura au moins compris qu’on ne pouvait pas jouer sur les deux registres à la fois, celui de la prétendue alternative à la vaccination, et celui qui consiste à présenter la prétendue alternative comme la vaccination elle-même, ce dernier étant encore plus trompeur que le premier..

C’est certes une toute petite victoire, mais ne boudons pas notre plaisir.

Anton Suwalki

  1. http://www.homéopathie.com/traitements/influenzinum.html
  2. http://www.pharmasite.fr/actualites/monopole-menace-l-uspo-lance-une-petition.html

(3) c’est-à-dire des vrais médicaments, l’allopathie étant une notion inventée par les homéopathes pour l’opposer à leur principe fantaisiste de similitude

Patrick Moore dit de Paul Moreira : « un c... fini », par Wackes Seppi

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À propos de « Bientôt dans votre assiette (de gré ou de force) »

« Bientôt dans votre assiette (de gré ou de force) » [1] est un « docu-investigation » de M. Paul Moreira diffusé pour la première fois le 1er septembre à 20h45 sur Canal+ pour le magazine 90 minutes. Cette œuvre, diffusée sur une chaîne cryptée, laissera essentiellement des traces sur la toile et sera sans nul doute périodiquement rediffusée. Un décryptage n'est par conséquent pas inutile. D'autant plus qu'il s'y prête à merveille au vu de son caractère manichéen et potache.

Hôtel Renaissance, Bruxelles, 22 janvier 2014

Europabio, invariablement présenté par l'altermonde comme le lobby des multinationales des biotechnologies, de l'agrochimie et des semences (selon M. Moreira : « au service de Monsanto, Syngenta, DuPont, bref, tous les grands noms des OGM »), organisait ce jour-là une réunion de haut niveau sur les bénéfices des plantes GM pour les consommateurs [2]. Format très habituel pour les réunions bruxelloises des organisations représentatives d'intérêts : une demi-journée, suivie ici d'un buffet. Le Corporate Europe Observatory en a toutefois une vision très différente [3].

Paul Moreira, c'est le réalisateur du « docu investigation ». Il traîne dans les couloirs de l'hôtel avec son équipe de tournage. On peut s'en étonner : le CEO n'a-t-il pas insinué que l'événement avait été organisé en toute discrétion, pour être à l'abri des regards – et des caméras – indiscrets ?

Patrick Moore, c'est le co-fondateur de Greenpeace (les adeptes contestent) et ancien dirigeant qui en est sorti avec fracas lorsqu'il a considéré que l'organisation avait « évolué vers l'extrémisme et des programmes politiquement motivés » (selon la vision manichéenne et militante de M. Moreira : M. Moore est « passé à l'ennemi »). Aujourd'hui, il milite avec énergie pour le riz doré et, avec d'autres, accuse Greenpeace de crime contre l'humanité.

M. Moreira obtient donc la possibilité de s'entretenir avec M. Moore, présenté en incrustation dans son docu-menteur comme « consultant pro-OGM ». C'était sans nul doute – la réaction de M. Moore en témoigne – au sujet du riz doré. Mais M. Moreira essaie de piéger M. Moore sur le glyphosate (RoundUp) en Argentine. Avec un sens de la grossièreté certain... M. Moore, excédé, finit par l'envoyer paître et lâche : « complete jerk » ([1] deuxième partie, à 25 :11).

M. Moreira a dû être ravi du compliment : il l'a gardé pour son docu-menteur, avec une traduction en sous-titre...

Hôtel Renaissance, Bruxelles, 22 janvier 2014 (2)

Restons sur le riz doré. Pour M. Moreira, c'est « la réponse de l'industrie transgénique au problème des carences en vitamines A chez les enfants du Tiers Monde ». Problème : le riz doré a initialement été un projet de la recherche publique et reste porté par celle-ci... mais M. Moreira n'en a cure...

M. Moreira a quand même filmé M. Moore expliquant pourquoi l'attitude de Greenpeace est un crime contre l'humanité. Mais quel est le poids de cette explication pour le téléspectateur face à un « journaliste » au commentaire ouvertement dénigrant tant sur la forme que sur le fond ? Un personnage pour qui M. Moore « soutient notamment l'industrie nucléaire, minière et transgénique » et « trouve aussi le changement climatique épatant » [4] ? En bref, face au truc du déshonneur et du discrédit par association ?

Hôtel Renaissance, Bruxelles, 22 janvier 2014 (3)

Sur la conférence d'Europabio. M. Moreira affirme aussi que le Ministre britannique de l'environnement Owen Paterson – l'un des orateurs – serait « un peu gêné d'être filmé ainsi dans un événement organisé par l'industrie transgénique ». Tellement gêné que, d'une part, il s'est déplacé à Bruxelles – de son plein gré – et que, d'autre part, son intervention a été rendue publique sur le site gouvernemental [5]. Mais que ne faut-il pas faire pour accréditer la thèse du grand complot et des petites cachotteries ?

Le comble est atteint quand il affirme qu'un membre de son équipe va être « sérieusement encadré » – en marge d'un événement dans lequel il est manifestement un intrus ; en fait, on lui a rappelé, maladroitement, les règles de la bienséance journalistique ou, sur le plan juridique, les règles du droit à l'image. Et quand on lui demande où il va – il est manifestement dans les locaux privés – il aligne deux propos contradictoires : il serait invité ; et il aurait l'autorisation du service de presse. Et alors qu'il est filmé par son caméraman, il répond : « Je n'ai pas de caméra, j'ai le droit de me balader pour voir les intervenants... » M. Moreira a manifestement tous les droits... surtout celui de prendre les téléspectateurs pour des blaireaux. Du reste, il ajoute, fanfaron : « ...Est-ce que je suis en train de filmer ? »

Idem quand il dit que : « Quand les débats commencent, les portes se ferment ». Ben oui ! C'est le cas pour toutes les réunions... Et, sans vergogne, jouant au Soviet au pays de Tintin, il enregistre (prétendument – c'est un mensonge grossier, vu la qualité du son) à travers la porte.

On peut aussi pointer du doigt la grossièreté de l'abordage d'un représentant de Pioneer dans, semble-t-il, une bouche de métro. Le téléspectateur est incité à croire que ce monsieur fuit, alors qu'il ne fait qu'ignorer un importun malpoli...

« Un c... fini »

On pourrait passer un temps certain à éplucher le docu-menteur pour relever tous les trucs minables employés par M. Moreira pour faire avaler ses thèses aux téléspectateurs. Le fond du propos est aussi nul que le comportement infantile de l'auteur.

M. Moreira a eu les honneurs d'une page sur Télérama [6]. Très instructive sur sa connaissance du dossier...

« Alors que le discours officiel consiste à dire que la culture extensive des OGM ne présente aucun risque sur les humains, ce qu'on voit sur le terrain est assez choquant. On y découvre par exemple des camions d'épandage qui pulvérisent des produits interdits comme l'atravine [sic, mais on admettra que c'est la faute du rédacteur]. » Voilà donc quelqu'un qui maîtrise manifestement et la langue française, et son sujet, avec une « culture extensive » et des « camions d'épandage ». Cela peut paraître de la chicanerie ; mais c'est une illustration simple de l'inculture abyssale de l'auteur.

On peut aussi développer : le maïs transgénique tolérant le glyphosate a précisément pour conséquence de substituer celui-ci, entre autres, à... l'atrazine. On n'utilise pas l'atrazine sur le soja (d'ailleurs, le soja est très sensible aux effets résiduels de l'atrazine appliquée sur maïs). Et l'atrazine... n'est pas interdite en Argentine [7].

Comment passer pour un fin limier auprès des lecteurs et des téléspectateurs : « C'est l'un [sic] des découvertes de cette enquête : la puissance des lobbys OGM et les gouvernements américains successifs qui mobilisent tout l'appareil d'Etat en faveur des industries transgéniques. Ils se sont mis au service de Monsanto et des autres. C'est devenu un enjeu économique stratégique, au même titre que le pétrole ou les armes. On en a eu la preuve avec la révélation par Wikileaks de câbles de la diplomatie américaine... » Une découverte ? Mme Marie-Monique Robin doit être ravie, elle qui nous bassine sur ce sujet depuis des années ! Enfin... chez M. Moreira, on franchit un degré dans l'outrance car c'est « tout l'appareil d'Etat... » La puissance ? Une seule plante transgénique cultivée en Europe, et encore, presque exclusivement en Espagne et au Portugal... Wikileaks ? On en a été abreuvé depuis fin novembre 2010. Et M. Moreira – comme beaucoup de complotistes et de manipulateurs médiatiques – feint d'ignorer que les ambassades ont aussi vocation à promouvoir le commerce extérieur de leurs pays respectifs.

« ...Depuis, Obama s'est engagé à mieux étiqueter les produits alimentaires et indiquer la part d'OGM... » Merveilleux sens du coq-à-l'âne ! Procédé classique de désinformation : passer le plus vite possible d'un sujet à l'autre, accumuler les arguments, sans explications, saouler le lecteur.

« C'est une mesure normale qui ne devrait pas poser problème. » Si, justement...

« Seul l'Etat du Vermont a réussi à l'imposer [l'étiquetage], mais il est en but [sic] à un méga-procès des industriels qui invoquent le droit au silence et se positionnent sur le terrain des libertés publiques ! C'est du Kafka, ou de la poésie ! » Un méga-procès ? M. Moreira feint de croire qu'il existe une justice à plus d'une dimension, qui permet de but en blanc de faire un mini- ou un méga-procès. Les industriels ? Ou M. Moreira ne sait pas et fait de l'esbroufe ; ou il sait et fait de l'enfumage. Les plaignants sont quatre associations professionnelles menées par la Grocery Manufacturers Association, l'association des producteurs de produits d'épicerie [8]. Mais il est vrai que ce sont des industriels... Le droit au silence... ? Les quatre associations contestent la constitutionnalité de la mesure. Le droit de garder le silence – en ne mettant pas sur l'étiquette une opinion avec laquelle elles sont en désaccord – n'est qu'un élément de la plainte [9]. M. Moreira a dû collecter quelques bribes d'information et – en bon désinformateur plutôt que journaliste – tente de discréditer le tout par un argument sur une partie.

« Un c... fini » (2)

Cet article dans Télérama nous a un peu éloigné de l'œuvre télévisuelle. Il faut y revenir, en commençant par le titre : « Bientôt dans votre assiette » ? Quoi, au juste ? Le glyphosate et d'autres herbicides ? Le soja transgénique ? Les deux ? Inutile de chercher à préciser : la mouvance anti-OGM et anti-pesticides prétend que c'est déjà le cas (on rappellera cependant que le maïs et le soja sont essentiellement destinés à l'alimentation animale et que l'huile de canola transgénique ne se distingue pas de son homologue conventionnelle, tout comme les dérivés alimentaires des autres espèces, telle la lécithine de soja). Et dire que M. Moreira a voulu servir la soupe à cette mouvance...

Il y a quelque chose de pourri au Royaume du Danemark

Notre « reporter » va « enquêter » au Danemark... chez une vieille connaissance du mouvement anti-OGM... le soja transgénique y est plus agressif qu'en France... Nous pouvons nous associer aux remarques de M. Suwalki [10]. Mais reprenons sous un autre angle.

Les plantes transgéniques – essentiellement colza (canola), cotonnier, maïs et soja, portant des événements Bt (résistance à des insectes piqueurs/suceurs et foreurs) et/ou HT (tolérance à un herbicide) ont été cultivées par 18 millions d'agriculteurs sur 175 millions d'hectares (plus de trois fois la superficie de la France) dans le monde en 2013 [11]. Le soja transgénique a représenté 79 % de la production mondiale ; les principaux pays exportateurs le cultivent sur plus de 90 % de la surface. Les animaux dont la ration est équilibrée en protéines par du soja ont donc neuf chances sur dix de consommer du soja transgénique. Cela comprend des animaux de laboratoire, suivis avec une grande attention, et des animaux à grande longévité comme les reproducteurs.

Et M. Ib Borup Pedersen et son porcher seraient quasiment les seuls à avoir observé des problèmes massifs de santé avec les rations comportant du soja transgénique ? Dont des diarrhées qui disparaîtraient en deux jours d'alimentation « conventionnelle » [12] ? Des problèmes que même Carman et al. (dont le producteur de porcs Howard Vlieger) n'ont pas identifiés dans leur étude sur 168 porcs au départ de l'essai et 145 à l'arrivée [13] ? Des problèmes que quasiment personne n'a cru bon d'examiner plus en détail, même dans un Danemark et une Europe peu favorables, sinon hostiles, aux OGM ?

M. Pedersen est devenu une vedette largement médiatisée par le monde de l'anti-OGMisme après la publication d'un petit article dans Effektivt Landbrug en avril 2012 [14]. Son histoire tourne en boucle depuis plus de deux ans, quasiment sans mise à jour, ce qui devrait rendre tout observateur averti suspicieux. Mais dilettantisme ou militantisme, ou encore cynisme, oblige, M. Moreira ne s'est pas posé la question. Et c'est sans vergogne qu'il a infligé un hoax aux téléspectateurs.

Il commente, sans se rendre compte que c'est fort juste si on le prend au premier degré : « À lui tout seul, Pedersen a semé un sérieux doute au Royaume du Danemark. » Un doute sérieux resté quasiment sans suite...

La cas des époux Thomsen qui, selon M. Moreira, auraient dû abattre 650 bêtes en septembre 2013, est fort différent : par extraordinaire, cet événement n'a apparemment laissé aucune trace. Et les époux Thomsen continuent de donner du soja GM à leurs vaches... À se demander si l'événement a réellement eu lieu et, au minimum, s'il y a un lien avec le soja GM.

C'est en fait M. Moreira qui amène les époux Thomsen sur ce terrain. Et, manifestement, ils ne répondent pas spontanément. M. Thomsen disant que personne ne leur a dit ce qu'ils devaient faire, c'est franchement pathétique... Mme Thomsen disant, du bout des lèvres, qu'elle a entendu parler d'autres cas au Danemark, ce n'est pas convaincant...

M. Moreira n'en a eu cure : l'image de Mme Thomsen se cachant les yeux et se bouchant les oreilles pour accuser le gouvernement danois d'inaction était trop belle... Il corrige, certes, dans la foulée [15]. Mais que vaut le poids des mots face au choc de l'image ?

Où sont dès lors l'honnêteté intellectuelle, la déontologie, le respect de la personne interviewée ? Notre diagnostic : les époux Thomsen ont été honteusement instrumentalisés.

Argentine : l'insupportable instrumentalisation des handicaps congénitaux

Cap sur l'Argentine. Le reportage commencerait plutôt bien s'il n'y avait cet affligeant persiflage. Le soja – surtout transgénique – a été un formidable moteur pour le redressement économique du pays. Le bruit de tiroir-caisse qui ponctue le chiffre des recettes avancé par M. Alejandro Mentaberry (65 milliards de dollars EU entre 1996 et 2011), puis l'image du feu d'artifice, relèvent de l'indigence intellectuelle et surtout morale quand on sait la détresse dans laquelle les Argentins avaient été plongés par la crise. Du reste, M. Mentaberry n'est pas « Monsieur OGM » au Ministère des sciences, mais le chef de cabinet...

La conversion de larges zones vers les cultures d'exportation, le passage aux techniques simplifiées que permettent le glyphosate et l'intensification technique ont certes eu un effet négatif sur l'emploi agricole. Encore faut-il rester objectif : dans la province de Chaco – dans lequel se déroule l'essentiel du reportage –, le soja a conquis... 7 % de la superficie, l'emploi du glyphosate y étant plutôt modeste [16].

Et est-ce raisonnable de décrire cette évolution par un campement de fortune devant la Casa rosada ? Un campement organisé par un mouvement de piqueteros, très marqué politiquement ? L'Argentine est un pays qui a une des plus basses proportions de population rurale au monde ; certainement la plus basse comparée au poids de son agriculture. Ce n'est pas, là, minimiser les drames humains, mais les remettre dans une partie du contexte. Mais M. Moreira veut choquer, matraquer le téléspectateur...

Et c'est bien le but de ces images poignantes, insistantes, indécentes, d'enfants handicapés, de parents déboussolés.

Alors que les parents de la petite Nadia Perez disent ne pas connaître la cause du handicap, M. Moreira la suggère aux téléspectateurs en embrayant sur la peur des habitants d'un tracteur « qui répand soit de l'eau – encore une preuve de l'incroyable absence de maîtrise du sujet, pour ne pas dire inculture –, soit du RoundUp, le glyphosate de Monsanto » (du RounUp, rien que du RoundUp ; et de Monsanto, évidemment, alors que le glyphosate est devenu une molécule générique) ; en interrogeant une personne âgée faisant du gardiennage pour une exploitation agricole – réputée ne pas être commode alors qu'elle se révèle très urbaine – comme si elle était experte ; en revenant sur la famille de la petite fille Nadia, et un père qui se sent coupable d'avoir laissé sa famille être « contaminée par les agrotoxiques » (en fait, le père dit : « plaguicidas », pesticides), ainsi qu'une mère qui dit en avoir respiré quand elle était enceinte.

M. Moreira enfonce le clou en suggérant que le gouvernement argentin « a dû discrètement subventionner des centres d'aide aux enfants handicapés ». Discrètement ? Quelle blague ! Il y en aurait donc quatre dans la ville de Sáenz Peña (en fait Presidencia Roque Sáenz Peña). Mais M. Moreira oublie de dire que la ville compte plus de 76.000 habitants (plus de 88.000 pour le département).

Vient l'estocade : l'infirmière en chef de l'une de ces institutions, Mme Marisa Gutman, précise que « la majorité de nos patients viennent des zones rurales fortement exposées aux agrotoxiques ».

La preuve est donc faite pour M. Moreira : une visite dans une famille, une visite dans une institution pour enfants lourdement handicapés, une déclaration (invérifiable) sur l'origine géographique des enfants avec une caractérisation de la zone rurale, donc une relation géographique devenant par magie un lien de causalité suggéré... l'affaire est pliée...

M. Moreira donne certes aussi la parole au directeur d'une institution qui dit qu'il y a plus d'enfants handicapés mais suggère que c'est peut-être parce qu'ils sont moins dissimulés (on peut aussi ajouter, sur la base des déclarations de Mme Gutman, qu'il y a plus d'institutions pour les accueillir). C'est la technique habituelle des désinformateurs pour se dédouaner : il y a le message principal et, au détour de la « démonstration », le message contraire... Non mais regardez... mais ils sont objectifs...

Argentine : où sont les preuves et les statistiques ?

M. Moreira affirme donc qu'« il y a trois fois plus d'enfants déformés dans le Chaco ». Nous n'avons pas pu vérifier. Quel sont du reste le sens de « déformés » et le deuxième terme de la comparaison ?

M. Suwalki a commenté quelques données statistiques sur ce site [10] sur la base de documents republiées par un site militant [17]. On peut légitimement s'étonner de l'effarante absence de rigueur – pour tout dire, de l'amateurisme éhonté – des « rapports » soumis au gouvernement du Chaco. C'est à croire que le militantisme anti-OGM et anti-pesticides – qui, toutefois, se limite en Argentine à une demande d'éloignement des traitements phytosanitaires des lieux habités – prospère sur le sophisme post (cum) hoc, ergo propter hoc, les anecdotes, et des « statistiques » séraliniennes.

M. Moreira interroge la pédiatre Maria del Carmen Seveso, dont il précise qu'elle est devenue une militante. Elle ose le mot « génocide ». M. Moreira la relance en badinant, visiblement indifférent à l'outrance du propos : « C'est un mot un peu fort, génocide, non ? » Mais la conversation – et l'outrance – est dans la boîte... c'est l'essentiel : il faut choquer...

On notera cependant que Mme Seveso n'a aucunement évoqué une cause pour cet état de fait. Un article de 2012 rapporte que, selon les spécialistes, il est pratiquement impossible de démontrer que l'exposition à une substance chimique peut avoir causé un cancer ou une malformation congénitale ; et que, selon elle, les résultats dans le Chaco montrent la nécessité d'une investigation rigoureuse par le gouvernement [18]. Question : Mme Seveso a-t-elle été instrumentalisée ?

Ce qui n'empêche pas M. Moreira d'aller interroger M. Mentaberry – en excipant de déclarations de médecins – sur la relation de cause à effet entre pesticides et problèmes de santé. Il obtient ce qu'il recherche : une ou deux phrases qui lui permettent de faire avancer sa thèse. En prime, il nous délivre un commentaire dont on doit se demander si c'est de la mauvaise foi caractérisée ou de la bêtise abyssale : « Des combinaisons de produits chimiques !? C'est la première fois que j'entends dire ça ! [...] Jusqu'à maintenant je croyais que le RoundUp de Monsanto [...] était le seul répandu dans les champs »...

Quel contraste avec un article de la BBC du 14 mai 2014 – qu'il aurait donc pu consulter. La journaliste, Mme Linda Pressly, a, elle, interrogé une personne vraiment compétente, et directement impliquée, le Dr Antonio Morante [19], Ministre de la Santé de Chaco (et né à Avia Terai, un des lieux de tournage). Mais voilà ! Celui-ci a dit : « Mais nous avons aussi beaucoup de cas dans des régions où ils n'utilisent pas de pesticides. Nous devons donc traiter cela avec rigueur scientifique – c'est ce que nous faisons cette année. » Et c'est ce que M. Moreira omet de signaler... théorie du complot et de l'omerta oblige.

Pour les pesticides, il ne sait pas ; pour la désinformation, il sait...

« Des combinaisons de produits chimiques !? » Le petit reporter se remet en route dans un scénario à la Tintin. Il repère par un heureux hasard un pulvérisateur laissé en bord de champ ; par un heureux hasard sans personne autour ; par un heureux hasard chargé de bidons divers et variés, aux étiquettes curieusement défraîchies ; et par un heureux hasard de bidons de glyphosate, d'atrazine et de 2,4-D. Et celui qui venait tout juste de découvrir les « combinaisons » pontifie : « Le mélange de tout ça, c'est super-dangereux » ! Mais il est vrait que ce serait un mélange étonnant et détonant... les agriculteurs doivent se tordre de rire... Mais l'essentiel n'est-il pas d'impressionner le téléspectateur ?

C'est forcément suivi de l'inévitable couplet sur l'agent orange – baptisé « herbicide militaire » – et la guerre du Vietnam, avec évidemment l'image d'un pauvre enfant vietnamien. L'agent orange était un mélange de 2,4-D et de 2,4,5-T, et la dioxine est un contaminant du 2,4,5-T quand celui-ci est produit à haute température. Le 2,4-D ne contient pas de dioxine et reste un des herbicides les plus utilisés dans le monde. M. Moreira évacue le problème : « Aujourd'hui, les autorités sanitaires américaines affirment que le 2,4-D était le composant le moins dangereux de l'agent orange ». Quand le fait dérange, on le transforme en propos vague attribué à une autorité à la crédibilité susceptible d'être mise en doute...

Moyennant quoi, M. Moreira retourne au Danemark – enfin grâce aux prodiges du montage –, chez M. Pedersen, qui a eu des porcelets déformés. Superbe amalgame ! M. Pedersen a eu des porcelets déformés ; M. Pedersen a vu des images d'enfants déformés en Argentine ; M. Moreira a asséné les enfants déformés du Vietnam... C'est donc que...

Sauf que le 2,4-D n'est pas utilisé sur le soja (et pour cause... il le détruit) et qu'il est peu persistant...

« Ces types sont honnêtes »... Eux, oui !

Il fallait enfoncer le clou : Monsanto cacherait la réalité dans ses publicités à la gloire du RoundUp car le glyphosate aurait perdu son efficacité, et il faudrait donc utiliser des cocktails de plus en plus puissants. La vraie réalité est plus subtile [20], mais qu'importe... M. Moreira s'adresse à des béotiens...

Lorsqu'on dit, par exemple, que le sorgho d'Alep (Sorghum halepense) est devenu résistant au glyphosate en Argentine, il faut comprendre que cette résistance n'est pas ubiquiste mais limitée à certaines régions et certaines parcelles, en l'occurrence dans la province de Salta. Et, contrairement à ce que M. Moreira laisse entendre, les résistances ne sont pas confinées aux « champs transgéniques » (d'ailleurs, il y a eu une résistance au glyphosate en France, de l'ivraie raide (Lolium rigidum), apparue en 2005 dans des vignes et vergers).

M. Moreira se rend donc à l'INTA, l'Institut national des technologies agricoles, de Cordoba. La mise en condition commence : « Ces fonctionnaires du gouvernement argentin sont les relais des multinationales transgéniques auprès des paysans argentins » et sont « de fervents supporters des OGM ». Puis il interroge deux agronomes – aux fonctions inconnues – en prenant toutefois soin de préciser en incrustation qu'ils sont pro-OGM.. Mais, au montage, cela est précédé de son affirmation que, le glyphosate ne venant plus à bout des mauvaises herbes, « il faut rajouter trois, quatre ou cinq produits chimiques », ajoutant que « les prochaines graines sont prévues pour résister à des combinaisons encore plus toxiques »... il ne fait pas dans la dentelle... mais dans le délire... Délire du reste absurde : pourquoi rajouter des produits à une substance qui n'est plus efficace ?

Le téléspectateur est donc mis en condition... classique. Puis M. Moreira pousse M. Hector Rainero dans ses retranchements sur les risques des « cocktails », et pousse un cri de joie : « Ces types (sic) sont honnêtes... en quelques phrases ils viennent de m'avouer qu'ils sont dans le flou !» Généralisation plus qu'abusive ! M. Rainero n'est du reste pas toxicologue mais malherbologue...

Argentine : des statistiques douteuses ?

Terminons cette séquence en revenant sur la question des « ... trois fois plus d'enfants déformés dans le Chaco ». On trouve assez fréquemment des références à un quadruplement des cas (de certains cas), plus précisément de 19,1 pour 10.000 naissances en 1997-1998 à 85,3 pour 10.000 en 2008-2009 [16] [17] ; M. Suwalki en a fait une critique. La lecture de la source [17] soulève un doute : ces chiffres représentent-ils les cas de la province de Chaco, ou les cas admis aux soins intensifs de l'Unité néonatale de l'Hôpital Perrandoin de Resistencia, rapportés au nombre total provincial des naissances ?

Nous penchons pour la deuxième hypothèse – et, partant, pour un maniement irréfléchi de statistiques. Il y a lieu de souligner ici que les documents en cause avaient pour objectif de faire appliquer les mesures existantes et de faire prendre des mesures plus sévères pour l'utilisation de pesticides près des habitations.

Cette opinion se fonde entre autres sur l'incidence apparente très basse des malformations congénitales. Celle-ci semble être de l'ordre de 255 pour 10.000 en Argentine, proche de l'incidence européenne selon une étude de 2010 [21]. Celle-ci présente des statistiques pour 27 anomalies, ventilées par régions. La région du Nord-Est, à laquelle appartient le Chaco, ne semble pas se distinguer significativement des autres. Selon un autre document, l'incidence des anomalies majeures serait de 176 pour 10.000 naissances [22].

L'opinion se fonde aussi sur un article selon lequel les chiffres (19,1 et 85,3 pour 10.000 naissances) n'incluent pas ceux des institutions de santé privées [23]. Le quadruplement apparent – pendant une décennie marquée par la crise – peut donc aussi s'expliquer par un phénomène de transfert du privé vers le public. Pour résumer : les chiffres sont très suspects.

Argentine : de l'emploi « judicieux » des « bonnes » statistiques

Faisons un détour par la province de Cordoba, autre haut lieu de la contestation de l'agriculture moderne. La France agricole (numéro du 12 septembre 2014) a été piégée lorsqu'elle a publié une brève : « Mortalité alarmante liée aux cancers ». En bref, les décès causés par les cancers seraient deux fois plus élevés que la moyenne argentine dans les zones « agro-industrielles », en fait (cela n'avait pas été précisé) de la province de Cordoba. Une « information » que l'auteur de la brève a dû pêcher sur GMWatch [24] ou sur Natural News (un site qui vaut la visite pour ses extraordinaires publicités pour les charlataneries) [25], ou encore directement à la source [26].

Sans surprise, ces articles citent les activistes les plus médiatisés, notamment M. Damián Verzeñassi, cet universitaire qui déploie des moyens considérables (« ce n'est plus une enquête épidémiologique, mais un peplum » selon un Moreira décidément bien inspiré...) pour mener des enquêtes dont il s'abstient de publier les résultats. Lequel Verzeñassi ose critiquer les gouvernements et les industriels argentins qui « n'arrêtent pas de demander des études sur ce qui a déjà été prouvé »...

Où est le loup ?

Dans l'utilisation des mortalités plutôt que des incidences. Il se trouve que celles-ci ne se recoupent pas avec celles-là [27]. La mortalité serait la plus importante dans la Pampa gringa où on utiliserait le plus de PGM et de pesticides (on peut se poser des questions à ce sujet au vu d'un autre document [16]). Mais la mortalité dépend de plusieurs facteurs dont le type de cancer et les possibilités d'accès à la détection et aux soins.

En fait, l'incidence des cancers dans la province de Cordoba est similaire à celle du reste du monde [28]. Et c'est la capitale de la province qui détient le record des incidences...

...Sans nul doute l'effet des PGM, pesticides, et notamment du glyphosate (ironie)...

Wikileaks, Séralini, TAFTA...

Non ! Pitié ! Ça suffit ! Basta !

Wackes Seppi

________________

[1] http://www.reportagestv.com/2014/09/03/special-investigation-bientot-dans-votre-assiette-de-gre-ou-de-force/

[2] Programme :

http://www.europabio.org/sites/default/files/growing_voices_event_programme_22_january_2014.pdf

Communiqué de presse (et accès aux exposés et photos) :

http://www.europabio.org/press/growing-voices-encourage-consumer-rethink-gm-crops-high-profile-guests-highlight-current-and

[3] http://corporateeurope.org/agribusiness/2014/02/biotech-lobby-shuns-consumers-gmo-consumer-benefit-event

[4] Le point de vue de M. Moore est exposé en détail ici :

http://www.epw.senate.gov/public/index.cfm?FuseAction=Files.View&FileStore_id=415b9cde-e664-4628-8fb5-ae3951197d03

M. Moreira en a extrait, en omettant le côté ironique, pastiche du GIEC : « Il est "extrêmement probable" qu'une température plus élevée qu'aujourd'hui serait bien meilleure qu'une plus fraiche. »

[5] https://www.gov.uk/government/speeches/owen-paterson-speech-at-europabio

[6] http://television.telerama.fr/television/alerte-aux-ogm-sur-canal,116246.php

[7] http://www.minagri.gob.ar/site/agricultura/index.php?edit_accion=noticia&id_info=140408130233

[8] http://www.burlingtonfreepress.com/story/news/politics/2014/06/12/gma-sues-vt-gmo-law/10389209/

[9] http://www.burlingtonfreepress.com/story/news/2014/06/12/lawsuit-against-vermont-gmo-law/10392197/

[10] http://imposteurs.over-blog.com/2014/09/diarrhees-porcines-et-desastre-sanitaire-argentin-a-propos-de-deux-allegations-anti-ogm.html

[11] http://www.isaaa.org/resources/publications/briefs/46/topfacts/default.asp

[12] http://www.isias.lautre.net/spip.php?article249

[13] http://imposteurs.over-blog.com/article-judy-a-carman-le-seralinisme-fait-une-emule-en-australie-119976261.html

[14] http://effektivtlandbrug.landbrugnet.dk/Artikler/10152/svineproducent-hoester-gevinst-af-gmo-fri-soja-#.VBdgH5R_uSo

[15] Le Centre danois pour l'alimentation et l'agriculture, Université d'Arrhus, a produit un mémorandum le 4 février 2014. Conclusion générale : il faut des études :

http://anis.au.dk/fileadmin/DJF/Notat_gmofoder__uk_version_Memorandum_on_The_feeding_of_genetically_modified_glyphosate_resistant_soy_products_to_livestock.pdf

[16] http://www.cedib.org/wp-content/uploads/2012/03/ARGENTINA-Millones-de-personas-fumigadas-y-expuestas-a-c%C3%A1nceres-y.pdf

[17] http://www.gmwatch.eu/files/Chaco_Government_Report_English.pdf

[18] http://www.radiodelmar.cl/rdm_2012/index.php/noticias2/2788-transgenicos-y-agroquimicos-cancer-y-enfermedades-congenitas-aumentan-en-argentina.html

[19] http://www.bbc.com/news/magazine-27373134

[20] http://weedscience.com/Summary/Country.aspx?CountryID=48

[21] http://www.scielo.org.ar/scielo.php?script=sci_arttext&pid=S0325-00752010000500006#ref

[22] http://www.sap.org.ar/docs/publicaciones/archivosarg/2013/v111n6a05.pdf

[23] http://www.encuentrodecolectividades.com/index.php?option=com_content&view=article&id=18560:chaco-datos-oficiales-se-multiplico-el-cancer-en-ninos-y-las-malformaciones-congenitas&catid=1:medio-ambiente&Itemid=368

[24] http://gmwatch.org/index.php/news/archive/2014/15506-cancer-deaths-double-where-gm-crops-and-agro-chemicals-used

[25] http://www.naturalnews.com/045874_cancer_rates_Argentina_agrochemicals.html

[26] http://www.pagina12.com.ar/diario/sociedad/3-249175-2014-06-23.html

[27] http://www.taringa.net/posts/ecologia/17853215/El-mapa-del-cancer-en-Cordoba-Argentina.html

[28] http://prensa.cba.gov.ar/salud/se-presenta-el-informe-sobre-cancer-en-la-provincia/

Marie, Jérôme et Gilles-Eric sur le podium du Vélot d’or

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Incroyable talent , s’exclamerait Gilbert Rozon en découvrant les trois nouveaux lauréats du Vélot d’or.

Notons que le jury réuni pour l’occasion par Imposteurs n’a pas réussi à les départager. A nos lecteurs d’établir leur propre classement.

 

Marie, pas très claire sur les OGM

 

Conseils minceur, Mode pyjama, Amour & sexo, thème astral…On cause de tout dans le magazine culturel Marie-Claire. Même des OGM et des néonicotinoïdes (1). Entre un billet sur Zahia et unj autre sur lesz retrouvailles d’Alexandra Lamy et Jean Dujardin, une certaine Emmanuelle Ringot se penche pour nous sur les questions agricoles.

« Macabre découverte pour David Schuit : cet apiculteur canadien a perdu près de 600 de ses ruches après la plantation d’un champ de maïs OGM à proximité de son exploitation. Une menace majeure quand on sait qu’un tiers de tout ce que nous mangeons dépend de l'action des abeilles. »

 

Pour bien illustrer cette menace majeure, l’agronome a choisi une photo de ruches… dans un champ de colza. C’est avec plaisir que nous lui adressons la photo suivante(n°1), pour son prochain reportage consacré aux betteraviers de Picardie.

Allons, ne pinaillons pas. Mais au fait, quel rapport avec le fait que le champ soit planté de maïs génétiquement modifié ? Aucun bien sûr. Les plantes génétiquement modifiées de type Bt ne sont nullement toxiques pour les abeilles, et l’emploi de néonicotinoïdes, incriminés à la légère dans l’article (2), n’a strictement rien à voir, ni de près ni de loin, avec le fait que le maïs soit génétiquement modifié . D’ailleurs, s’agit il seulement de maïs G.M ?

Certes, au Canada, il y a de fortes chances pour que ça en soit. Mais la brillante journaliste s’est contenté de recopier un hoax sur Internet, parti d’un fait qui remonte à au moins deux ans. Un article du Toronto Sun daté du 8 juin 2012 mentionne cette affaire (3) , relaie les accusations de l’apiculteur à propos des néonicotinoïdes, sans faire mention aux OGM. Le Post canadien se réveille un an plus tard(4) :pour raconter à peu près la même histoire.

 

Et voici que depuis quelques jours, la toile anglophone puis francophone recycle le fait d’hiver , en y rajoutant « OGM ». Bravo donc à Marie-Claire et Emmanuelle Ringot, pour leur réactivité dans ce concours de pêche aux hoax.

Et surtout, bravo aux quelques commentateurs de cet article, qui ne se sont pas laissés avoir !

 

Jérôme Douzelet, deuxième nominé :

 

Jérôme Douzelet est le chef cuisinier du Mas de Rivet , où le CRIIGEN organise ses séminaires. Lui et Gilles-Eric Séralini sont actuellement en tournée de promotion de leur livre « Plaisirs cuisinés ou poisons cachés » . Sous un titre complètement inepte, « Prise de conscience dans nos assiettes », la Dépêche du Midi publie le compte-rendu d’une de leur conférence à Sébazac Concourès, dans l’Aveyron (5). En lisant le contenu de leur intervention nos lecteurs se rendront aisément compte qu’il est inutile de gaspiller 19,80 €  pour se procurer le livre.

« Ils |les industriels] pervertissent nos sens par les cultures OGM, grand danger alimentaire qui annihile les valeurs gustatives, attente à la biodiversité, dépossède les agriculteurs de leurs racines et de leur savoir-faire, détruit la santé des animaux et des gens », assène Jérôme Douzelet, visiblement en grande forme.

On croyait avoir tout entendu sur les OGM. Vélot d’or à Jérôme Douzelet qui nous apprend que les OGM annihilent les « valeurs gustatives ». On serait tenté de mettre le fin gastronome au défi de reconnaître un aliment issu d’OGM dans une dégustation à l’aveugle. Pour détecter d’éventuels OGM dans votre assiette, pas besoin de technique pointue d’analyse biochimique, ou autre PCR. Procurez-vous un Douzelet (photo n°2).

Gilles-Eric Séralini, encore et toujours lui.

 

Dans la lutte pour décrocher le Vélot d’or, GES ne se laisse pas distancer par le vaillant Douzelet. Chacune de ces conférences est l’occasion de débiter des affirmations et des chiffres qui font froid dans le dos, comme le remarque l’auteur de l’article.

« Il a été retrouvé sur les gènes du liquide amniotique (sic !) plus de 400 polluants ! ». Nous reviendrons dans un autre article sur cette affirmation.

Mais GES n’est jamais aussi bon que lorsqu’il donne libre cours à son imagination :

 « Les agriculteurs intensifs refusent de manger les denrées qu'ils produisent, conscients de leur nocivité ». Une nouvelle légende urbaine est née !

N’embêtons pas les lecteurs en commentant chacun de ses propos. Contentons-nous de cette dernière phrase, d’une bêtise abyssale, qui lui permet de décrocher le pompon :

« Pour écouler les stocks de produits chimiques utilisés durant la dernière guerre, ils ont été vendus comme insecticides aux agriculteurs. »

Mais c’est bien sûr ! Pour écouler l’acier qui servait à fabriquer les obus, ces affreux industriels ont fabriqué des poussettes. Ainsi, de l’explosion des bombes à l’explosion démographique (qu’il dénonce régulièrement), un seul et même coupable !

 

« Plus de 500 personnes assistaient à cette conférence. Cinq cents voix qui vont porter le message. » comment la Dépêche. Misère !

Anton Suwalki

  1. http://www.marieclaire.fr/,37-millions-de-cadavres-d-abeilles-decouverts-au-canada,725713.asp
  2. l’hécatombe brutale décrite suggère plutôt une maladie
  3. http://www.torontosun.com/2012/06/08/beekeepers-blame-pesticides-for-bee-deaths
  4. http://www.thepost.on.ca/2013/06/19/bees-dying-by-the-millions
  5. http://www.ladepeche.fr/article/2014/10/23/1977686-prise-de-conscience-dans-nos-assiettes.html
Marie, Jérôme et Gilles-Eric sur le podium du Vélot d’or
Marie, Jérôme et Gilles-Eric sur le podium du Vélot d’or

Remèdes de la médecine traditionnelle chinoise (MTC) : attention, certains sont fortement toxiques !

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Remèdes de la médecine traditionnelle chinoise (MTC) : attention, certains sont fortement toxiques !

Qu’un journal généraliste dépasse les clichés sur les médecines « traditionnelles » ou « alternatives » pour alerter sur leurs dangers : voilà un événement suffisamment rare pour être souligné, et salué. Courrier International, dans sa livraison du 30 octobre 2014, édite en français un article paru dans un journal de Hong_Kong, Fenghuang Zhoukan (1).

Le constat est fait par les médecins chinois eux-mêmes : « Un nombre croissant de recherches montre pourtant que la consommation à forte dose et sur une longue durée de certains remèdes traditionnels, qu’il s’agisse de plantes ou de produits conditionnés, peut entraîner des lésions mortelles. Le professeur Xu Jianming, de l’université de médecine de l’Anhui, a réalisé en 2005 une enquête rétrospective sur les lésions hépatiques d’origine médicamenteuse dans 16 grands centres hospitaliers de différentes régions de Chine.

Conclusion : des substances pathogènes de la pharmacopée chinoise étaient en cause dans 20,6 % des 1 200 cas recensés. Par ailleurs, selon un article scientifique publié en 2013 par l’hôpital Xinqiao de Chongqing, sur les 24 111 lésions hépatiques médicamenteuses recensées entre 1994 et 2011, 18,6 % s’expliquaient par l’absorption de remèdes d’herboristerie chinoise. ».

MTC : entre empirisme et pensée magique

A l’image des remèdes de grand-mère, la pharmacopée traditionnelle chinoise a été établie au fil du temps de manière empirique, et non sur la base d’études rigoureuses et contrôlées. Sans surprise, ses praticiens mettent en avant un savoir datant de plusieurs millénaires (2), ce qui est beaucoup plus confortable que la preuve scientifique. Ceci n’exclut certes pas que certains remèdes soient efficaces, comme dans le traitement de l’eczéma (3). Mais sans validation scientifique, le scepticisme vis-à-vis des bénéfices de la plupart de ces traitements reste de rigueur. D’autant plus que les praticiens refusent de reconnaitre les critères scientifiques de validation, au nom d’un argument éculé que partagent toutes les pseudo médecines : les standards de la médecine occidentale ne seraient pas pertinents pour évaluer la médecine traditionnelle chinoise(4) . Les dérèglements dans une maladie peuvent être classifiés dans plusieurs « modèles ». Des maladies multiples pourraient relever d’un même « modèle » et être traitées par la même formule d'herbes tandis qu'une même maladie pourrait relever de plusieurs « modèles » différents et être traité par des formules multiples. Inutile de chercher la définition précise de ces fameux « modèles » qui évoquent irrésistiblement l’approche « individualisée » des homéopathes…

Comme les autres branches de la MTC, les pouvoirs attribués aux remèdes relèvent largement de la pensée magique et d’analogies naïves :

« Selon la Médecine traditionnelle chinoise, le potentiel thérapeutique d'une plante dépend de l'ensemble de ses caractéristiques : · sa couleur;· sa nature : chaude, froide, neutre; · sa saveur : sure, amère, douce, épicée, salée; · sa configuration : forme, texture, teneur en humidité; · ses propriétés : disperser, consolider, purger et tonifier.

En ce qui a trait aux propriétés, prenons l'exemple d'un type d'arthrite qui est aggravée par l'humidité ou la pluie : dans la perspective chinoise, cela est attribuable à de l'Humidité et du Froid dans les méridiens. Or la plante Hai Tong Pi, qui pousse en bordure de mer, possède, selon la logique chinoise (et l'expérience d'années de pratique), la propriété de disperser l'Humidité et le Froid. Mentionnons aussi que la propriété de tonification est fondamentale dans cette approche et sert de base à toute entreprise thérapeutique. Ici, « tonifier » veut dire accroître la compétence, l'adaptabilité et la résistance de l'organisme aux facteurs adverses. »

Autant dire que le système de prescription est assez fantaisiste !

La composition de ces médicaments ,mal connue, révèle toutefois la présence de substances toxiques

Courrier International alerte sur les lésions hépatiques sévères que peuvent provoquer certains remèdes traditionnels chinois. Un problème dont ils n’ont certes pas le monopole. Ainsi, de nombreux médicaments prescrits par la médecine moderne peuvent être dangereux pour le foie. Mais ces médicaments contiennent un ou très peu de molécules actives dont les effets peuvent être bien documentés, le mode de production de ces médicaments est bien contrôlé, les médecins peuvent donc en tenir compte dans leur prescription et pour établir une posologie adaptée. Il n’en va pas de même pour les remèdes de la MTC, qui peuvent combiner plus d’une dizaine de plantes ou d’extraits d’animaux. Leur composition chimique complexe, et probablement peu homogène, n’est donc jamais entièrement connue.

Plusieurs études ont mis en évidence la présence dans ces remèdes de métaux lourds toxiques (arsenic, plomb, mercure) à des niveaux élevés (5). Selon un article récent parue dans la revue Plos Genetics, les échantillons étudiés révélaient la présence de toxines végétales dangerueses pour le foie , les reins, ou cancérigènes (6).

Un problème de santé publique ignoré

A en croire Courrier International, c’est le cas en Chine et il est probable que cela le soit aussi parmi les émigrants chinois. Et chez les occidentaux ? Une étude menée en 2000 en Australie , qui portait à la fois sur l’acupuncture et les remèdes de la MTC, rapporte un nombre modéré de cas d’intoxications, mais sévères (7). Mais les auteurs soulignent eux-mêmes les limites de leurs investigations, qui ne permettent pas d’évaluer de façon précise la fréquence et la sévérité des effets iatrogènes liées à la prise de remèdes de la MTC. A ma connaissance, de telles études n’ont pas été menées depuis en Europe… Le sujet est pourtant loin d’être anodin. Et on ne peut que s’étonner du fossé qui existe entre la réglementation tatillonne des produits pharmaceutiques en général et celle qui s’applique pour les remèdes de la MTC. Ainsi, la directive européenne 2004/24/CE qui permet leur autorisation de les pays de l’UE est délicieuse de candeur en affirmant que « l'ancienneté du médicament permet de réduire la nécessité de réaliser des essais cliniques puisque son efficacité est plausible du fait de l'ancienneté de l'usage et de l'expérience ». Pour le législateur comme pour le praticien des MTC, les traditions millénaires ont donc plus de valeur que les essais cliniques. On croit rêver .

Le succès des médecines « parallèles » et les croyances à propos des vertus du « naturel » devrait inquiéter le monde médical . Les revendications de la MTC, qui se présente comme une médecine avant tout préventive, favorisent enfin l’automédication, ce qui est susceptible d’aggraver le problème.

Anton Suwalki

(1) http://www.courrierinternational.com/une/2014/06/23/couverture-fenghuang-zhoukan

(2) http://www.mtc-labruyere.com/pharmacopee-paris.php

(3) http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/014067369292424E

(4) http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0165614705002373

(5) http://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/15287390701434885#.VHcdshCEje0

(6) http://www.plosgenetics.org/article/info%3Adoi%2F10.1371%2Fjournal.pgen.1002657

(7) http://triggered.clockss.org/ServeContent?url=http://archfami.ama-assn.org%2Fcgi%2Fcontent%2Ffull%2F9%2F10%2F1071

Cinq raisons gourmandes de reconsidérer votre position sur les OGM, par Steve Savage*

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Pour une société prospère confrontée à une épidémie d'obésité, nourrir le monde peut sembler être une cause non urgente. Une société dans laquelle très peu de personnes sont impliquées dans la production agricole peut penser que les technologies qui facilitent la vie des agriculteurs et réduisent les risques liés à leur activité ne sont pas indispensables. Le développement d'un riz susceptible de prévenir la cécité et la mort dans des pays pauvres se heurte à une opposition véhémente de la part de certains éléments de nos sociétés d'abondance [1]. Mais il y a des risques pour l'avenir de nos modes de vie qui pourraient inciter les consommateurs à revoir leur position sur les OGM.

Et si le bon café, les chocolats fins, les bons vins de Californie [et d'Europe], les bananes ou le jus d'orange pressé devenaient rares et chers ? Vous sentiriez-vous concernés ?

Le fait est que des menaces importantes planent sur la production des espèces à la base de ces produits. Je décrirai ces menaces ci-dessous. Mais le fait est aussi qu'à cause du mouvement anti-OGM, nous sommes beaucoup moins bien armés pour y répondre que nous aurions pu l'être.

Le fonctionnement de la protection des marques et autres signes distinctifs

Permettez-moi de vous expliquer le lien entre les campagnes anti-OGM et le futur incertain de ces espèces cultivées. Les plantes génétiquement modifiées ont été autorisées et commercialisées pour la première fois au milieu des années 1990 ; elles représentent aujourd'hui la technologie dont l'adoption a été la plus large et la plus rapide de toute l'histoire de l'agriculture. Au début de cette nouvelle ère, on s'est beaucoup intéressé à ses applications potentielles au caféier, au bananier, à la vigne, etc. Il y a eu des projets tels qu'un caféier modifié pour ne pas produire de caféine, un café dont le goût ne serait pas altéré par la décaféination. On s'est intéressé à des bananiers produisant des fruits se conservant plus longtemps au stade de maturité idéal. Il y avait des projets en cours ou au stade du tableau noir pour répondre aux grands problèmes de parasites et de maladies pour ces espèces.

Mais, dès la fin des années 1990, les campagnes anti-OGM avaient effrayé suffisamment de consommateurs avec des préoccupations de sécurité alimentaires infondées pour susciter un phénomène de « protectionnisme des marques ». Les produits tels que le vin, le café, les bananes, le chocolat ou le jus d'orange sont mis sur le marché par des entreprises de transformation et de distribution. Ces entreprises ont des marques qui jouissent d'une grande réputation auprès des consommateurs, et elles craignent par-dessus tout une controverse susceptible de compromettre cette réputation ou leurs ventes. Cette préoccupation a fait que les investissements dans la biotechnologie se sont asséchés pour ces espèces vers le tournant du siècle. La pomme de terre est un exemple typique d'espèce confrontée à ce problème de marques. La pomme de terre améliorée par génie génétique [2] a disparu pour protéger un nom commercial de grande valeur. Les gens de McDonald's savaient bien que les variétés de pomme de terre résistantes à des insectes et des virus mises sur le marché à la fin des années 1990 étaient vraiment très appréciées par les producteurs. Ils savaient aussi qu'il n'y avait aucun problème de sécurité sanitaire. Mais ils ne voulaient pas se retrouver avec des manifestations devant leurs établissements. Et ils ont mis fin aux pommes de terre GM par quelques coups de téléphone à leurs principaux fournisseurs [3].

Les investissements dans la biotechnologie des « cultures spécialisées » ne se sont pas taris pour des questions de sécurité sanitaire ou d'environnement. Les PGM sont le fruit de la première méthode d'amélioration des plantes à avoir été activement réglementée par l'USDA [Département de l'agriculture des États-Unis d'Amérique], l'EPA [Agence de protection de l'environnement] et la FDA [Food and Drug Administration]. Le cadre réglementaire a été mis en place dix ans avant la mise en culture commerciale du premier hectare de plante transgénique [4]. Régulièrement depuis lors, les autorités compétentes ont établi que les nouvelles combinaisons espèce cultivée/élément de transformation étaient sans danger aucun. Malgré cela, les investissements dans les solutions biotechnologiques pour ces espèces de luxe et d'autres se sont taris parce que les militants anti-OGM sont parvenus à convaincre suffisamment de consommateurs de craindre ces solutions ou de s'en méfier pour que les gestionnaires des marques s'inquiètent à leur tour. C'est sans plaisir aucun que je dois reconnaître leur victoire, qui est un fait.

Loin de moi l'idée que le génie génétique aurait produit une solution facile à ces menaces et à d'autres, émergentes ; nous ne pouvons que spéculer sur ce qui aurait été possible avec 15 années d'investissements soutenus. Les organisations d'agriculteurs et quelques entités publiques ont certes mis des moyens limités dans la biotechnologie pour ces espèces, mais les grands acteurs du commerce sont largement restés sur la touche malgré l'importance de leurs moyens et de leur intérêt pour un appui à ces recherches. Certains ont investi dans le séquençage des gènes, ce qui est bien, mais ils n'ont pas franchi la ligne de danger pour leurs marques en explorant les options « GM », même à titre de précaution. Aucune de ces entreprises influentes n'a voulu se profiler et décrire ces risques au public et lui expliquer pourquoi il faut se pencher à nouveau sur les bénéfices potentiels de la biotechnologie pour ces aliments et boissons très prisés. Les activistes anti-OGM connaissent parfaitement cette dynamique et l'exploitent par des actions préventives lorsque de nouvelles technologies pointent à l'horizon [5].

Pourquoi nos espèces favorites sont-elles ainsi menacées ?

Les parasites et maladies ne sont rien de nouveau ; ils ont souvent bouleversé l'agriculture par le passé [6]. Mais le risque est aggravé par deux facteurs inhérents à notre époque :

1. Avec la globalisation croissante des voyages et du commerce, les pathogènes, les adventices et les ravageurs peuvent se répandre à travers le monde à une vitesse précédemment inconnue. Il en résulte des problèmes graves susceptibles de menacer une espèce cultivée dans son ensemble.

2. Avec le changement climatique, les ennemis des cultures peuvent maintenant prospérer en de nouveaux lieux et à des époques de l'année différentes. Il en résulte des problèmes complexes de gestion de ces ennemis.

L'augmentation du potentiel de nuisance des ennemis des cultures existants est particulièrement problématique pour beaucoup d'espèces à la base de nos aliments et boissons de luxe. Ce que nous apprécions dans le cas de ces produits tient à des facteurs de qualité complexes. Ces espèces sont aussi pérennes. On ne peut pas simplement introduire une résistance dans une variété de ces espèces parce qu'il est difficile de maintenir sa qualité et que chaque génération prend des années pour produire les semences à la base de la génération suivante. Les solutions de l'amélioration des plantes classique prennent des décennies, au mieux, et les nouveaux défis à relever ne nous laissent pas autant de temps.

Les vignes de Californie [et d'Europe]

La protéobactérie Gamma Xylella fastidiosa est endémique aux États-Unis d'Amérique et mortelle pour les vignes de qualité apportées par les Européens (Vitis vinifera). Ce n'était pas un problème ingérable en Californie jusqu'à peu parce que l'insecte vecteur, une cicadelle, Graphocephala atropunctata, se cantonnait principalement dans les milieux au bord des rivières et ne transmettait le pathogène qu'occasionnellement à la vigne.

Mais un nouveau vecteur est apparu en Californie en 1989 [7] : la cicadelle pisseuse (Homalodisca vitripennis). Elle prospère sur les agrumes et visite fréquemment les vignes. Pour l'heure, ce vecteur est cantonné dans la Californie du Sud et est géré avec des insecticides et une quarantaine sur les plantes de pépinière susceptibles de le répandre. Mais les choses pourraient se gâter pour les amateurs de vins si la cicadelle pisseuse parvenait dans les districts de la Côte du Nord. Le risque existe aussi que le vecteur et Xylella soient transportés en Amérique du Sud, en Australie, etc. Xylella a récemment atteint l'Europe [8]. Il y a des vignes d'origine américaine qui résistent à ce fléau, mais elles ne produisent pas de vins de qualité. Le génie génétique offre peut-être une solution, mais dans l'idéal, il faudrait des approches multiples pour gérer la résistance dans le cas d'une plante pérenne [9]. Même si nous avions une solution aujourd'hui, cela prendrait des années pour replanter ou surgreffer nos vignes. Nous devrions vraiment avoir un débat public sur cette solution, maintenant, mais nous ne l'avons pas [10].

Les grands cafés des Amériques

La rouille du caféier a anéanti la production à Java et dans d'autres territoires qui fournissaient l'Angleterre au XIXe siècle. Les Anglais ont dû se tourner vers le thé. Plus tard, la production de café a échappé à la maladie en se déplaçant notamment vers des régions d'altitude d'Amérique Centrale et du Sud. Puis le pathogène de la rouille l'a rattrapée vers 1985 ; et ce n'est que récemment que le climat a changé au point que la maladie est devenue un problème majeur dans ces régions [11]. La voie de l'amélioration des plantes classique est ouverte : il faut croiser les types arabica avec des types robusta plus résistants, après doublement des chromosomes de ces derniers, une étape qui provoque toutes sortes de dommages génétiques ; puis procéder à des rétro-croisements pour restaurer les qualités d'arabica, mais cela prendrait énormément de temps, probablement bien trop pour préserver les moyens d'existence des familles de petits producteurs qui forment l'ossature de la production de café dans les Amériques[12]. Soyons réalistes : nous, dans les pays riches, nous pourrons probablement nous procurer notre dose matinale d'une autre région du monde ; mais parce que le génie génétique a été « mis hors-jeu » pour le caféier au milieu des années 1990, de nombreuses familles pauvres sont affectées et les prix du café grimpent.

Le jus d'orange de Floride

L'industrie du jus d'orange de Floride s'est largement reconvertie dans le jus frais de haut de gamme du fait de la concurrence du jus lyophilisé du Brésil. Aujourd'hui, toute l'industrie floridienne est en déclin, étant gravement atteinte par une nouvelle maladie bactérienne [le citrus greening] propagée par un nouveau vecteur, un insecte exotique. Le New York Times a publié une excellente description de la situation par May Harmon [13]. Les producteurs ont financé une recherche qui a peut-être trouvé une solution « GM », mais ce seront les distributeurs, attentifs à leurs marques, qui diront si les producteurs pourront l'utiliser dans leurs vergers. Des recherches bien mieux financées auraient été nécessaires et auraient été menées dans un monde rationnel. Lorsque j'étais petit – j'ai grandi là-bas – on trouvait partout une publicité pour le jus d'orange qui disait : « Un jour sans jus d'orange est un jour sans soleil ». Je ne sais pas si c'est vrai, mais nous le saurons peut-être en ce qui concerne le jus frais.

Les bananes

La célèbre chanson des années 1920 « Yes, We Have No Bananas » a pour origine la « maladie de Panama » (Fusarium oxysporum) qui a détruit la banane dessert de l'époque (la variété Gros Michel) [14]. On a découvert par hasard une nouvelle variété, la Cavendish, au Vietnam. Elle était résistante à la maladie et se prêtait au transport (la plupart des bananes ne s'y prêtent pas). De nos jours, une nouvelle souche de ce pathogène, Fusarium Tropical Race 4, détruit les Cavendish en Asie et, plus récemment, en Australie et au Mozambique [15]. Ce n'est probablement qu'une question de temps avant que quelqu'un ne transporte ce pathogène vivant dans le sol dans les Amériques. Il y a eu quelques travaux de recherche pour trouver une solution, mais ce n'est rien en comparaison de ce qui aurait été nécessaire pour protéger l'approvisionnement futur en ce fruit populaire ainsi que les emplois d'un très grand nombre de personnes impliquées dans la production et le transport. Il est peut-être temps qu'un journal fasse un grand titre : « Non, nous n'avons pas de bananes ».

Chocolat

Le cacaoyer, dont dérive le chocolat, est affligé de nombreux parasites et maladies ; il y en a deux en particulier qui se sont répandus en Amérique Centrale et du Sud avec des conséquences désastreuses sur la production [16]. Il s'agit du balai de sorcière [Moniliophthora (= Crinipellis) perniciosa] et d'une moniliose [Moniliophthora roreri] ; selon des chercheurs réputés, la moniliose représente à elle seule « une menace majeure pour le cacao dans le monde entier » [17]. Les grandes enseignes de confiserie ont financé le séquençage du génome, mais elles indiquent explicitement ou implicitement sur leurs sites qu'elles n'adopteront pas de solution issue du génie génétique (Nestlé [18], Mars [19], Hershey's [20]). Une fois de plus, la menace plane essentiellement sur les petits producteurs, principalement en Afrique si ces pathogènes y prenaient pied et s'y répandaient.

Pourquoi des PGM ?

Les approches modernes de génie génétique constituent des moyens très logiques de protéger ces espèces. La base génétique de la qualité des produits de ces espèces est très complexe ; nous avons donc de bonnes raisons de nous en tenir aux meilleures variétés que nous connaissons. Le génie génétique nous permet d'y introduire des gènes utiles sans bouleverser cette base génétique. Quelques fois, cela signifie transférer un gène d'une espèce sauvage apparentée ou d'un membre moins apprécié de la même espèce dans un environnement génétique de qualité. Et d'autres fois, transférer un gène d'une autre plante s'il n'est pas disponible dans l'espèce considérée. Cela peut aussi signifier recourir à plusieurs gènes différents déployés simultanément pour la gestion de la résistance. Ou encore modifier un porte-greffe qui protégerait la variété traditionnelle greffée sur lui [21].

Chez ces espèces, il sera possible de maintenir des filières séparées, « GM » et « non GM », pour les produits. L'identification des variétés et des filières (« identity preservation ») -- la « traçabilité » – est la norme pour ces espèces en raison de leur valeur et de leur qualité, qui justifient le coût de la tenue de registres, de l'utilisation de matériels différents, etc. Il y aura toujours des consommateurs qui ne feront pas confiance à la science ; une société riche leur permet de continuer à acheter du « non GM ». Mais ce qui n'a aucun sens dans une société riche, techniquement développée, c'est qu'une minorité bruyante a déjà compromis l'approvisionnement futur de tous. On ne peut pas rattraper plus d'une décennie de progrès potentiel en jetant simplement de l'argent devant le problème dans une situation de crise. Ce qui est encore plus insensé, c'est que les gens qui ont le plus à perdre dans ces scénarios de fléaux s'abattant sur des cultures sont dans beaucoup de cas les plus pauvres, ceux dont le travail nous permet d'apprécier ces produits de luxe.

____________________

* Traduction (avec quelques libertés et compléments) Wackes Seppi.

Texte original sur :

http://appliedmythology.blogspot.fr/2014/06/five-tasty-reasons-to-reconsider-gmo.html

L'introduction du site vaut le détour :

« Et si ce que vous croyez savoir sur l'agriculture, les pratiques agricoles et l'alimentation n'était pas vrai pour l'essentiel ? Et s'il y avait des "mythes" répandus sur ces sujets intentionnellement ou par inadvertance ? Et si la vérité sur ces questions était importante pour l'avenir de l'humanité ? C'est là l'objet de ce blog [...] »

[1] http://allowgoldenricenow.org/soil-association

Note : C'est un site qui milite pour l'introduction du riz doré.

[2] http://www.sourcewatch.org/index.php/NewLeaf_Potato

Note : Il s'agit de la NewLeaf Potato, des pommes de terre 'Russet Burbank' Bt, résistantes au doryphore, et résistantes, pour les versions améliorées, au virus Y et au virus de l'enroulement des feuilles.

[3] http://cls.casa.colostate.edu/transgeniccrops/defunct.html#newleaf

Note : En Europe, BASF a retiré en février 2013 sa demande d'autorisation de mise en culture et sur le marché de la pomme de terre 'Fortuna', résistante au mildiou. Sa variété 'Amflora', qui ne produit qu'une des deux formes d'amidon, l'amylopectine, a obtenu cette autorisation – après... 13 ans de procédure. L'autorisation a été annulé en décembre 2013 par la Cour de justice de l'Union européenne pour vice de procédure. Exit donc une variété qui aurait permis aux industriels d'économiser la coûteuse et polluante séparation de l'autre forme d'amidon, l'amylose, qui représente environ 20 % de l'amidon total. BASF a transféré sa recherche aux États-Unis d'Amérique.

[4] http://en.wikipedia.org/wiki/Coordinated_Framework_for_Regulation_of_Biotechnology

Note : En France, la Commission du génie biomoléculaire et la Commission de génie génétique ont été créées en 1986 et 1989 respectivement, neuf et six ans avant la commercialisation de la première PGM aux États-Unis d'Amérique. La première directive européenne date de 1990.

[5] http://www.theguardian.com/sustainable-business/mcdonalds-fries-innate-potato-genetically-modified-food

[6] http://www.scaasymposium.org/steve-savage-human-vs-pests-the-long-view/

[7] http://www.wineinstitute.org/initiatives/issuesandpolicy/piercesdisease

[8] http://nature.berkeley.edu/xylella/

Note : Pour l'Europe, voir aussi :

http://www.efsa.europa.eu/fr/press/news/131126.htm

Xylella ne menace pas que la vigne :

http://www.aquitainagri.fr/fileadmin/documents_craa/BSV/NOTES_TECHNIQUES_REGLEMENTAIRES/Note_nationale_Xylella_fastidiosa.pdf

[9] http://www.news.ucdavis.edu/search/news_detail.lasso?id=10151

[10] http://www.lodiwine.com/GMO_the_US_Wine_Community.pdf

[11] http://www.oregonlive.com/today/index.ssf/2014/05/devastating_coffee_rust_fungus.html

[12] http://appliedmythology.blogspot.fr/2013/04/the-livelihood-of-small-coffee-growers.html

Note : Les chantres du « commerce équitable », tel Max Havelaar, interdisent les OGM dans leurs cahiers des charges...

[13] http://www.nytimes.com/2013/07/28/science/a-race-to-save-the-orange-by-altering-its-dna.html?hpw&_r=1&

[14] http://www.dailymotion.com/video/x1vctb_al-jolson-sings-yes-we-have-no-bana_music

[15] http://www.popsci.com/article/science/has-end-banana-arrived

Note : En Afrique, et principalement en Ouganda, où il fournit l'aliment de base, le bananier est atteint par un flétrissement bactérien à Xanthomonas. Aucune solution par l'amélioration des plantes classique, ni par les produits phytosanitaires. Des souches résistantes au flétrissement ont été produites par transgénèse, avec un gène du poivron, et pourraient être diffusées pour la plantation en 2016... si l'opposition aux OGM, largement financée par des groupes européens dont Oxfam, peut être surmontée :

http://www.nature.com/news/2010/101001/full/news.2010.509.html

http://gmo-food.theglobalmail.org/ugandas-choice

Un autre exemple de « plutôt mort que nourri aux OGM »...

[16] http://blogs.scientificamerican.com/artful-amoeba/2013/08/14/chocolate-frosty-pod-rot-and-you/

Note : voir aussi :

http://www.dropdata.org/cocoa/cocoa_prob.htm

[17] http://apsjournals.apsnet.org/doi/abs/10.1094/PHYTO-97-12-1644

[18] http://www.nestle.com/asset-library/documents/about_us/ask-nestle/nestle-framework-food-biotechnology-genetically-modified-organisms-gmo.pdf

[19] http://mars.com/germany/en/about-mars/faq.aspx

[20] http://www.thehersheycompany.com/nutrition-and-wellbeing/what-we-believe/our-ingredients/ingredient-topics/biotech-and-gm-ingredients.aspx

[21] Note : On ajoutera à ces scénarios l'utilisation de séquences génétiques artificielles bloquant une voie métabolique (ce fut le cas pour la tomate FlavrSavr, et de la pomme de terre 'Amflora').

« La condamnation d'abord ! La motivation ensuite ! »... Malice au Pays des Abeilles, par Wackes Seppi

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On pouvait flairer le loup en cette fin juin 2014 quand se déploya une intense campagne médiatique contre les insecticides systémiques (qui pénètrent dans la plante) – plus précisément les néonicotinoïdes et le fipronil – accusés de constituer une menace mondiale pour la biodiversité et les services écosystémiques (entendez par là, notamment, la pollinisation).

Mais on était très loin de percevoir l'énormité du scandale qui vient d'éclater. Des scientifiques se sont mis au service d'une action politique. Des institutions prestigieuses sont éclaboussées par le comportement de quelques-uns.

L'UICN communique bizarrement

Le 24 juin 2014, l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) publiait un communiqué dont on retiendra ceci [1] :

« Entreprenant une analyse complète de toute la littérature disponible (800 rapports revus par des pairs), le Groupe de travail sur les pesticides systémiques (Task Force on Systemic Pesticides) – un groupe mondial de chercheurs indépendants affiliés à la Commission de l'UICN de la gestion des écosystèmes et la Commission de l'UICN de la sauvegarde des espèces – a trouvé qu'il y avait des preuves claires de dommages, suffisantes pour déclencher des mesures réglementaires. »

On admirera déjà une emphase suspecte mâtinée de bémols : les chercheurs ont analysé toute la littérature – toutefois la seule publiée dans des revues à comité de lecture... Et, surtout, ils sont indépendants – mais néanmoins « affiliés » à l'UICN.

L'UICN ? Une organisation internationale au statut hybride, revendiquant plus de 1.200 organisations membres dans 140 pays, dont 200 gouvernements ou organisations gouvernementales, et 800 organisations non gouvernementales (les maths semblent un peu approximatives...). Ce n'est certes pas une organisation au militantisme effréné, mais tout de même. Une formidable machine de communication, donc. Un réseau ; et un réseau de réseaux.

Pourtant, elle ne s'approprie pas le travail, ni la conclusion (traduction littérale) :

« Les auteurs suggèrent avec vigueur aux agences de régulation d'appliquer davantage de principes de précaution et de durcir davantage les règlements sur les néonicotinoïdes et le fipronil, et de commencer à planifier leur élimination globale ou au moins commencer à formuler des plans pour une importante réduction de l'échelle mondiale de leur utilisation. »

Étonnante, cette prise de distance ! Car le groupe, bien que décrit dans le communiqué comme étant « affilié[...] », est en fait le sien. En témoigne une autre page de son site, sous le titre : « SSC and CEM joint Task Force on Systemic Pesticides » [2] :

« En mars 2011, un groupe de travail international a été institué dans le cadre de la Commission de l'UICN de la gestion des écosystèmes et la Commission de la sauvegarde des espèces pour réunir les preuves scientifiques nécessaires à l'appui d'une action sur les pesticides néonicotinoïdes, les plus importants des pesticides systémiques actuellement utilisés pour "protéger" plus de 140 espèces cultivées dans 120 pays. »

La finalité du groupe est donc annoncée sans ambages ; ce n'est pas faire de la science, mais fournir des munitions. Admirez aussi les guillemets autour de « protéger »...

Cependant, les objectifs de ce groupe de travail avaient été ciselés, et en quelque sorte corrigés, dans la suite du texte. On trouve notamment :

« 4) lancer une campagne mondiale d'information et de publicité une fois les preuves et l'information disponibles ; et 5) encourager les politiciens à changer les politiques et les évaluations de risques inadéquates, si les preuves scientifiques montrent une nécessité de changement. »

Mais on peut – on doit – considérer que « si les preuves scientifiques... » est une clause de style.

Le lien organique est aussi énoncé on ne peut plus clairement :

« Le groupe de travail se réunit deux fois par an et est dirigé par un comité directeur incluant les présidents du SSC et du CEM [des deux commissions de l'UICN]. »

Manifestement, le communiqué du 24 juin 2014 a fait la part belle à l'« indépendance » des chercheurs.

Pour un familier des manipulations médiatiques, un message d'alerte s'allume à la simple vue de chercheurs se prétendant indépendants ou étant ainsi qualifiés par des tiers ; surtout si les tiers sont actifs dans le « plaidoyer » (« lobbying » étant le gros mot employé pour désigner cette même activité, réelle ou supposée, du « camp » d'en face).

Le Monde de Foucart gobe un joli conte de fées

Ce même 24 juin 2014 paraît notamment un article dans le Monde, sous la signature de... M. Stéphane Foucart. Le titre est sans nuance : « Le déclin massif des insectes menace l'agriculture ».

C'est l'introduction qui doit retenir notre attention. M. Maarten Bijleveld van Lexmond, le président du groupe de travail, raconte que, vers le milieu des années 2000, il s'était inquiété de la disparition des insectes et qu'il avait réuni une douzaine d'entomologistes partageant la même inquiétude en juillet 2009, dans sa maison de Notre-Dame-de-Londres (Hérault). Il est cité :

« Au terme d'une longue journée de discussions, nous avons décidé d'examiner tout ce qui avait été publié dans la littérature scientifique sur les insecticides systémiques dits “néonicotinoïdes” [...] Cette nouvelle génération de molécules, mise sur le marché dans les années 1990, nous semblait être un élément déterminant pour expliquer la situation.»

Cela a l'air d'un conte de fées... auquel M. Foucart a succombé avec délice.

Le groupe de travail crée un site web, sans mention de l'UICN

Alors ? Génération spontanée ou initiée ou drivée par l'UICN. Les deux histoires ne sont pas incompatibles au vu du décalage chronologique. Mais il est extraordinairement gênant de ne pas voir l'UICN mentionnée dans cet article du Monde (la presse anglophone a été plus sérieuse).

Il y a pire. Le groupe a créé un site web [4] : aucune mention de l'UICN dans sa page « About us »... La recherche d'« IUCN » sur le site ne donne rien...

Et comment ces bonnes gens se présentent-elles sur la page d'accueil ?

« Le groupe de travail sur les pesticides systémiques est la réponse de la communauté scientifique aux préoccupations relatives à l'impact des pesticides systémiques sur la biodiversité et les écosystèmes. Son intention est de fournir un aperçu définitif de la science pour étayer un processus de décision plus rapide et amélioré. »

Voyez-vous ça ! Ils ont l'audace de s'affirmer les représentants de la communauté scientifique dans son ensemble ! Et de produire le dernier mot, un « aperçu définitif », sur les « pesticides » (pas seulement les insecticides) systémiques !

Ce site met en lien une série d'articles publiés dans Environmental Science and Pollution Research, une revue au facteur d'impact relativement modeste (2,87), et qui n'est pas exclusivement scientifique. Ils sont introduits dans la revue par un éditorial (curieux...) signé par Maarten Bijleveld van Lexmond, Jean-Marc Bonmatin, Dave Goulson et Dominique A. Noome [5]. Le texte dit que le groupe de travail « conseille » les deux commissions de l'UICN, dissimulant donc les liens organiques. M. Bijleveld van Lexmond donne le groupe de travail comme affiliation... mais avec son adresse personnelle.

La campagne d'abord ! Les articles ensuite !

Disons le simplement : tout cela fait désordre.

Mais il y a aussi le décalage entre le lancement de la campagne de communication, le 24 juin 2014, et la publication des articles scientifiques, dans le courant de l'été.

M. Sylvestre Huet a une explication, qu'on lui a sans nul doute soufflée, sur son blog [6] :

« Ayant mis en place tout un dispositif de communication autour de la date prévue à l'origine, les chercheurs ont décidé de le maintenir, au risque d'affaiblir leur message. »

Traduisons : l'impact de la communication est passé devant la crédibilité scientifique et même médiatique (chez les rares médias sérieux).

Mais il y a une autre question : vraiment ? L'éditorial précité a été reçu par l'éditeur le 13 juin et accepté le 17 juin 2014 (et publié le 23 août). Un autre document a été soumis le 29 avril et accepté seulement le 1er juillet 2014 [7]. Le retard de publication n'est dès lors guère crédible... Ou bien la planification n'a pas été mise à jour. Ou bien...

C'est que le lancement de la campagne a eu lieu lors de la National Pollinator Week états-unienne. Le 20 juin, le Président Obama avait signé un mémorandum présidentiel demandant notamment aux agences gouvernementales concernées d'instituer un groupe de travail et d'élaborer une stratégie nationale sur la santé des pollinisateurs [8].

Il fallait donc prendre date !

Les ministres britanniques devaient aussi examiner à la même époque la possibilité d'accorder une dérogation pour les semences de colza traitées aux néonicotinoïdes [9]. Surtout que les agriculteurs avaient subi des dégâts importants lors de la campagne en cours, avec des problèmes de lutte [10].

Une autre raison de prendre date !

Peut-on faire preuve de mauvais esprit et souligner que cela a permis de déployer la campagne de communication sans que l'on ait eu la possibilité d'en vérifier la validité scientifique ? La Crop Protection Association n'a pas mâché ses mots [11] :

« Il est très préoccupant que des allégations aussi graves soient faites sans que l'on ait permis de voir les éléments de preuve à leur appui, et que l'on ait donc empêché un examen objectif et indépendant. »

Mais que veulent-ils donc ?

Des « allégations aussi graves » ? Il y a le canal A des publications scientifiques, à caractère durable, et le canal B de la communication, par essence jetable.

Canal A, les « Conclusions of the Worldwide Integrated Assessment on the risks of neonicotinoids and fipronil to biodiversity and ecosystem functioning » (traduction littérale) [12] :

« Les auteurs suggèrent aux agences de régulation d'envisager d'appliquer les principes de prévention et de précaution pour durcir davantage les règlements sur les néonicotinoïdes et le fipronil, et d'envisager de formuler des plans pour une importante réduction de l'échelle mondiale de leur utilisation. »

Canal B, leur communiqué de presse [13]. C'est aussi le texte utilisé par l'UICN. Il est rappelé ici pour permettre la comparaison :

« Les auteurs suggèrent avec vigueur aux agences de régulation d'appliquer davantage de principes de précaution et de durcir davantage les règlements sur les néonicotinoïdes et le fipronil, et de commencer à planifier leur élimination globale ou au moins commencer à formuler des plans pour une importante réduction de l'échelle mondiale de leur utilisation. »

Il y a même un canal C : quand on interroge certains auteurs des documents du groupe de travail, ils s'expriment même contre une interdiction. C'est le cas de M. David Goulson [14] :

« Personnellement, je ne suis pas en faveur d'une interdiction pure et simple, mais je pense qu'il faut les utiliser plus judicieusement – nous devrions cesser de les utiliser s'ils ne profitent pas aux rendements. »

Et même un canal D, illustré par M. Jean-Marc Bonmatin (dont on taira l'affiliation officielle) dans un entretien sur France Culture [15] :

« Nous avons souhaité faire un état des lieux, sans accuser les compagnies. Les scientifiques ont fait leur travail, aux autres de prendre le relais. Nous voulions juste éclairer le chemin. On est entendu, mais c'est le passage de l'entente à la décision qui fait défaut. »

De la science, rien que de la science...

Le Journal de l'environnement a aussi donné la parole à M Bonmatin. Le journal écrit [16] :

« Écartant tout préconçu militant derrière la méta-analyse de la Task Force, il souligne le caractère scientifique de ces travaux. »

Avec une belle innocence, le journal précise que ces travaux ont été financés (en fait en partie) par la banque néerlandaise Triodos, fondée en 1980 et qui dit se concentrer sur, notamment... des entreprises du secteur de l’agriculture biologique et biodynamique, et des projets de protection de la nature.

Ce sera sans commentaires désobligeants...

On peut aussi citer celle-là pour tenir le lecteur en haleine [17] :

« Jamais personne n'avait pris la peine d'effectuer l'étude à la fois pointue et globale de chacune des données de près de 800 publications sur le sujet. Il a fallu quatre ans de travail et trente auteurs pour éplucher toute cette littérature scientifique. Précision importante : nous sommes un rassemblement de chercheurs indépendants. Indépendants des industriels, des écolos ou des pouvoirs administratifs. On ne cherche à faire plaisir à personne, c'est de la science. »

Ce sera... bis.

« Éclairer le chemin » ? Des travaux scientifiques ? Quelle blague !

Le pot aux roses a été découvert par M. David Zaruk, professeur adjoint au Vesalius College et aux Facultés Universitaires St-Louis de Bruxelles, alias the Risk-Monger. Son « IUCN’s Anti-Neonic Pesticide Task Force: An exposé into activist science » est sans nul doute appelé à devenir une référence dans le monde de la chasse à la science douteuse, sinon dévoyée [18].

Le Risk-Monger a donc déniché sur le site de M. Henk Tennekes, membre du Groupe de travail sur les pesticides systémiques, le compte rendu – annoté par M. Tennekes – d'un atelier international sur les néonicotinoïdes tenu à l'Université d'Orsay du 28 au 30 juin 2010. En fait d'atelier international, il s'agissait à l'évidence d'une réunion du Groupe de travail ou d'un noyau de celui-ci.

On y a examiné des projets d'articles et débattu de la suite à leur donner. La lecture du compte rendu suffit à comprendre qu'en fait de travaux scientifiques, il s'agissait d'alimenter une campagne médiatique.

Le compte rendu comporte un additif de la plus haute importance. En voici le texte intégral [19] :

« Le 14 juin 2010, le Pr Goeldlin et le Dr Bijleveld ont rencontré en Suisse le Dr Simon Stuart, Président de la Commission de l'UICN de la sauvegarde des espèces et M. Piet Wit, président de la Commission de l'UICN de la gestion des écosystèmes.

Il a été convenu que, sur la base des résultats de la réunion de Paris, les quatre études (research papers) clés seront publiées dans des revues à comité de lecture. Sur la base de ces documents, une étude sera soumise à Science (premier choix) ou Nature (deuxième choix) ; elle présentera de nouvelles analyses et conclusions dans toutes les disciplines scientifiques pour démontrer de façon aussi convaincante que possible l'impact des néonicotionoides sur les insectes, les oiseaux, les autres espèces, les fonctions des écosystèmes, et les moyens de subsistance de l'Homme. Ce papier à fort impact aura un premier auteur soigneusement choisi, un noyau d'auteurs composé de sept personnes ou moins (y compris les auteurs des quatre premiers documents), et un ensemble d'auteurs plus large pour obtenir une couverture globale et interdisciplinaire. Une quantité importante de preuves à l'appui figureront en ligne dans la partie « Supporting Online Material ». Un papier parallèle, « frère » (ce serait un document plus court de forum des politiques) pourrait être soumis simultanément à Science pour attirer l'attention sur les implications politiques de l'autre papier et appeler à un moratoire sur l'utilisation et la vente de pesticides néonicotinoïdes. Nous essaieront de rassembler quelques grands noms du monde scientifique comme auteurs de ce document. Si nous réussissons à faire publier ces deux documents, il y aura un impact énorme, et une campagne menée par le WWF, etc. pourra être lancée immédiatement. Il sera beaucoup plus difficile pour les politiciens d'ignorer un document de recherche et un document de forum des politiques publiés dans Science. La chose la plus urgente est d'obtenir le changement de politique nécessaire et de faire interdire ces pesticides, pas de lancer une campagne. Une base scientifique plus solide devrait se traduire par une campagne plus courte. En tout cas, cela va prendre du temps, car l'industrie chimique va jeter des millions dans un exercice de lobbying.

Afin de préparer le document qui sera soumis à Science, il faut le planifier simultanément avec les quatre premiers documents plus détaillés (pour être sûr que les quatre premiers documents ne sapent pas involontairement le document à fort impact proposé). Une petite réunion est donc nécessaire pour faire la planification nécessaire, y compris avec les auteurs des quatre premiers documents, David Gibbons/Mark Avery, Maarten Bijleveld, Pierre Goeldlin, les présidents des commissions SSC et CEM de l'UICN (ou leurs représentants) et une ou deux personnes expérimentées dans les publications à fort impact (comme Ana Rodriguez). »

Je vous envoie mon avocat...

Nous ne ferons pas l'exégèse de ce texte. Il se suffit à lui-même. C'est Malice – au sens premier, fort – au Pays des Abeilles.

On peut se reporter à Risk Monger [18], ainsi qu'à Science 2.0 [20]. Les commentaires y sont aussi utiles. On y voit notamment M. Henk Tennekes affirmer qu'il n'y a rien de mal dans le fait que des agents de l'UICN se préoccupent du désastre que causeront les néonicotinoïdes. Comme si c'était ça, l'enjeu du billet de Risk Monger...

Un billet qui a été remanié à la suite d'une « complaint » de... M. Bonmatin. Des mots bien sentis ont été enlevés du billet, mais ce n'est pas forcément à l'avantage des protagonistes : les lecteurs savent donc qu'il y a eu des pressions...

« Complaint » a notamment deux sens : une récrimination ou une plainte judiciaire. Risk Monger écrit aussi qu'Euractiv, l'hébergeur, a reçu des « charges of criminal proceedings ». La probité scientifique de M. Bonmatin se plaidera-t-elle au prétoire comme pour qui vous savez ? Ce qui est étonnant, c'est que M. Bonmatin n'a été nullement mis en cause à titre personnel, ni son institution dont il prétend aussi, semble-t-il, défendre l'honorabilité.

De quel droit s'agissant du ... ? Incidemment, M. Bonmatin avait déclaré sur France Culture [15] que les chercheurs avaient « fait [leurs travaux], d'une façon volontaire sur [leur] temps libre, si on ose dire ».

Risk Monger a présenté des excuses. Avec élégance et habileté.

Pour notre part, nous pouvons aussi en rester là, avec trois points de suspension...

Oh ! Avec une petite précision : l'UICN tente de s'extirper de cet énorme scandale [21]. Manifestement, M. Simon Suart, président d'une commission de l'UICN et MM. Pierre Goeldlin et Maarten Bijleveld n'ont pas dû participer à la même réunion.

Wackes Seppi

___________________

[1] http://www.iucn.org/news_homepage/?16025/Systemic-Pesticides-Pose-Global-Threat-to-Biodiversity-And-Ecosystem-Services

[2] http://www.iucn.org/about/work/programmes/species/who_we_are/ssc_specialist_groups_and_red_list_authorities_directory/task_forces/

[3] http://www.lemonde.fr/planete/article/2014/06/24/le-declin-massif-des-insectes-menace-l-agriculture_4444051_3244.html

[4] http://www.tfsp.info/

[5] http://link.springer.com/article/10.1007/s11356-014-3220-1/fulltext.html

[6] http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2014/06/les-insecticides-agricoles-responsable-du-massacre-/comments/page/1/#comments

[7] http://download.springer.com/static/pdf/966/art%253A10.1007%252Fs11356-014-3277-x.pdf?auth66=1417798641_51c6471f558e82523119f3527c0d34e5&ext=.pdf

[8] http://www.whitehouse.gov/the-press-office/2014/06/20/presidential-memorandum-creating-federal-strategy-promote-health-honey-b

[9] http://www.farmersguardian.com/home/latest-news/government-considers-neonicotinoid-derogation-request/65497.article

[10] http://www.farmersguardian.com/arable-farming/neonicotinoid-ban-already-hampering-oilseed-rape-nfu/67414.article

[11] http://www.farmersguardian.com/home/latest-news/-pesticide-industry-hits-back-at-neonicotinoid-claims/65567.article

[12] http://www.tfsp.info/wp-content/uploads/2014/06/8_ESPR_11356_2014_3229_OnlinePDF.pdf

[13] http://www.tfsp.info/wp-content/uploads/2014/06/WIA-PR-REL.pdf

[14] http://www.bbc.com/news/science-environment-27980344

[15] http://www.franceculture.fr/emission-la-grande-table-2eme-partie-y-a-t-il-une-lutte-entre-scientifiques-et-industriels-2014-07-0

16] http://www.journaldelenvironnement.net/article/neonicotinoides-une-menace-majeure-pour-la-biodiversite,47433

[17] http://www.lepoint.fr/environnement/les-pesticides-ne-devraient-pas-etre-automatiques-13-07-2014-1845810_1927.php

[18] http://risk-monger.blogactiv.eu/2014/12/02/iucn%E2%80%99s-anti-neonic-pesticide-task-force-an-expose-into-activist-science/#.VIMSxtKG-Sr

[19] http://risk-monger.blogactiv.eu/files/2014/12/Resum%C3%A9-INTERNATIONAL-WORKSHOP-ON-NEONICOTINOIDS-Comments-Henk-Tennekes.pdf

[20] http://www.science20.com/science_20/when_it_comes_to_neonics_activists_understand_pr_better_than_chemical_companies_do-150299

[21] http://www.forbes.com/sites/paulrodgers/2014/12/04/leaked-memo-raises-questions-about-pesticide-ban/

L’ « indice de planète heureuse » : bien-être soutenable, ou bêtise insoutenable ?

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Le Happy Planet Index (HPI), ou indice de planète heureuse, ça ne vous dit rien ? Moi non plus, jusqu’à un article peu critique récemment paru dans Pour la Science.

Les termes employés incitent déjà à la méfiance. Cela renifle fort l’hypothèse Gaïa. Une planète (catégorie astronomique) heureuse, ça ne veut a priori rien dire. Voyons quand même cela de plus près.

Le HPI a été inventé par la New Economics Fondation (1), un think thank britannique qui œuvre pour promouvoir « la justice économique, sociale, et environnementale »… Tout un programme.

Classement du HPI : comme c’est bizarre !

A l’échelle de chaque pays, le HPI mesure la capacité à prodiguer « des vies longues, heureuses et soutenables » à leur population (2) . Le scepticisme grandit d’autant plus qu’on découvre la carte mondiale du «bonheur soutenable » (voir carte ci-dessous):

En vert , les meilleurs élèves, des pays d’Amérique Latine plus le Vietnam , le champion étant le Costa Rica avec un HPI de 64.

En rouge, la classe des cancres, dans laquelle les USA côtoient la plupart des pays d’Afrique noire ou la Mongolie.

Encore n’en sommes nous pas à bout de nos surprises : Haïti (HPI=41,3) nage dans le « bonheur soutenable », comparé au Luxembourg (HPI=29). Et figurez vous que l’heureuse Palestine culmine à 51,2, faisant beaucoup mieux que la plupart des pays industrialisés…

La drôle d’équation du bonheur soutenable

On connaissait l’indice de développement humain (IDH), conçu par l’économiste indien Amartya Sen, prix « Nobel » d’économie, qui combine des indicateurs tels que le revenu par tête , l’espérance de vie, et l’accès à l’éducation. Au-delà, il y a toutes les statistiques économiques et sociales disponibles qui permettent de se faire une idée des conditions de vie d’une population donnée. Mais vouloir calculer un indice synthétique de bonheur est a priori une gageure. La New Economics Fondation aurait-elle vraiment réussi ce défi ?

Comment des pays en bas du classement du point de vue de l’IDH peuvent-ils être devant les pays les plus développés en terme de « bonheur soutenable » ? Réponse : parce que dans bonheur soutenable, il y a soutenable, le mot fourre-tout de l’idéologie écologiste.

« Les résultats de l'indice [HPI] permet classer les pays en fonction de leur efficience, combien de vies longues et heureuses chacun produit par unité d’ output environnemental [sic !] ».

Il est temps de voir ce qu’il y a derrière ce charabia :

On passera sur les petites subtilités de la cuisine mathématique (3) qui rebuteront plus d’un lecteur, et qui ont surtout le mérite de faire passer ces sornettes pour un travail d’analyse sérieux.

Le HPI est calculé à partir de 3 indicateurs.

En gros, HPI = (Bien-être vécu x Espérance de vie) / Empreinte Écologique

Le HPI comporte donc un seul indicateur à la fois objectif et incontestable dans son calcul : l’espérance de vie.

Le bien-être vécu ? « Si vous voulez vraiment savoir comment vont les gens, le mieux est de leur demander directement ». La New Economics Fondation utilise donc un sondage international de l’institut Gallup qui demande dans chaque pays aux sondés de classer leur satisfaction de vie sur une échelle de 0 à 10. Si sur le principe, demander aux gens paraît une bonne idée, les réponses d’un suédois, d’un coréen et d’un malgache sont-elles directement commensurables ? Si l’on prend en compte le niveau très proche du bien-être exprimé par les mexicains et celui des américains, comment expliquer qu’il y ait plus de 11 millions d’immigrés mexicains aux USA , dont 3 à 4 millions illégaux ? C’est un autre élément de scepticisme.

Mais c’est évidemment la dernière variable qui attire le plus notre attention : la fameuse empreinte écologique, escroquerie intellectuelle promue par le WWF et le Global Footprint Network (GFN) (4).

L’exemple éloquent d’Haïti.

Du coup, on peut comprendre ce qu’entend le think thank écolo par « efficience d’un pays », et par les vies longues et heureuses par « unité d’ output environnemental ». Et on comprend mieux l’étonnante performance de Haïti, l’un des pays les plus pauvres : certes, un haïtien vit en moyenne 18 ans de moins qu’un Luxembourgeois, n’affiche pas un bien-être particulièrement ostentatoire (3,8/10 contre 7,1/10 pour le luxembourgeois ), mais il a le bon goût de ne consommer que 0,6 « hectare global/par tête » (5), contre 10,7 hectares pour l’habitant du Grand Duché. Du coup, la planète est « heureuse » en Haïti, pensez-vous !

Le cas particulier d’Haïti , qui a perdu la quasi-totalité de sa couverture forestière au cours du siècle dernier au prix de conséquences désastreuses, illustre encore un plus l’ineptie de cette approche de la « soutenabilité » à travers la fumeuse empreinte écologique. Si la « planète», à en croire la New Economics Fondation, n’est pas loin d’exulter à Haïti, ça n’est pas parce que l’environnement et les ressources y sont gérées de manière durable, mais parce que les haïtiens sont très pauvres. Du coup, leur activité n’affole pas les compteurs truqués du WWF & GFN.

Conclusion

On voit mal, une fois cet indice HPI décortiqué, quel rapport il peut avoir avec « la justice économique, sociale, et environnementale » revendiquée par l’ONG. Mais on voit mieux quelle idéologie le sous-tend. Quant à sa valeur informative, elle est sans doute proche de celui concocté par le régime Nord-Coréen (6).

Anton Suwalki

Post Scriptum : le Bhoutan, pays du « Bonheur National Brut », n’apparaît pas dans le classement du HPI. Pays arriéré et Régime (jusqu’à présent) rétrograde célébré dans l’effroyable film de propagande de Marie-Monique Robin, et diffusé par Arte (7). Sans doute parce qu’on est si heureux dans ce pays que l’échelle qui sert à mesurer le bonheur des autres pays est trop petite. On ne mesure pas la distance de la Terre au soleil avec une rgèle d’écolier

http://www.neweconomics.org/

  1. http://www.happyplanetindex.org/data/
  2. détaillées dans le rapport complet disponible sur leur site
  3. http://imposteurs.over-blog.com/article-reduire-l-empreinte-ecologique-ou-reduire-l-empreinte-des-ecologistes-85934787.html
  4. Seul l’Afghanistan fait « mieux », si on ose dire.
  5. http://www.marianne.net/En-Coree-du-nord-le-bonheur-c-est-simple-comme-un-sondage_a206879.html
  6. http://info.arte.tv/fr/bhoutan-au-pays-du-bonheur-national-brut
L’ « indice de planète heureuse » : bien-être soutenable, ou bêtise insoutenable ?

Indomptable Gilles-Éric, par Wackes Seppi

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« Quand la borne est franchie, il n'y a plus de limite »

Encore un lapin sorti du chapeau

Les « études » sortent à flot régulier du laboratoire de M. Gilles-Éric Séralini. La recette est rodée :

  • Ingrédients : cellules isolées (ou tissus), milieu de culture, Roundup et glyphosate seul (la matière active du Roundup).
  • Mise en place : faire mariner les cellules dans le milieu nutritif simple ou additionné de Roundup ou de glyphosate.
  • Finitions : observer l'effet, préparer une publication scientifique.
  • Accompagnement : bruit ou tapage médiatique (selon possibilités et en fonction de l'effet désiré).

La gesticulation contre le Roundup – dont on rappellera qu'il est vendu dans les jardineries et grandes surfaces, c'est dire combien il est dangereux – n'étant pas très médiagénique, le tapage a plutôt été discret ces derniers temps.

L'équipe élargie à d'autres (Steeve Gress, Sandrine Lemoine, Paolo-Emilio Puddu, Gilles-Éric Séralini, René Rouet) vient donc de sortir « Cardiotoxic Electrophysiological Effects of the Herbicide Roundup® in Rat and Rabbit Ventricular Myocardium In Vitro » [1]. En bref, des cellules de tissu cardiaque ventriculaire de rat et de lapin se sentent mal quand elles sont baignées dans du Roundup ; elles seraient plutôt à l'aise dans le milieu avec glyphosate seul, selon le résumé de la publication : « Le glyphosate seul (18 et 180 ppm) n'avait pas d'effets électrophysiologiques significatif ».

Résultat fort heureux, puisqu'il permet de conforter le lobbying contre le glyphosate/Roundup au motif que les évaluations, portant prétendument sur le glyphosate seul, ne permettent pas d'identifier la nocivité du produit formulé et que l'autorisation du glyphosate doit par conséquent être retirée.

Résultat sans nul doute crédible et obtenu dans les règles de l'art. Le problème vient de la surinterprétation des travaux accomplis, comme souvent dans ce genre d'études (ce n'est pas limité à l'équipe de Caen). Selon le résumé, la manipulation in vitro pourrait bien expliquer certains effets cardiaques observés – in vivo – dans des hôpitaux dans des cas d'intoxication aiguë (notez le conditionnel...).

Intoxications qui, en fait, ne peuvent être que la conséquence de tentatives de suicide [2]. On a parfaitement le droit d'émettre une hypothèse. Mais la raison exige que l'on souligne la difficulté d'extrapoler de l'in vitro à l'in vivo. Et bien sûr qu'on en fasse un usage raisonnable.

Cette étude n'aurait pas attiré notre attention, ne fût-ce le morceau de propagande du site construit à la gloire de M. Séralini [3]. Le morceau a été repris en substance sur le site du CRIIGEN [4] :

« Les résultats de cette nouvelle étude pourraient expliquer des anecdotes de chasseurs signalant des cas de mort subite de lapins après avoir traversé un champ fraîchement traité au Roundup, ou encore les cas de propriétaires d'animaux de compagnies, comme les chiens, décédant après des épandages domestiques de Roundup – ainsi que les cas documentés de personnes souffrant de troubles cardiaques après un empoisonnement au Roundup. »

Curieuses, ces anecdotes de chasseurs... La LD50 par contact avec la peau en toxicité aiguë (qui est encore loin d'être la LD50 pour une mortalité quasi immédiate) est supérieure à 2 grammes par kilogramme [5]...

Rex, le chien de la célèbre séquence de Monsanto retoquée pour publicité mensongère, doit avoir joué au cascadeur inconscient... Notons par pure Schadenfreude que le site de Mme Claire Robinson parlait de chiens traversant un gazon traité au glyphosate... ils doivent probablement ignorer que si on « traite » le gazon au glypho, c'est pour le... détruire.

Le Centre National d'Informations Toxicologiques Vétérinaires (CNITV) a publié une étude en 1998 [6]. Sur 31 cas d'empoisonnements certains ou très probables, tous liés à une ingestion du produit pur ou de la bouillie prête à l'emploi, il n'y a eu aucune mortalité, et aucun effet à long terme.

Mais que valent les études du CNITV face aux anecdotes de chasseurs...

Dialogues entre membres du CRIIGEN

De la recette de paillasse de laboratoire, passons aux recettes de cuisine.

MM. Gilles-Éric Séralini, professeur d'Université, membre du conseil d'administration du CRIIGEN et président du conseil scientifique du CRIIGEN, et Jérôme Douzelet, restaurateur/hôtelier au Mas de Rivet, à Barjac (Gard) et membre du Conseil d'administration du CRIIGEN, ont produit un ouvrage, « Plaisirs cuisinés ou poisons cachés, dialogue entre un chef et un scientifique », préfacé par M. Jean-Marie Pelt. pharmacien/botaniste et membre du Conseil d'administration du CRIIGEN.

Du site du CRIIGEN [7] :

« ...les polluants chimiques présents dans pratiquement tous les aliments sont beaucoup moins traqués [que les germes bactériens et autres] : métaux lourds, herbicides, insecticides, fongicides et OGM, additifs, exhausteurs de goût, détergents, plastifiants... Les autorisations de ces produits masquent à la société les savoirs sur tous les problèmes sanitaires que ces nouveaux contaminants alimentaires peuvent engendrer. Méconnaissance, protection malhonnête d’intérêts privés dans un système d’expertise bien rôdé ou volonté de ne pas faire éclater de scandale, la frontière est bien gardée. »

Et encore :

« Gilles-Éric Séralini, professeur et chercheur à l’université de Caen, spécialiste des OGM et des pesticides – connu pour ses expériences récentes établissant un lien avec tumeurs, maladies des reins et du foie –, et Jérôme Douzelet, chef cuisinier responsable, ont décidé d’unir leur voix pour révéler des expériences éclairantes sur la malhonnêteté de l’évaluation des produits chimiques et les possibilités de développer une cuisine festive, naturelle et biologique, haute en saveurs, couleurs, textures, en symbiose avec la biodiversité et la santé dans un vrai métier de "restaurateur". »

Il n'y a pas à dire : c'est très épicé. En bref, l'intoxication pour une vingtaine d'euros seulement.

Intoxications confirmée sur France3 Régions le 12 novembre 2014 : « Selon le professeur Séralini, "on mange à peu près 36 pesticides par jour" » [8]. On attend la surenchère du Générations Futures de M. François Veillerette...

Mais il ne faut pas s'inquiéter. Le CRIIGEN organise du 4 au 7 juin 2015, au Mas de Rivet, chez Chef Jérôme Douzelet (« chef » étant la formule d'appel bienséante selon le dernier tic à la mode), un séminaire sur « Les plantes, le sol, la joie dans la cuisine et la détoxification » [9]. Pr Gilles-Eric Séralini y parlera sur « Les pollutions, et les preuves de la détoxification cellulaire par les plantes ». Nous pouvons nous sauver ! Grâce aux « tis’up » de Marie de Mazet [10] (servies lors de la visite du Jardin de Mazet) et autres médicaments de Sevene Pharma [11].

Il ne faut pas s'inquiéter ? Pas sûr. Le 16 janvier 2015, le Pr Séralini et le Chef Jérôme Douzelet tiendront une conférence sur le thème : « La qualité de notre alimentation est-elle récupérable ? » [12].

Sera-ce pour entendre que la réponse sera donnée en juin ? Ou, comme à la foire de Cahors, que le salut vient du « bio » ;

« En outre, une conférence menée par le professeur de biologie moléculaire Gilles-Éric Séralini, de l'université de Caen, et le chef cuisinier Jérôme Douzelet, a permis de "parler des tabous, comme l'engraissement des palmipèdes par du maïs importé espagnol contenant du transgénique". Ils ont rappelé et démontré que "'agriculture bio, n'est pas seulement bonne pour l'environnement, mais bénéfique pour la santé". » [13]

Enfin... Bon pour la santé ne met pas fin à l'utilité des pilules et tisanes détoxifiantes.

Sur France Culture, M. Matthieu Vidard passe les plats

La sortie de l'ouvrage a offert l'occasion à M. Mathieu Vidard d'inviter M. Séralini à « La tête au carré » sur France Inter [14]. L'occasion, non pas de parler de l'ouvrage, sauf en aparté, mais de ressusciter la fameuse « étude » sur les rats et de raviver certaines polémiques et rancunes.

M. Séralini ne s'est pas privé d'utiliser le micro à son avantage. Il aurait eu tort de s'en priver.

On en vient dès lors à se demander qui a été le plus insupportable dans cette affaire : celui qui, sans beaucoup parler, a tendu le micro avec une incroyable complaisance, ou celui qui en a profité ?

Qu'en est-il de M. Vidard ? Exemples...

M. Vidard présente M. Séralini comme « l'homme qui fait gonfler des tumeurs de rats comme du popcorn en leur donnant du maïs OGM » et comme « top chef de la biologie moléculaire ». Compte tenu de la suite de l'émission, ce n'était pas ironique.

L'émission est bien entamée. M. Séralini s'est lancé dans une longue diatribe décollant sur une série de sophismes – les industriels auraient (le conditionnel est le nôtre) prétendu qu'ils allaient réduire l'usage des pesticides, alors qu'ils n'ont jamais vendu autant de Roundup – pour atterrir sur la critique des études de Monsanto, le terminal étant : « et dès qu'il y a une contre-étude... ». Ce n'est pas précisé dans le flot de paroles : il s'agit de : « A Comparison of the Effects of Three GM Corn Varieties on Mammalian Health », de décembre 2009 [15]. M. Vidard intervient donc (14:27) : « Avec une méthodologie qui justement pose problème... ».

Cher lecteur... si vous avez pensé à ce stade qu'il se référait à l'« étude » de M. Séralini, vous avez faux. Car il poursuit : « ...c'est la raison pour laquelle vous avez commencé votre étude... » Pensait-il à la fameuse « étude » sur les rats de septembre 2012 ? On ne saurait dire, mais c'est probable.

M. Vidard n'émet pas la moindre critique de l'étude. Celle de 2009 a pourtant été retoquée à l'époque par une série d'agences d'évaluation, notamment le HCB français [16], l'EFSA européenne [17] et la FSANZ australo-néozélandaise [18]. Quant à celle de 2012...

M. Séralini peut donc embrayer, ou plutôt poursuivre (14:38) – « Moi, j'ai été expert pendant neuf ans pour le Gouvernement français » (lire : membre de comités appelés à formuler des avis). Poursuivre et dérouler les thèses bien connues de la conspiration du silence sur les (prétendus) effets délétères des OGM, et du complot orchestré par Monsanto et exécuté par une poignée de larbins pour dénigrer son travail (« quelques lobbyistes que j'ai retrouvé après critiquant mon étude » – 14:44).

Avec une petite incise cocasse sur la procédure judiciaire qui avait eu lieu en Allemagne pour obtenir les données de Monsanto sur le NK603 (15:06) : « On a d'abord été au tribunal... ». Cocasse car « on », c'est Greenpeace. Il poursuit (15:06) : « Et vous vous rendez compte, on est en 2005, Monsanto attaque déjà bien avant le TTIP, TAFTA, les traités transatlantiques qui permettra (sic) aux grandes entreprises d'attaquer les gouvernements nationaux... » : l'altermondialiste qui n'avance plus masqué démontre ainsi que lesdits accords ne changeront rien sur le principe...

M. Séralini en arrive à son « étude » phare. M. Vidard l'interrompt (16:17) : « Avec les résultats livrés en septembre 2012 et la tempête médiatique dans laquelle vous avez été embarqué... c'est absolument inimaginable ce qui s'est passé... c'est-à-dire que l'étude a été reprise dans le monde entier – on a vu les images sur toutes les chaînes télé du monde ».

L'animateur d'une émission prétendument scientifique juge dont l'impact d'un article « scientifique » à l'aune du choc des photos...

Et M. Séralini peut poursuivre sur les effets positifs (selon lui) de cette « étude » (16:30) : « Avec des conséquences positives, des moratoires, des demandes de recherche, des demandes de republication dans le monde entier ». Sans oublier l'attaque hargneuse : « ...et puis il y a eu un petit lobby de diffamateurs qui maintenant sont identifiés, qui remontent presque tous à Monsanto et au grand lobby ILSI. »

Que dit M. Vidard devant ces énormes contrevérités (ainsi, en fait de moratoires, il n'y en eut point) ? Rien !

Une telle obséquiosité, doublée d'un incroyable déni de réalité, ne peut que laisser pantois.

Et qu'en est-il de M. Séralini ? On vient d'en avoir un aperçu, mais reprenons depuis le début pour des propos qui ne ressortent généralement pas du disque rayé qu'il met sur la platine dès qu'on lui en donne l'occasion sous la forme d'un petit interview.

Petite incursion dans l'altermondialisme après la chronique de M. Philippe Henarejos sur le financement participatif (crowdfunding) d'une mission sur la Lune (7:00) : selon M. Séralini, « les grandes entreprises ne sont pas complètement privées parce qu'elles bénéficient d'énormément de subventions publiques depuis la deuxième guerre mondiale. C'est quasiment la richesse des pays du G8 qui [a] alimenté les grands chimistes, les grands faiseurs d'OGM et de pesticides ». Un boniment, ça trompe énormément...

Cela nous renvoie incidemment à la bande-annonce de « Tous cobayes ? » et à l'explication de l'origine du séquençage génétique humain [19]. Un autre morceau d'anthologie à ne rater sous aucun prétexte !

Le lien est ainsi établi avec le financement de l'« étude » sur les rats (7:22) : « C'est complètement des subventions de fondations, d'associations, de personnes privées, tout à fait... ». Incroyable ! Il est de notoriété publique que la majeure partie du financement provient d'entreprises, dont des géants de la grande distribution : on le tient de M. Séralini lui-même. Il s'est du reste vanté dans son livre « Tous cobayes ! » de la constitution d'une fondation-écran, dans un passage qui a été repris dans le numéro du Nouvel Observateur à l'indécente couverture et au non moins indécent contenu [20].

M. Séralini prétend aussi que « les gouvernements ne financent pas du tout [...] les fonds publics ne vont pas dans la contre-expertise des autorisations données par le gouvernement ». Là encore, la mâchoire se décroche. Le gouvernement français n'a-t-il pas mis, l'année passée, quelque 2,5 millions d'euros dans une étude sur les risques toxicologiques des OGM (RiskOGM) ? Une étude que le CRIIGEN s'est empressé de récuser a priori [21] ? Une étude censée compléter le projet européen GRACE (GMO Risk Assessment and Communication of Evidence) financé à hauteur de 3 millions d'euros par l'Union européenne [22] ?

Bonjour la sinistrose (10:54) : « ...quand on voit qu'on nourrit le monde avec des produits qui servent surtout aux cochons, aux vaches et aux poulets et que ça leur donne des maladies, que ça nous donne des maladies derrière, on se dit quelquefois que le progrès est mal utilisé, en tout cas part dans les poches d'une minorité de gens. » Les bras en tombent...

Qu'on se le dise [11:33] : « En fait, je suis un pro-OGM, je les enseigne, je travaille avec... » Mais, « ceci dit, ce n'est pas une raison pour faire des OGM qui servent à contenir des pesticides à haute dose et pour les mettre dans les champs et les assiettes sans contrôle sanitaire... » Ben évidemment, ça ne peut qu'être à haute dose et, ben voyons, sans contrôle sanitaire... Et le « je suis pour... mais... » est un grand classique. Là, ce sont les jambes qui lâchent...

Le couvert est remis sur une certaine vision économique : « ...et là ça devient un outil utilisé de manière scandaleuse, non pas par les chercheurs eux-mêmes [...] mais en fait par des industriels qui dominent le monde, justement, de l'agroalimentaire... ». M. Vidard lance un nom bien connu, et cela permet de dérouler la litanie des entreprises que l'on aime tant haïr dans les conversations bourgeoises (mais pas quand elles nous soulagent avec leurs médicaments, biocides, etc.).

L'expertise économique séralinienne revient, suivie d'une pensée qui ne déplairait pas à Mme Vandana Shiva (que des langues forcément mauvaises surnomment « l'ambassadrice de la faim ») [12:50] : « ...la somme [des entreprises] fait beaucoup par rapport au PIB mondial, et c'est vrai que s'il y avait moins de subventions vers ces OGM [...] sans doute qu'on pourrait mieux nourrir le monde. » Petit rappel : 175 millions d'hectares dans le monde, essentiellement dans une dizaine de pays... Autre petit rappel : pour l'année finissant au 31 août 2014, les ventes de Monsanto ont représenté 15,855 milliards de dollars. Carrefour, en 2013, c'était 84,324 milliards d'euros.

M. Vidard lance du coup l'argument de la double casquette de ces entreprises [13:02] : « ...ils sont très malins, ils sont à la fois du côté des OGM et des pesticides, tant qu'à faire ». De quoi épater la galerie... Et M. Séralini abonde : « ... et même du côté du "bio" [...] Ils font aussi des plantes mutées qui sont destinées à absorber des pesticides mais qui ne se déclarent pas en tant qu'OGM [...] ils essaient d'être partout, un peu comme des pieuvres dans le système de l'agroalimentaire ».

Les écluses de la désinformation la plus scandaleuse sont dès lors ouvertes [13:24] : « Ce qui est surprenant, c'est que des produits qui ont servi pour faire la guerre, des explosifs comme des nitrates qui terminent dans l'agriculture intensive, des gaz de combat, des gaz de camp de concentration terminent finalement dans nos assiettes parce qu'ils sont utilisés comme insecticides et comme pesticides... Les dérivés de l'Agent orange qui a servi pendant la guerre du Vietnam... ben maintenant il y a des plantes qui sont génétiquement modifiées tolérantes à cet agent qui viennent d'être en demande [sic] aux États-Unis et au Canada... »

Quels termes utiliser pour manifester son écœurement, à la fois devant le procédé et devant le contenu ?

Les agriculteurs et les jardiniers amateurs doivent être surpris d'apprendre qu'ils manipulent des explosifs à la place d'engrais (même si certains peuvent être utilisés pour fabriquer des bombes artisanales) ; les consommateurs qu'ils ont de l'ypérite et du Zyklon B dans leurs assiettes (l'acide prussique a été utilisé comme insecticide bien avant d'acquérir une sinistre réputation).

Quant à l'Agent orange, c'était un mélange de deux herbicides, dont l'un, le 2-4-D n'a jamais cessé d'être utilisé, et ce, très largement, compte tenu notamment de son profil toxicologique favorable. Les plantes rendues tolérantes ne le sont pas à l'Agent orange, mais au 2-4-D. Ça, M. Séralini ne peut pas l'ignorer... Du reste, le 2-4-D est sélectif. La plupart des graminées – dont les céréales – le tolèrent naturellement. Ça aussi, M. Séralini ne peut pas l'ignorer. Mais c'est toujours bon à proférer devant des auditeurs béotiens...

Maîtrise des recettes de la désinformation... irresponsabilité médiatique

Nous nous arrêterons là dans la retranscription d'une émission qui fait honte au service public.

« Quand la borne est franchie, il n'y a plus de limite » a été le titre d'une émission de France Inter (de « L'oreille en coin », en été 1979). Dans cette émission de « La tête au carré », en fait, il n'y avait pas de borne.

Wackes Seppi

__________________

[1] http://link.springer.com/article/10.1007/s12012-014-9299-2

[2] http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0379073812005476

« La mort a été associée la plupart du temps avec des doses plus importantes (500 ml chez un patient) et de fortes concentrations de glyphosate dans le sang. »

[3] http://www.gmoseralini.org/roundup-toxic-heart-new-study/

[4] http://www.criigen.org/ogm/187/display/Cardiotoxic-electrophysiological-effects-of-the-herbicide-Roundup-in-rat-and-rabbit-ventricular-myocardium-in-vitro

[5] Par exemple :

http://npic.orst.edu/factsheets/glyphotech.pdf

[6] http://europepmc.org/abstract/med/9830700

[7] http://www.criigen.org/actualite/52/display/Nouveau-livre-Plaisirs-cuisines-ou-poisons-caches-dialogue-entre-un-chef-et-un-scientifique-de-G-E-Seralini-et-J-Douzelet

[8] http://france3-regions.francetvinfo.fr/basse-normandie/2014/11/12/selon-le-professeur-seralini-mange-peu-pres-36-pesticides-par-jour-590596.html

[9] http://www.criigen.org/manifestation/64/display/Seminaires-du-CRIIGEN-le-programme-du-1er-semestre-2015

[10] http://www.mariedemazet.com/boisson-bio-aux-plantes/tisane-glacee-tisup/boisson-bio-toutes-saveurs-tisup

[11] http://www.sevenepharma.com/nos-medicaments/

[12] http://www.criigen.org/manifestation/65/display/Conference-16-janvier-2015-Caen-La-qualite-de-notre-alimentation-est-elle-recuperable-

[13] http://www.ladepeche.fr/article/2014/12/15/2011543-le-bio-a-sorti-ses-habits-de-fetes.html

[14] http://www.franceinter.fr/emission-la-tete-au-carre-ogm-pesticides-et-poisons-caches

[15] http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2793308/

[16] http://www.hautconseildesbiotechnologies.fr/IMG/pdf/091231_Article_Spiroux_de_Vendomois_Avis_CS_HCB.pdf

Avec cette remarque assassine :

« On notera également que l’absence de conflit d’intérêt des rédacteurs, qui est mentionnée en fin d’article, pourrait être discutée. L’organisme de rattachement des auteurs continue d’afficher sur son site public des résultats d’études, comme celui de l’étude Autrichienne de novembre 2008, prétendant démontrer des effets négatifs du MON810 sur la reproduction, alors que ces résultats ont été reconnus comme erronés par les auteurs de l’étude eux-mêmes. »

[17] http://www.efsa.europa.eu/en/events/event/gmo100127-m.pdf

[18] http://www.foodstandards.gov.au/consumer/gmfood/mon863/pages/default.aspx

Avec par exemple cette autre remarque assassine :

« Malgré les nombreuses critiques, le Pr Séralini et ses collaborateurs ont fait défaut sur la reconnaissance du fait que le contexte biologique fait partie intégrante de l'interprétation des études toxicologiques. »

En clair : il ne suffit pas de trouver des différences statistiquement significative.

[19] https://www.youtube.com/watch?v=AoI_LiWhWq0

[20] http://tempsreel.nouvelobs.com/ogm-le-scandale/20120918.OBS2789/ogm-quand-la-grande-distribution-finance-une-etude-choc.html

[21] http://www.criigen.org/communique/86/display/OGM-Monsanto-invite-a-s-auto-evaluer-avec-3-millions-d-argent-public

[22] http://www.grace-fp7.eu/

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